Éthique pratique : l'homosexualité

Complet Le mariage et la sexualité

Cette conférence a été donnée par Jonathan Hanley au Congrès des Communautés et Assemblées Évangéliques de France (CAEF) en 2005.

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Éthique pratique : l'homosexualité

1. Dans un premier temps, j’évoquerai l’importance d’une réflexion éthique pratique pour la pastorale de l’homosexualité et j’en donnerai les bases bibliques.

2. J'aborderai ensuite la question de l’homosexualité dans les trois champs d’action de l’éthique chrétienne : le comportement individuel, l’Église locale et la vie de la cité.

3. Je mentionnerai la diversité des approches pastorales possibles de la question, en soulignant celle que je privilégie, qui insiste sur l'importance d'une spiritualité du cheminement.

4. Pour terminer, j'ai aussi l'intention d'examiner la convergence des différents champs éthiques qui est implicite dans la mise en pratique. Notre mise en pratique éthique dans ce domaine est tout autant le résultat de notre éthique pastorale que de notre éthique de l’homosexualité.

1. L’importance d’une éthique biblique pour la pastorale de l’homosexualité

Comme pour toute question en lien avec la sexualité, nous courons le risque de réagir à l’homosexualité selon nos émotions et nos a priori pas toujours fondés. Malheureusement, l’autorité du serviteur ou de la servante de Dieu nous pousse parfois à projeter sur les autres le modèle de nos envies, de nos idéaux. Un bon chrétien est celui qui me ressemble, qui pense comme moi, qui aime les mêmes choses que moi, qui est dégoûté par les mêmes choses que moi. La réflexion éthique est un recul par rapport à nos propres désirs, pour accorder nos comportements, et notre enseignement ou notre témoignage, à la vérité révélée de Dieu. L’éthique prend trois fils : l’idéal (vers lequel nous sommes en route), l’inadmissible (le seuil inférieur qui ne doit pas être franchi), et le possible (la réalité de notre vie et de celle des personnes que nous servons) et en tisse une corde à laquelle nous pouvons nous cramponner pour avancer sur le chemin ou prévenir une chute éventuelle si nous sommes trop près du bord du gouffre.

L’éthique est comparable à une poupée gigogne : éthique de l’homosexualité > éthique de la sexualité > éthique de l’humain > éthique du bonheur.

Une éthique chrétienne de l’homosexualité ne prend son sens que dans le contexte d’une éthique chrétienne globale de la sexualité. L’acte homosexuel n’est pas répréhensible parce que l’idée répugnait à l’apôtre Paul, ou que nous n’apprécions pas l’attitude provocatrice des travestis sur les chars de la gay parade. L’acte homosexuel est condamné dans la Bible parce qu’il dévie du modèle conçu par Dieu comme cadre pour l’acte sexuel : l’engagement exclusif à vie entre un homme et une femme. Ainsi, il est péché sur le même plan que l’adultère, qui est aussi une déviance par rapport au cadre donné par Dieu pour la sexualité. Mais l’éthique de la sexualité ne prend son sens que dans le contexte d’une éthique chrétienne globale de l’être humain. Nous sommes créés par Dieu. C’est lui qui nous défini, qui décide de ce qui est humain et de ce qui ne l’est pas. Pour cela nous remontons au récit de la création.

Genèse 1.26-27 : 26 Dieu dit : Faisons l'homme à notre image selon notre ressemblance, pour qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. 27 Dieu créa l'homme à son image : Il le créa à l'image de Dieu, Homme et femme il les créa.

Tous les enseignements de Jésus dans les évangiles et de Paul dans les épîtres placent la sexualité dans ce contexte créationnel, qui définit l’homme et la femme, en couple, en famille et en société, devant Dieu. Cette vision de l’humain doit fonder toutes nos relations, sexuelles ou autres. Nous respectons les autres, ou sommes gentils envers eux, non pas parce qu’ils nous plaisent ou nous profitent, mais parce qu’ils portent cette empreinte divine. Le péché, qui intervient à la chute, et ses manifestations de tous ordres, est une rupture par rapport à cet ordre créationnel : le pécheur n’est pas normal, il est aliéné de sa vraie nature humaine. Nous sommes dans une situation d’anomalie. La rédemption en Jésus n’a pas pour objet de nous rendre plus sympa, mais de nous rendre notre vraie nature, de réparer cette rupture, de trouver la solution à cette anomalie.

