6 juin 1969. « Le Huguenot récalcitrant »
Jean L'Hôte (13 janvier 1929-28 avril 1985) est un écrivain et cinéaste français. Jean Lhote disait chercher " un ton à mi-chemin entre le comique et le tragique "(le Monde du 6 juin 1969). C'est justement ce ton qui fait le prix de son « Huguenot récalcitrant », rediffusé le dimanche 15 janvier 2023 par la chaine parlementaire (Rembobina).
Une situation comique (un chanteur séditieux affolant les dragons de Louis XIV jusqu'à leur faire croire à une intervention du ciel) se greffe sur une page tragique de notre histoire (les persécutions contre les protestants des Cévennes). La satire n'est ni violente ni grinçante. Elle reste au niveau, pourrait-on dire, du quotidien.
Un militaire de carrière qui fait consciencieusement son métier, même lorsque son métier consiste à pendre les gens, qui ne s'est jamais posé de questions, voit soudain basculer l'ordre qu'il croyait naturel. Les réactions finement observées de ce personnage, auquel Jacques Dufilho confère une étonnante vérité, commentent toute l'histoire. Étonné, ahuri, inquiet, le sous-officier Boutre use de tous les moyens à sa disposition (y compris un gigantesque filet à papillons pour attraper les anges !) afin de réduire le phénomène. Il n'est ni bon ni mauvais, il est plus superstitieux que croyant, il se heurte sans bien comprendre à la puissance d'une foi envers laquelle il finira par éprouver du respect.
Jean Lhote mène son récit avec une douceur tranquille qui ne peut manquer de déconcerter ceux pour qui le bien et le mal, le noir et le blanc, doivent être résolument tranchés. Les dragons ont de jolis uniformes comme dans Fanfan la Tulipe. Les anges se promènent dans une prairie ensoleillée, une sirène se montre dans l'eau d'un ruisseau et les couleurs de l'imagerie populaire viennent renforcer l'atmosphère naïve de la légende dorée que rappellent des gravures d'époque. Mais il y a aussi le pays cévenol, les vieilles maisons, la terre et le ciel, tout ce qui a gardé l'empreinte de la guerre de religion ranimée par la révocation de l'édit de Nantes.
Jean Lhote nous rend ainsi la couleur du temps et la résistance morale d'une communauté contre laquelle ne pouvaient prévaloir ni les potences, ni les fusils, ni les canons.
Le Huguenot récalcitrant possède la saveur et la signification profonde de ces contes chuchotés de bouche à oreille, embellis au coin du feu par l'imagination populaire, et qui nous introduisent au cœur d'une réalité vécue autant sinon plus que de graves études historiques.
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Source : Jacques Siclier, Le Monde du 18 juin 1969.