Selon la tradition, la Confession de foi des Apôtres aurait été composée par les douze apôtres, chacun formulant un des articles.
Pierre aurait commencé en disant : « Je crois en Dieu le Père tout puissant », puis Jean aurait continué par « créateur du ciel et de la terre », jusqu’à Thomas qui aurait affirmé que « le troisième jour, il est ressuscité des morts ». Le dernier venu, Matthias, celui qui avait été élu pour remplacer Judas, se serait contenté de conclure en disant « Amen ».
Pourquoi une telle tradition ?
Sans doute pour affirmer que ce texte résume, condense et récapitule en quelques phrases, l'essentiel de la prédication des apôtres. Et aussi pour attester que la foi chrétienne remonte aux apôtres et que l’Église est apostolique dans le sens où ce qu’elle enseigne correspond à la doctrine des apôtres.
Le nom Symbole des Apôtres apparaît pour la première fois dans une lettre écrite par Ambroise de Milan en 390. Déjà utilisé dans le langage profane, le mot symbole désigne à l’origine un étendard. Chaque légion romaine avait le sien. Quand un soldat était perdu dans la mêlée du combat, il cherchait l’étendard de son unité pour la retrouver et ne pas risquer de rallier par erreur le camp de l’ennemi. Ce symbole était un signe d’appartenance, un point de rencontre. Si une confession de foi est appelée symbole, c’est donc pour signifier que les chrétiens reconnaissent en elle une expression légitime de leurs convictions fondamentales.
L’origine du Symbole des Apôtres remonte cependant plus loin. Peu après l’an 200, Hippolyte de Rome rédigea un manuel appelé La tradition apostolique. Dans le chapitre sur le baptême, Hippolyte reproduit sous forme de questions posées au candidat au baptême, une confession de foi qui, dans ses grandes lignes, est la même que celle du Credo. Elle n’en diffère que par quelques additions ultérieures ou notes explicatives. En voici le texte :
« Je crois en Dieu, le Père tout-puissant. Et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur. Qui est né du Saint-Esprit, de la Vierge Marie, a été crucifié sous Ponce Pilate et a été enseveli. Le troisième jour, il est ressuscité des morts. Il est monté au ciel ; il est assis à la droite du Père, d’où il viendra pour juger les vivants et les morts. Et au Saint-Esprit, la sainte Église, la rémission des péchés, la résurrection de la chair. »
Au deuxième siècle, Irénée de Lyon, dans son livre Contre les hérétiques, proclame que les apôtres sont les auteurs de ce vieux symbole romain.
Quoi qu’il en soit, le Symbole des apôtres, tel que nous l’avons aujourd’hui, dérive en droite ligne de textes analogues en usage dès le début de l’ère chrétienne. Il remonte incontestablement jusqu’à l’époque apostolique, même s’il n’est pas de la plume même des apôtres.
On en trouve comme des esquisses dans le Nouveau Testament lui-même. Ainsi, par exemple, quand l’apôtre Paul rappelle aux chrétiens de Corinthe, l’Évangile qu’il leur a annoncé :
« Le Christ est mort pour nos péchés,
conformément aux Écritures,
il a été mis au tombeau,
il est ressuscité le troisième jour
comme l’avaient annoncé les Écritures.
Il est apparu à Pierre, puis aux douze. » (1 Corinthiens 15.3,4)
Paul ajoute plus loin que ce contenu de la prédication est commun à tous les apôtres : « Que ce soient eux, que ce soit moi, voilà ce que nous prêchons et ce que vous avez cru. »
Sa nécessité
Très tôt, la nécessité de formuler une confession de foi s’est imposée pour diverses raisons.
Dans l’Église ancienne, la confession de la foi faisait partie de tout culte. L’assemblée récitait l’un des symboles résumant l’essentiel de la foi chrétienne (Symbole des apôtres, Symbole de Nicée), affirmant ainsi ce que chacun croyait, devant les visiteurs païens occasionnels. Cette récitation était aussi un témoignage d’unité. C’était une façon de dire : « Quelles que puissent être nos divergences sur des points de détail, voilà ce sur quoi nous sommes d’accord. »
Loin d’être un exercice théologique, la confession de la foi exprimait également l’adoration des chrétiens. Dans le Nouveau Testament, la « Lettre aux Hébreux » (1.3) donne une idée d’une hymne ancienne dans laquelle l’Église chantait sa foi et adorait le Christ :
« Ce Fils est le rayonnement de la gloire divine
et l’expression parfaite de ce qu’est Dieu.
