1) La pluralité des ministères
Les Principes Ecclésiastiques de notre Fédération déclarent que, dans toute Église locale, « tous ses membres sont appelés au service de Dieu, tous sont responsables dans l'œuvre à accomplir avec Dieu ». Cela vaut pour les femmes comme pour les hommes. Nos Principes Ecclésiastiques ajoutent :
« Tous les membres de l'Église n'ont cependant pas le même service (ou ministère). Chacun d'eux doit accomplir, dans l'Église, la tâche que Dieu lui confie.
Les divers ministères n'ont qu'un but : la vie et la croissance de l'Église, dans l'obéissance à Jésus-Christ. Ils ont une seule source : l'Esprit de Dieu. Ils restent soumis à la Parole de Dieu ». (§ « Les ministères dans l'Église »).
On peut ajouter que ces ministères ont aussi pour finalité la gloire de Dieu ainsi que le service et le salut des hommes.
À la conviction personnelle que peut avoir un chrétien d'avoir reçu un appel de Dieu, en vue d'un service particulier doit s'ajouter la reconnaissance d’un tel appel par la communauté. Celle-ci se fonde notamment sur le discernement des dons reçus de Dieu. Le Saint-Esprit en effet accorde à chaque croyant un ou plusieurs dons en vue de l'exercice du ministère auquel il ou elle est appelé(e) [Rm 12.3-8 ; 1 Co 12.4-11, 27-31 ; Ép 4.11-13 ; 1 P 4.10-11].
Parmi ces ministères figurent les ministères de direction et d’enseignement. Si le Nouveau Testament ne nous donne pas un modèle unique et contraignant d'organisation de la communauté locale, il souligne l’importance de ces ministères de direction pour l'Église qui sont étroitement liés et subordonnés à la Parole de Dieu, car c'est par sa Parole que Dieu conduit et nourrit son Église Différents titres sont donnés à ceux qui ont la charge de conduire l'Église locale et d’en enseigner ses membres : anciens, évêques, enseignants, pasteurs, dirigeants, conducteurs [Ac 14.23 ; 20.17, 28 ; Ép 4.11 ; 1 Th 5.12 ; Hé 13.7, 17, 24]. Historiquement au sein du protestantisme le terme de « pasteur » a cristallisé la plupart des fonctions correspondant au ministère de la Parole alors que ce titre n'apparaît qu'une fois dans tout le Nouveau Testament appliqué à un responsable d'Église.
Une conséquence regrettable est que trop souvent on attend du pasteur qu'il ait tous les dons, ce qui ne correspond ni à la réalité, ni à ce que nous indique le Nouveau Testament, tous les membres étant appelés à accomplir un service comme nous l’avons souligné précédemment. De plus, n'oublions pas que la fonction, c'est-à-dire le service à rendre, doit primer sur le titre et que, dans une grande partie de ce que nous dit Nouveau Testament de ce ministère, on ne rencontre pas le terme de pasteur. En outre, dans la plupart des communautés de l'Église primitive, plus d’une personne exerçait un ministère de type pastoral (les anciens et les évêques sont mentionnés au pluriel). Sans remettre en cause le ministère pastoral en tant que tel (qui a sa légitimité), ce constat devrait nous inviter à la fois à une profonde réflexion sur la façon dont sont vécus le ou les ministères de direction et d’enseignement dans l'Église locale, et sur notre utilisation et notre compréhension du terme de « pasteur » et de l’expression « ministère pastoral ».
2) L’autorité et la responsabilité inhérentes aux ministères de direction et d’enseignement
Tout ministère reconnu donne à celui ou celle qui l'exerce une autorité et une responsabilité. C’est tout particulièrement vrai pour les ministères de direction et d’enseignement [2 Tm 4.2 ; Tt 2.15 ; Hé 13.17a ; 1 P 5.5a].
2.1. L’autorité
Il s'agit toujours d'une autorité déléguée, conférée par Jésus-Christ le chef de l'Église. Elle est fondée sur l'appel reçu de Dieu. On ne s'attribue pas l'autorité, on la reçoit [Mt 28.18-20 ; Lc 9.1 ; 2 Co 10.8, 12-13 ; 13.10]. Elle dépend à la fois du mandat reçu et de la reconnaissance de ce mandat par l'assemblée. L’exercice de l’autorité nécessite la confiance de ceux pour qui et sur qui elle s'exerce.
Il s'agit aussi d'une autorité limitée :
1. Elle ne reste légitime que dans la mesure où elle s'exerce dans la soumission à celui qui l'a confiée, le Seigneur de l'Église
2. Elle dépend étroitement du service rendu. Les dirigeants ont autorité pour remplir leur service et non pour imposer leur volonté. Ils ont une autorité pour un service avant d'avoir autorité sur des personnes. L'autorité doit donc être vécue comme un service et non comme une domination [Mt 20.25-28 ; 23.8-12 ; Lc 22.24-27 ; Jn 13.1-17 ; 1 Co 3.4-7 ; 4.1 ; 2 Co 4.5 ; 1 P 5.1-3]. Quand on cite 1 Tm 2.12 (la femme ne doit pas prendre autorité sur l'homme), il ne faut pas perdre de vue ces autres textes où les hommes aussi sont mis en garde contre la tentation de dominer au lieu de servir. Le terme de « serviteur » est celui qui résume tous les autres titres donnés à des responsables d'Église dans le Nouveau Testament.