Quelles sont les motivations de notre éthique ?L’éthique est un outil qui nous permet de passer - des principes théoriques (l’idéal, l’inadmissible et le possible) - à la pratique (le comportement sexuel, le comportement médical, le comportement pastoral, etc.). Si en tant que chrétiens, nous sommes convaincus de l’importance d’apprendre à manier cet outil qu’est l’éthique, c’est parce que tous les écarts, induits par le péché, par rapport à l’ordre créationnel, ont deux conséquences néfastes : - l’être humain sera malheureux parce que aliéné de sa vraie nature - l’être humain sera malheureux parce que désapprouvé du Dieu d’amour.

Tant que nous ne sommes pas régénérés en Dieu, nés de son Esprit, nous sommes aliénés de ce pour quoi nous sommes faits. Comme si je prends une voiture de Formule 1 pour faire le Paris-Dakar. À la première dune, je suis en panne. L’éthique chrétienne a donc l’objectif de rendre à la nature humaine son fonctionnement d’origine : être à nouveau comme Dieu nous avait conçu. C’est la dimension fonctionnelle de l’éthique chrétienne.

Deutéronome : 7 fois, dans Deutéronome, l’obéissance à la loi de Dieu (un comportement en accord avec l’éthique des Écritures) est assortie de cette conséquence : « afin que tu sois heureux ».Mais le malheur induit par le péché ne s’arrête pas là : le péché nous sépare du Dieu qui est amour.

Nous vivons coram Deo, comme disent les théologiens, « devant la face de Dieu ». Le deuxième enjeu principal de l’éthique pour nous, en tant que chrétiens, est l’approbation du Seigneur quant à notre comportement et nos choix. Oubliant cela, nous serions tentés de compromettre l’objectif biblique de sainteté en soumettant notre témoignage et notre ministère à des normes d’efficacité ou d’acceptabilité aux yeux de nos contemporains. Plaire à Dieu dans notre comportement et nos choix, non en vertu d’une punition si nous échouons, mais en vertu d’un amour reconnaissant : c’est la dimension relationnelle de l’éthique chrétienne.

Colossiens 1.10 : Marchez d'une manière digne du Seigneur pour lui plaire à tous points de vue ; portez des fruits en toute sorte d'œuvres bonnes et croissez dans la connaissance de Dieu

2. La question de l’homosexualité dans les trois champs d’action de l’éthique chrétienne : le comportement individuel, l’Église locale et la vie de la cité

Dans Les enjeux de l’éthiques, F. de Conninck, sociologue mennonite, place un ordre de priorité sur notre réflexion éthique : On considère souvent les questions d’éthique sociale en se situant d’emblée dans la société globale ou au niveau de l’État. Or il me semble important de penser à une éthique pour la société globale en second lieu seulement, après avoir examiné les formes d’action que l’on peut et doit construire, au niveau de l’Église et après s’être interrogé sur le mode de vie que nous sommes appelés à endosser nous-mêmes en tant qu’individus.

J’étais mal à l’aise lorsque le PACS suscitait un grand débat social et médiatique. À l’Église, on me demandait de signer des pétitions. Il était question de participer à une manifestation devant la mairie. J’ai refusé, me justifiant par plusieurs raisons, que je considère toujours valables, mais qui ne me satisfaisaient pas moi-même. En lisant les lignes que je viens de vous lire, j’ai compris ce qui me dérangeait. Les pétitions et les déclarations publiques appartiennent au champ d’action éthique de la cité et de l’État. À ce titre, il s’agit d’une éthique du confort qui maintient le combat au loin. C’est un combat important qui doit être mené. Mais l’éthique chrétienne est une éthique de l’engagement de proximité.

Premier champ d’application de l’éthique : le comportement individuel.

Il s’agit d’une part de la sexualité elle-même : plaire à Dieu et être un humain normal en résistant à la tentation de l’acte sexuel (homosexuel) hors du cadre du mariage. Mais pour la plupart d’entre nous ici aujourd’hui en tous cas, il s’agit d’autre part du comportement que nous aurons à l’égard de la personne homosexuelle.

