Le 17 décembre 2015, François Hollande s’est rendu à Neuville Saint-Vaast dans le Pas-de-Calais, pour inaugurer, aux côtés de Xavier Bertrand, le «Monument des fraternisations». Un symbole vraiment bienvenu dans une France fracturée.

Il faut d’abord rappeler ce que commémore ce monument : il s’agit de ces épisodes où, pendant la guerre de 14, spontanément, des soldats français, écossais et allemands (et sans doute d’autres nationalités) ont fraternisé pendant la nuit de Noël. Ces épisodes longtemps occultés, et maintenant bien documentés, ont été racontés dans le film de Christian Carion : Joyeux Noël (2005), que la 8e chaîne a eu la bonne idée de rediffuser le 20 décembre 2015.
Certes, fraterniser le temps d’une veillée de Noël, c’est très bien. Mais le lendemain, on recommence à se massacrer. C’est la tragique ironie de l’histoire… et de l’Histoire. En fait, on comprend que cette guerre n’est pas d’abord celle des peuples, mais celle des puissants, des généraux, des états-majors, qui ne comprennent rien à ces fraternisations autour de la naissance du Christ en qui, au moins traditionnellement, tous les camps croient. Mais la preuve que ce miracle de Noël n’est pas anecdotique, c’est que des sanctions sérieuses seront prises puisque les régiments concernés seront considérés comme coupables de haute trahison.
Un Président de la République socialiste qui s’invite chez un Président de Région de droite pour inaugurer ce monument, est-ce aussi de la haute trahison ? C’est quasiment ce que certains ont dit ! Mais il faut citer Gérald Darmanin, député-maire de Tourcoing, qui a rétorqué ceci : « Si les soldats français et allemands, en pleine boucherie de la Première Guerre Mondiale, ont su fraterniser, je pense que le président de la République et le futur président de Région ont le droit de se saluer devant un monument. » Oui, en France, nous avons grand besoin de redécouvrir le troisième terme de la devise républicaine.
Y a-t-il eu des fraternisations en temps de guerre par la suite ? C’est possible, mais pas à ma connaissance, même s’il y a eu des trêves de Noël notamment au Viet-nam. D’abord, en 14, on s’était installé dans une guerre de tranchées : les lignes étaient fixées, et on finissait par bien se connaître, en quelque sorte ! Ensuite, ce qui est frappant, c’est que, aussi abominable qu’ait été la guerre de 1914-1918, il restait un fond de chrétienté chez les protagonistes. Pour ne prendre que la Deuxième Guerre Mondiale, le régime nazi, lui, était anti-juif et anti-chrétien, se réclamant parfois ouvertement du paganisme et revendiquant même explicitement la barbarie.
Il se trouve que, le 14 décembre 2015, j’ai visité Oradour s/Glane, ce village proche de Limoges dont la division SS Das Reich a brûlé tous les habitants, comme ça, gratuitement, alors que ce n’était même pas un foyer de Résistance. Là, on dépasse la limite d’une éventuelle fraternisation. Car il ne s’agit effectivement plus de guerre mais de mal absolu. Quand on est capable de mitrailler et de faire brûler des centaines de civils, hommes, femmes et enfants dans une église, on s’extrait soi-même de l’humanité.
Aujourd’hui, alors que les barbares sévissent en plein milieu de nous, quelles leçons pouvons-nous tirer de tout cela ? Je crois que ni les kamikazes islamistes, ni les habitants de la France n’ont envie de se souhaiter Joyeux Noël, même si je dis à ceux qui ont l’intention de se faire exploser que Jésus –Isa, dans le Coran– est mort pour eux aussi, afin qu’ils vivent et qu’ils arrêtent de tuer au lieu de se laisser happer par la fascination démoniaque pour leur propre mort et celle d’un maximum de gens avec eux. Il est donc encore temps pour eux de se repentir et d’arrêter de se prendre pour le bras armé de Dieu. En revanche, je voudrais rappeler que la fête de Noël est souvent célébrée par les musulmans, qui vont offrir à cette occasion des pâtisseries à leurs voisins chrétiens. Ça, c’est extrêmement touchant, et à eux, je veux dire avec reconnaissance : Joyeux Noël !