La Commune de Paris ne dure que du 18 mars au 28 mai 1871, mais elle laisse une trace durable dans l'histoire, attestée par l'intérêt qu'elle suscite encore. Dernière révolution parisienne, une des plus sanglantes aussi, elle éclate après la défaite de 1871, mal acceptée par les Parisiens, dans un climat d'inégalités sociales.
Parmi ses dirigeants, le capitaine Louis-Nathaniel Rossel (1844-1871), polytechnicien et officier du génie, occupe une place singulière.
Louis-Nathaniel Rossel, né le 09 septembre 1844 à Saint-Brieuc, où son père était en garnison, était fils d'un chef de bataillon en retraite, Louis Rossel (Gardois cévenol, issu d'une famille profondément protestante et républicaine - lui-même a refusé de prêter serment à Napoléon III-, descendant de Camisards), et d'une mère britannique (écossaise), née Sarah Campbell, qui l'avaient élevé dans la religion protestante réformée.
Réformiste modéré, sa participation à un mouvement révolutionnaire peut surprendre. C'est que ce farouche partisan de la lutte à outrance n'a pu se résigner à l'armistice.
Quand survient l'insurrection parisienne, son patriotisme le conduit à s'y rallier, dans la perspective d'une reprise de la guerre contre l'Empire allemand. Vite détrompé à ce sujet, il constate les faiblesses et les insuffisances de la Commune qu'il persiste à servir, ayant choisi son parti. Chef d'état-major puis délégué à la Guerre, il tente d'organiser militairement les fédérés de la Garde nationale, puis avec d'autres, de substituer un pouvoir fort à celui en place. Ayant échoué, il se retire des affaires le 10 mai, mais reste à Paris, même après la chute de la Commune.
Arrêté, le 10 mai 1871 dans sa cachette (Hôtel de Montebello 54 boulevard Saint-Germain), il est incarcéré à Versailles. Il a, durant son incarcération, une vie spirituelle intense.
Il est jugé par une cour martiale qui condamne à mort le seul officier d'active à avoir joué un rôle pendant la Commune. Beaucoup de gens avaient demandé sa grâce (Madame Quinet, Victor Hugo, Madame André-Walther, Barthélemy Saint-Hilaire…). Elle fut accordée à condition qu’il accepte l’exil, ce qu’il refusa.
Il affronte le peloton d’exécution de Satory, le 28 novembre 1871 à 8 heures du matin, avec calme, soutenu par le pasteur Théodore Passa de Versailles. Le matin de l’exécution, il avait remis à son pasteur et ami, une lettre qui est son testament politique :
« Je vous charge si jamais le parti que j’ai soutenu arrivait au pouvoir et s’il menaçait ses adversaires de sa vengeance, de faire usage de cette lettre pour leur dire qu’à ma dernière heure, je demande instamment à ceux qui ont l’honneur de défendre la liberté, qu’ils ne vengent pas leurs victimes. Ce serait indigne de la liberté et de nous qui sommes morts pour elle. Votre ami dévoué, Louis-Nathaniel Rossel. »
Il fut inhumé le 18 décembre 1871 au cimetière protestant de Nîmes.
Deux films retraçant sa vie (avec Sami Frey, puis André Dussollier) ont été réalisés. Une multitude d'articles et d'ouvrages lui ont été consacrés, ainsi que de nombreuses conférences (encore de nos jours).
Certains hommes politiques lui ont plusieurs fois rendu hommage, tels Charles de Gaulle (dans Le fil de l’épée, Perrin) dont le père, Henri De Gaulle, lieutenant en 1870, était un admirateur de Rossel, respectant ceux de ses frères d'armes qui s'étaient fait Communards parce qu'ils "avaient voulu combattre au delà de la dernière extrémité". D'une certaine façon on peut considéré Rossel comme "une ébauche" de De Gaulle...