Il soutient toutes choses
Par sa parole
Revêtue de puissance
et, après avoir accompli
La purification des fautes
Il siège dans les cieux
À la droite du Dieu suprême. »
Le baptême était également une occasion particulière de confesser sa foi dans le Christ, Rédempteur et Seigneur. Le baptême devait être précédé par l’instruction du nouveau chrétien. Il fallait lui donner ensuite l’occasion de proclamer sa foi en termes clairs et simples. Le livre des Actes des Apôtres fournit une excellente illustration de ce principe. Il s’agit de l’histoire du baptême de l’eunuque éthiopien. Ce ministre de la reine Candace déclara : « Voici de l’eau, qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? Philippe dit : si tu crois de tout ton cœur, cela est possible. Il répondit : Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. » (Actes 8.36-38) Il est vrai que ces derniers mots, qui manquent dans les manuscrits les plus anciens, constituent vraisemblablement un additif dû à un copiste du deuxième siècle. Mais cela les rend d’autant plus précieux pour notre question. En effet, ils attestent que juste après l’époque apostolique, on estimait que tout baptême devait être précédé d’une confession personnelle de la foi.
Ajoutons qu’un résumé de la foi s’avérait utile pour témoigner du Christ en temps de persécution.
Finalement, c’était une arme indispensable dans le combat contre les erreurs et les hérésies. N’était-ce pas prendre position contre le polythéisme que de proclamer : « Je crois en Dieu le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre » ?
Affirmer que le fils de Dieu est bien devenu homme, « qu’il a souffert sous Ponce Pilate, qu’il a été crucifié, qu’il est mort », n’était-ce pas s’opposer à ceux qui n’accordaient aucune réalité à la personne humaine de Jésus-Christ ?
Sa dimension œcuménique
Même si l’Église orthodoxe utilise exclusivement dans son culte le Symbole de Nicée-Constantinople, en revanche, le Symbole des apôtres a été, à partir des années 1970, de plus en plus utilisé dans la liturgie catholique, avec le Symbole de Nicée-Constantinople. Ce qui souligne son caractère œcuménique.
On peut également rappeler que la Déclaration de foi de l’Église réformée de France (1938), affirme son attachement à ces deux confessions de foi classiques.
La Fédération des Églises évangéliques baptistes de France, de son côté, affirme dans sa Confession de Foi : « Depuis sa rédaction… un texte de confession de foi a rassemblé l’ensemble des chrétiens. Avec eux, nous disons : Je crois en Dieu… »
Quand les chrétiens récitent ce texte aujourd’hui, ils se placent dans une continuité historique qui les relie à leurs origines chrétiennes les plus anciennes. Ils manifestent leur solidarité avec ce qui, dès le début, a été la colonne vertébrale de la foi de l’Église. Au-delà des particularités confessionnelles, ils se reconnaissent comme membres de la grande famille chrétienne.
Il ne faut pas oublier non plus que dans la grande tradition de l’Église universelle, la confession de foi est placée à la suite des lectures bibliques et de la prédication. Elle est une réponse collective à ce qui a été dit juste avant.
C’est bien cela que la liturgie de l’Église réformée de France (1996) exprime en disant : « Éclairés et rassemblés par la Parole de Dieu, nous affirmons notre foi. »
Le Missel romain, dans sa forme actuelle (2002) prévoit ceci : « Après la proclamation de l’Évangile et l’homélie, il y a un temps de silence. Puis les dimanches et solennités, tous se lèvent pour dire la profession de Foi. » Le Missel ajoute d’ailleurs que l’on peut utiliser soit le Credo de Nicée-Constantinople, soit le Symbole des Apôtres.
Son actualité
On entend quelquefois dire que ces confessions de foi ne parlent plus à notre temps, qu’il faudrait les traduire dans un langage moderne. Mais le souci d’actualisation ne doit pas se faire au mépris des anciens symboles qui ont traversé les siècles, et qui se sont montrés inusables. Certains mots nécessitent sans doute une explication. En effet, ils utilisent des expressions que nous ne sommes pas sûrs de comprendre. Mais, dans leur ensemble, ces textes ne sont pas plus difficiles à comprendre que le Notre Père ou certains passages de la Bible. Avec un peu de curiosité et de bonne volonté, la tâche n’est pas insurmontable.
Aujourd’hui encore, le Symbole des Apôtres se dresse au-dessus des opinions changeantes des hommes, des modes intellectuelles ou théologiques. Il rappelle avec force que la foi chrétienne a un contenu clairement balisé. On peut donc connaître ce qui est l’essentiel de la foi chrétienne et, à partir de là, rencontrer le Christ et découvrir toute sa parole.