3. Elle dépend aussi de la compétence personnelle du serviteur. Celui qui a l'oreille fausse et ne connaît pas la musique n'aura aucune autorité pour diriger une chorale ! D'où, dans l'Église, l'importance du discernement des dons spirituels (auquel doit s'ajouter l'assurance que le responsable est disposé à apprendre et à progresser) [1 Tm 4.15]. En ce qui concerne les services de direction et d’enseignement les compétences suivantes sont nécessaires : l'aptitude à enseigner (donc une bonne connaissance des Écritures, une formation biblique et théologique), l'aptitude à la relation et à l'animation, mais aussi la maturité et la sagesse spirituelles et humaines, qui permettent au conducteur d'être un modèle [1 Co 3.1-2 ; Ép 4.12-15 ; Hé 5.11-14 ; 1 P 2.1-2](1).
2.1.1. L’autorité au temps apostolique et par la suite
Il faut distinguer l’époque apostolique, période des fondements et de fixation de la doctrine, de la nôtre.
Choisis par le Seigneur, témoins de sa résurrection, les apôtres ont reçu de lui leur message, sans intermédiaire [Ga 1.11-12]. Ambassadeurs du Christ, ils peuvent revendiquer l’autorité même du Seigneur [1 Co 14.37 ; 2 Co 13.2-3 ; 1 Th 2.13 ; 1 Jn 1.1-3].
Ainsi comprise, la fonction apostolique n’est pas transmissible. Ce qui signifie qu’il n’est pas légitime d’un point de vue théologique d’attribuer aux ministères actuels (pasteurs, anciens…), tout ce que le Nouveau Testament affirme au sujet du ministère apostolique. De manière générale, il convient d’être prudent quant à l’utilisation de certains termes bibliques relatifs aux ministères à cause de l’évolution qu’ils ont subie au cours des siècles. Le terme d’évêque en constitue l’exemple le plus frappant.
L'Église est apostolique car elle est fondée sur le témoignage des apôtres [Ép 2.20] dont les textes du Nouveau Testament en constituent l’essentiel.
L'Église a la charge de garder le « bon dépôt » [1 Tm 6.20 ; 2 Tm 1.14]. La fonction d’enseignement ne consiste donc plus fondamentalement dans la définition ou la fixation de la doctrine chrétienne, mais dans sa juste transmission et son explicitation. Ainsi, l’autorité de l’enseignement n’est pas d’abord fondée sur la personne qui enseigne, mais sur les Écritures, comme l’affirme la confession de foi de notre Fédération :
« Elle est la suprême référence pour éprouver toute croyance, toute tradition et toute pratique religieuse. Elle détient son autorité de Dieu seul pour gouverner la vie du croyant et de l'Église » (§ « Les saintes Écritures »).
En outre, et à un moindre degré d’autorité, les confessions de foi et la tradition théologique dans laquelle s’inscrit l’enseignant en question jouent également un rôle régulateur.
2.1.2. L’autorité des responsables et celle de l'Église
Les responsables doivent exercer leur ministère au sein de leur Église locale et de leur Union d'Églises et en communion avec elles. Cette logique de régulation de l'Église s’appuie sur le sacerdoce commun des croyants et sur l’effusion de l’Esprit sur tous les fidèles [1 Co 12.7 ; 1 P 4.10]. Le Nouveau Testament enseigne clairement la légitimité de la participation de l'Église entière à la prise de décision [Ac 6.2-3 ; 11.29-30 ; 14.23 ; 15.22]. Le rôle des responsables est d’équiper les fidèles, de les conduire à « l’état d’hommes faits », et non de créer un état de dépendance à leur égard. Ils exercent leur ministère sous la seigneurie de Jésus-Christ et de son Évangile et sous le regard de l'Église. Ayant reconnu leurs dons et leur appel, l’assemblée reconnaît aussi l’autorité des responsables qu’elle se donne. Elle cherche à éviter les complexes infantiles d’opposition systématique. Les responsables doivent être honorés, respectés, pris au sérieux [1 Co 16.16 ; 1 Th 5.12-13 ; Hé 13.17].
2.2. La responsabilité
L'autorité sans responsabilité morale devient vite de la tyrannie. La première responsabilité du serviteur est envers Dieu, son Seigneur. Mais il doit aussi se reconnaître responsable :
a) devant ceux avec qui il travaille. Personne n'a tous les dons. La diversité des dons implique leur complémentarité : tous ceux qui sont appelés à un service doivent savoir collaborer avec d'autres. Les dons spirituels ne prennent toute leur valeur que dans un travail d'équipe. C'est à la lumière de cette vérité fondamentale qu'il convient de considérer la question du ministère des femmes dans l'Église
b) devant ceux pour qui il travaille. Le désir d'imposer sa volonté, le besoin de tout contrôler, le refus d'écouter les autres ne sont pas des marques d'autorité, mais d'autoritarisme (qui provient en réalité d'un manque d'autorité). La véritable autorité ne craint pas le dialogue, qui est un aspect essentiel de la soumission mutuelle demandée par l'apôtre Paul [Ép 5.21]. Le but des ministères de direction et d’enseignement est d'aider les chrétiens à devenir adultes [Ép 4.12-15]. L'autoritarisme au contraire les maintient dans l'immaturité. Un danger qui menace tous les conducteurs est de chercher à dominer plutôt qu'à servir. Parmi les changements qu'entraîne la conversion, un des plus nécessaires est le passage de l'esprit de domination à celui de service. C'est tout spécialement sur ce point que les dirigeants de l'Église doivent être des modèles [Mt 20.25-28 ; 1 Tm 4.12 ; Hé 13.7 ; 1 P 5.3].