Quitter un lieu pour un autre, rentrer au pays, changer de cadre et de rythme, reprendre un travail délaissé pour un temps, tout cela nécessite une adaptation. Dans le cas d'Antonio et de Karen, personnages principaux de Stromboli(1), cet effort sort de l'ordinaire.
Nous sommes au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Antonio se prépare à rentrer chez-lui, sur son île, où il exerce son travail de pêcheur. Mais ce n'est pas un retour ordinaire, car le voilà accompagné de sa jeune épouse, Karen, une réfugiée lituanienne qui ne parle guère sa langue et ne partage pas sa culture.
Les difficultés classiques d'une rentrée, avec la réadaptation nécessaire, se trouvent ici décuplées. Karen, interprétée par la sublime Ingrid Bergman, est confrontée au défi d'une adaptation tous azimuts. Bien vite, ce village empreint de traditions, replié sur un travail rude et routinier, la rejette. Elle, l'étrangère, est pointée du doigt. Karen ne sait comment s'insérer dans ce monde, et bien vite, c'est Dieu qu'elle accuse, au fil d'un échange tendu avec le prêtre local. Quant à Antonio, son retour au village vire au cauchemar, avec une épouse rebelle et différente, que son milieu n'accepte pas.
Un choix de vie
Face à ce défi, Antonio choisit de s'enfermer dans ses certitudes et son orgueil. Il réagit au changement par la clôture, le verrou. Karen, quant à elle, ne ferme aucune porte. Bien qu'en colère, confrontée au rejet, elle cherche une clef et se tourne vers Dieu. La longue scène finale du film illustre cet élan de manière extraordinaire. Voilà Karen qui escalade le volcan, trébuche, tombe, se relève, perdant au fil de l'ascension l'argent sale qu'elle a volé dans le but de fuir. Elle qui s'était brutalement opposée au prêtre, la voilà qui regrette, demande pardon à Dieu, et appelle le Tout-Puissant à pardonner aussi aux villageois qui "ne savent pas ce qu'ils font". Elle retrouve les mots que le Christ lui-même a prononcés à l'encontre de ses persécuteurs (Bible, Évangile de Luc 23.34). Enfin, elle implore Dieu de lui donner la force.
Rossellini ne nous donne pas la réponse du Très-Haut. Mais nous devinons que la prière fervente de Karen l’a libérée. Capable de changer et de s’adapter, elle nous invite à nous libérer nous aussi du fardeau de notre suffisance et à nous ouvrir à l'espérance.