La question se pose de notre attitude envers l’homosexuel, non pas envers l’homosexualité. Notre éthique tient bon ou tombe lorsqu’elle affronte cette question : comment suis-je pour la personne homosexuelle ? Un juge, ou un chemin vers Dieu ? L’éthique s’applique aux choix, aux décisions, aux actes. C’est donc notre théologie du péché, informant notre éthique du comportement chrétien, qui nous amènera à distinguer l’orientation homosexuelle de l’acte homosexuel. L’orientation n’est pas un péché. L’acte l’est.

Deuxième champ d’application de l’éthique : l’Église locale.

La mise en pratique d’une éthique chrétienne de l’homosexualité dans l’Église locale doit tenir compte de plusieurs paramètres : - L’annonce de la vérité sur le péché de l’acte homosexuel sera cadrée par le souci d’être une porte sur Christ et une famille spirituelle pour la personne homosexuelle. (L’éthique du témoignage est plus importante que l’éthique de la sexualité !) - L’enseignement de toute l’Église est une priorité : la parole pastorale pour l’individu est subordonnée à la parole pastorale pour la communauté. C’est dans ce cadre que la vérité biblique sur l’homosexualité est enseignée aux nouveaux, aux enfants, etc. Pas forcément au culte, mais dans l’Église. - Inutile d’avoir une éthique solide de l’homosexualité, ou de la sexualité, si la famille dans l’Église ne donne pas envie. Daniel Bogetto, médecin à Grenoble, l’a exprimé ainsi « Convaincre la jeune génération de l’éthique chrétienne, c’est aussi leur démontrer par l’exemple les résultats d’une éthique selon Dieu ».

Troisième champ d’application de l’éthique : la cité. (L’État, la loi civile, la société).

Ce champ d’application est trop vaste pour que nous en parlions en détail maintenant. Les opinions varient beaucoup d’un chrétien à l’autre. Si l’Église a pour rôle de hâter l’avènement du Royaume de Dieu par tous les moyens possibles, y compris la contrainte judiciaire ou politique, alors il faut que les chrétiens militent pour changer les lois et ramener l’acte homosexuel dans le cadre du délit pénal. Si l’Église doit seulement annoncer le message du salut à un monde perdu, puis se retrouver dans ses salles de culte pour chanter et prier, alors il suffit d’une parole de témoignage désengagée de la vie publique. Une voie moins confortable, mais plus équilibrée, sera d’intervenir, unis dans la mesure du possible, chaque fois que nous le pouvons pour que l’homosexualité ne soit pas considérée comme une alternative familiale acceptable, mais de le faire avec intelligence.

En occident, à l’époque moderne, on a vu l’attitude à l’égard de l’homosexualité évoluer. Après sa dépénalisation, elle a été démédicalisée, puis promue comme un droit fondamental, avant de passer par l’épisode du PACS, suivi de la poussée pour la reconnaissance de l’union homosexuelle au même titre que le mariage, et le droit à l’adoption ou la procréation médicalement assistée. En atelier, nous pourrons commenter ces étapes du point de vue de l’éthique chrétienne si les participants le désirent, mais le PACS me permet d’introduire quelques considérations importantes quant à ce champ d’application de l’éthique chrétienne qu’est l’arène publique.

Impossible pour nous, en tant que chrétiens soumis à l’autorité de l’Écriture, d’accepter qu’une union homosexuelle soit reconnue comme légitime au même titre que le mariage. Ce sont deux choses distinctes. Et la loi le reconnaît. La cour d’appel de Bordeaux, en annulant l’acte de mariage de Bègles, a déclaré : « la différence de sexe est une condition de l’existence même du mariage, condition non remplie » pour l’union de Messieurs Chapin et Charpentier.

Mais notre approche éthique de l’injustice devrait nous faire réfléchir à deux fois quant à plusieurs des enjeux des ces questions : - Est-il normal que les droits sociaux (allocations, primes fiscales, droits de succession, etc.) dépendent de ce que deux personnes font au lit ? La séparation de l’Église et de l’état me semble proscrire une telle condition morale pour la reconnaissance des droits sociaux.

