Plusieurs textes des évangiles signalent que Jésus avait clairement annoncé à de nombreuses reprises à ses disciples qu’il serait mis à mort et qu’il ressusciterait le troisième jour. Le plus connu est Matthieu 16.13-23. Jésus y fait en quelque sorte le point sur la foi des disciples : « Qui dites-vous que je suis ? ». Pierre, inspiré, confesse : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Jésus tient alors à purifier cette confession de toute connotation temporelle et politique attachée au titre de « Messie » en annonçant sa mort prochaine. Ensuite, il annonce l’espérance de sa résurrection : « À partir de ce moment, Jésus Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être mis à mort et, le troisième jour, ressusciter »(1).
Peut-on avoir confiance dans ces textes ?
Certains doutent de l’authenticité de ces paroles : elles auraient été mises après coup sur les lèvres de Jésus par les premiers chrétiens. Ces derniers auraient inventé ces histoires et ces dialogues, soit parce qu’ils refusaient la mort de leur maître, soit parce qu’ils auraient eu une hallucination et vivaient dans l’illusion de sa résurrection. Mais il est à noter que tout de suite après, Pierre se fait rabrouer par Jésus (Matthieu 16.23), car il avait dit : « Dieu t’en préserve Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas ! » (Matthieu 16.22). Il aurait été étonnant que l’on invente un tel dialogue dans lequel Pierre ne sort pas grandi, alors qu’il jouissait d’une certaine réputation dans l’Église primitive.
Ce texte n’est pas isolé : on trouve d’autres allusions, éparses dans les évangiles, de l’annonce de sa résurrection par le Christ (Matthieu 17.22s ; 20.17-19(2) ; 26.32).
Que Jésus ait deviné qu’il allait être mis à mort n’a rien de surprenant : l’hostilité avec les chefs religieux de son temps ne cessait de croître, il savait que ceux-ci voulaient sa mort.
Pas une résurrection comme les autres
Lors de l’institution de la Cène, Jésus fournit l’interprétation théologique de sa mort. Il dit son sens dans le plan de salut de Dieu en déclarant à ses disciples que son sang sera bientôt « versé pour la multitude, pour le pardon des péchés » (Matthieu 26.28). Il précise aussi qu’il ne boira plus de vin, « jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le Royaume de mon Père » (v.29). Ce qui suppose évidemment sa résurrection.
Dans d’autres textes encore, Jésus annonce son retour en tant que « Fils de l’homme » glorifié (Matthieu 24.30 ; 25.31 ; 26.64) : cela suggère qu’il s’attendait non seulement à ressusciter, mais encore à jouer un rôle particulièrement glorieux dans le plan de Dieu, notamment en ce qui concerne le jugement. Nul doute, si l’on prend au sérieux les évangiles et si on ne suspecte pas leurs auteurs d’avoir composé des récits fictifs, que Jésus s’attendait bien à ressusciter.
Mais quelle est la particularité de l’attente de Jésus en sa propre résurrection ? En effet, en tant que juif(3), Jésus croyait à une résurrection des morts au « dernier jour » (cf. Jean 11.24), le Premier Testament comporte des indices qui le suggèrent fortement(4). En outre, la croyance en la résurrection relève aussi d’une certaine vision du monde. L’apôtre Paul le relève : « Quoi ! Jugez-vous incroyable que Dieu ressuscite les morts ? » (Actes 26.8). Mais la particularité de Jésus, c’est qu’il s’attendait à ressusciter « le troisième jour », donc très peu de temps après sa mort, et pas seulement « au dernier jour ». D’où lui est venue pareille certitude ?
Jésus était cohérent avec lui-même
On pourrait suggérer que Jésus a eu une très forte conscience d’être le Fils de Dieu. Il avait la prétention à appeler Dieu son Père au sens le plus fort (Marc 14.36), il se présentait comme « le Fils » (Matthieu 11.27) et semblait jouir d’une intimité particulière avec Dieu. Probablement s’est-il d’emblée senti aimé comme le Fils par le Père. De cette conviction, il tirait que le Père ne l’abandonnerait pas à la corruption du tombeau, mais le ressusciterait, et justifierait ainsi toutes les paroles qu’il avait prononcées et toutes les prétentions qu’il avait eues et qui avaient suscité tant de défiance à son égard de la part des chefs du peuple.
Sa méditation des Écritures l’a aussi confirmé dans la conviction qu’il ressusciterait(5). Selon l’évangile de Luc, après sa résurrection, Jésus a fait une sorte d’étude biblique avec deux de ses disciples et leur a expliqué « dans toutes les Écritures ce qui le concernait », entre autres ses souffrances et son entrée « dans la gloire » (Luc 24.32)(6).
Jésus avait bien conscience d’être le Messie, le Fils de Dieu, et d’avoir à jouer un rôle particulier dans le plan de salut de Dieu pour l’humanité ; dessein de salut qui passait par sa mort et sa résurrection(7).