La scène se passe dans une paisible petite ville de la Nièvre. Une jeune fille entre dans un bureau de tabac pour acheter des cigarettes. La buraliste refuse de lui en vendre, ayant repéré qu’elle est mineure. La jeune fille sort, va chercher quelques copains. Ceux-ci entrent, cassent tout, y compris la figure de la buraliste.
Ce qui atterre déjà le provincial quand ça se passe dans une banlieue difficile, l’effraye carrément quand ça se passe dans une localité de 5.000 habitants où, s’il y a des problèmes sociaux comme partout, l’ambiance n’est pas étouffante. Dans son numéro du 12 septembre 2014, Marianne avait publié un dossier sur « Les vraies fractures françaises », évoquant notamment ces modestes localités de la France profonde dont personne ne se soucie parce que la population est faible numériquement et faible « en gueule ». Nul ne s’inquiète de ceux qui souffrent en silence.
Quand le mauvais exemple vient d’en haut
La déliquescence sociale n’est pas principalement une affaire d’argent, mais de richesse intérieure. L’épisode qui vient d’être raconté montre que la loi n’a aucune valeur pour certaines personnes. Ce qu’on ne peut pas obtenir légalement, on le prend, y compris par la violence. C’est un symptôme très grave, mais dont l’exemple vient de haut puisque tous les partis politiques importants voient beaucoup de leurs têtes d’affiche impliquées dans des affaires de corruption. On observe que jamais, si l’on s’en tient à la France en tout cas, ils ne vont en prison (à l’exception d’Alain Carignon et, brièvement, de Bernard Tapie). Quand enfin ils sont jugés, ils encombrent pendant dix ou vingt ans les tribunaux, depuis l’appel jusqu’à la cassation. Et c’est ainsi qu’après des décennies de mises en examen, on peut, comme on l’a vu récemment, mourir à 88 ans dans son lit sans jamais avoir tâté de la cellule de 9 m2.
L’autorité pour soi d’abord
La Bible ne dit jamais que les autorités sont bonnes, mais elle défend par contre le principe d’autorité. En effet, celle-ci sert à tenir en bride notre tendance à l’anarchie, aux instincts débridés contre le prochain : « Tu ne veux pas avoir peur des autorités ? Alors fais le bien et tu recevras leurs félicitations. »
Mais qu’allons-nous devenir si les autorités ne pratiquent pas le bien ? Qu’allons-nous devenir si les autorités... n’ont plus d’autorité ? Qu’allons-nous devenir si elles n’ont plus d’autre conviction que d’assurer leur propre sécurité d’abord et celle du peuple peut-être, et ensuite ? Et qu’allons-nous devenir si l’impunité en costume-cravate est ce qui sert de modèle aux casseurs de bureaux de tabac ?
Pour gagner le combat
Nous n’allons donc pas appeler au renversement, mais au renforcement des autorités qui nous gouvernent. Qu’elles s’appliquent à elles-mêmes les valeurs qu’elles prétendent représenter. Que nos dignitaires aient de la dignité. Sans quoi, le combat est perdu d’avance.
N’êtes-vous pas frappés que, face à notre vacuité spirituelle, se dressent des intégristes féroces, blindés dans leurs certitudes, qui se font vos accusateurs alors qu’ils ne sont pas meilleurs que vous ? Mais vous, mais nous, de quelle flamme intérieure sommes-nous animés pour leur résister autrement que par la police, la justice et l’armée ?