Un ami homosexuel est mort du Sida. Ses amis qui l’avait accompagné dans la souffrance jusqu’à la mort, y compris son compagnon, ont été priés de ne pas se présenter à la cérémonie d’obsèques par sa famille. La plupart des membres de sa famille avaient passé leur vie à se moquer de leur frère « pédé », et son père, un homme cruel, et coureur de jupons notoire qui avait provoqué le suicide de sa femme quelques années plus tôt, pleurait sur le cercueil en recevant les condoléances.

Si une mesure légale telle que le PACS rétablit un peu de justice dans ce genre de situation, je ne peux pas m’y opposer de manière inconditionnelle.

3. La diversité des approches possibles de la question

L’approche pastorale de la question devra tenir compte de la différence entre les homosexuels. L’homosexualité a différentes composantes qui prendront plus ou moins d’importance selon les individus et nécessiteront différentes approches.

Pour certains, le rétablissement semble être instantané. La conversion s’accompagne d’un passage de l’homosexualité vers l’hétérosexualité.

Pour d’autres, il faudra un approche spirituelle - lutte contre le péché, intégrité d’enfant de Dieu, etc.

D’autres trouveront l’hétérosexualité par le chemin de la relation d’aide psycho-pastorale.

D’autres encore devront accepter de vivre un célibat dans la chasteté et l’abstinence, comme tout célibataire qui désire vivre en chrétien. Avec le soutien des frères et sœurs en Christ.

Dans tous les cas, notre foi se construit dans le cheminement auprès du Seigneur, pas dans la hâte d’une attente de résultat.

4. La convergence des différents champs éthiques qui est implicite dans la mise en pratique

• L’éthique pastorale d’une part • L’éthique de la sexualité d’autre part, spécifiquement l’éthique de l’homosexualité.

Je suis souvent frappé par la tension entre - l'éthique d'un sujet tel que l'homosexualité et - l'éthique du rôle pastoral, avec les choix qui découlent, pour un individu, de ses principes d'« évaluation spirituelle », de son attachement aux résultats visibles de son ministère, de la priorité qu'il donne à la communauté par rapport à l'individu, etc.

C’est notre éthique du témoignage qui nous fait distinguer entre l’individu homosexuel et le lobby gay qui cherche à promouvoir l’homosexualité comme une alternative sexuelle acceptable. L’apôtre Paul fait cette distinction dans Romains 1.32 lorsqu’il distingue entre ceux qui commettent un péché, et ceux qui approuvent les autres qui commettent ce péché aussi.

Notre parole chrétienne sur le sujet de l’homosexualité n’a pas pour objectif premier d’endiguer l’avancée de l’homosexualité, mais d’ouvrir le chemin du salut à tout être humain.

Mais c’est également notre éthique du témoignage qui nous pousse à combattre l’injustice, même quand elle est portée contre un homosexuel.On me demande parfois comment l’Église devra réagir quand le lobby homosexuel fera des procès aux chrétiens pour propos homophobes. J’ai le rêve que ce jour là, des homosexuels viendront à la barre dire : « Ils ne sont pas homophobes. C’est un chrétien qui est venu rendre visite à mon compagnon chaque semaine, lorsqu’il mourrait du Sida ». « C’est un chrétien qui m’a défendu aux prud’hommes quand mon patron a voulu me licencier parce qu’il a découvert que j’étais homosexuel ».

C’est également notre éthique du témoignage qui nous pousse à maintenir l’acte homosexuel dans le champ du péché, et non pas dans le champ des droits civiques.Si l’homosexualité est biologique, ou inéluctablement liée à l’être de la personne, alors l’individu est déterminé. Il peut faire valoir ses droits civiques pour que l’on accepte son homosexualité, mais ne peut rien pour changer s’il le désire. Tandis que si l’homosexualité est maintenue dans le champ de définition du péché, alors il devient pardonnable en Christ.

Conclusion

Notre responsabilité chrétienne sera de savoir accueillir et accompagner l’individu, sans approuver ses comportements.C’est le seul moyen d’atteindre notre objectif dans l’éthique du témoignage toute en étant fidèle à notre éthique de la sexualité.

Auteurs
Jonathan HANLEY

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