Introduction
Le constat de diversification
Une diversification modeste, mais significative
Parler de diversité des ministères, ou de diversification des ministères, c’est à la fois faire un constat et une proposition. Je veux dire par là que la diversification des ministères est, à certains égards, une réalité à la fois récente et ancienne ; une réalité seulement amorcée, et une réalité souhaitée selon le point de vue. Je pars ici du principe que la diversification des ministères, qu’il va falloir définir, est une dynamique positive, même si elle soulève certainement des questions importantes. Nous y reviendrons.
Le constat de diversification, il faut cependant le souligner en introduction, est nécessairement modeste. Le modèle, du point de vue du ministère pastoral, reste majoritairement celui d’un pasteur, plutôt généraliste, attaché à une Église locale, modèle qui est perçu comme porteur de « proximité et de stabilité(1) ». Mais je pense pouvoir dire que la pratique des ministères fait l’objet d’une diversification significative, qui est symptomatique d’une tendance profonde qui devrait à l’avenir se renforcer.
Observons la situation à partir de quelques points de repère précis, mais non forcément représentatifs, donc procédons par petites touches approximatives :
- Si je parcours la liste des étudiants sortants du Mastère de théologie appliquée de la FLTE sur les dix dernières années, je vois les ministères suivants : pasteur, évangéliste travaillant dans le monde associatif, implanteur d’Églises, responsable « laïc », traducteur de la Bible, responsable et équipier d’association, pasteur jeunesse, aumônier. Donc une certaine diversité, même si le ministère « pastoral » correspond à la majorité des cas ; et même s’il faut ajouter que le niveau d’étude et le diplôme concerné favorisent forcément les ministères les plus reconnus.
- L’excellente revue Les Cahiers de l’École pastorale, dont j’ai survolé les 10 dernières années également, ne fait que peu état d’une diversification des ministères. Le présupposé, dans la plupart des articles qui sont en lien avec le ministère, c’est le modèle pastoral classique. C’est logique, puisque c’est l’orientation de la revue, vers la théologie pastorale, vers les pasteurs et responsables d’Églises, mais c’est en partie significatif aussi.
- Le Dictionnaire de théologie pratique permet de recenser plusieurs domaines de « ministères » possibles : pasteur ; missionnaire ; enseignant, théologien ; évangéliste ; pour les seuls articles qui sont intitulés selon le nom de la fonction, et donc qui sont, implicitement, des articles sur des ministères ; et puis accompagnement ; action sociale ; aumôneries diverses ; jeunesse ; formation ; édition ; musique, chant et louange ; implantation d’Églises ; médias, pour les articles qui ont plutôt pour titres des domaines d’action et non pas des fonctions.
- Un rapide coup d’œil sur les sites des Facultés de théologie nord-américaines, qui ont un certain rôle précurseur dans le monde évangélique, permet de repérer le même genre de signes de diversification, présents depuis bon nombre d’années déjà : au Wheaton College de Chicago, on trouve des cursus de counseling ; d’évangélisation ; d’aide humanitaire ; de thérapie conjugale et familiale ; aux côtés du ministère pastoral bien sûr. Fuller Seminary, en plus des classiques, met en avant deux grands domaines : la mission, pour laquelle cette faculté est connue depuis longtemps, et le domaine des thérapies familiales et conjugales. D’autres écoles ont également des formations sur les ministères liés au culte (musique, liturgie, etc.). Et à la FLTE, à côté des préparations au ministère pastoral, qu’il soit orienté généraliste ou enseignement, on peut ajouter les cursus d’évangélisation et d’implantation de nouvelles Églises.
Au niveau de la littérature, le ministère pastoral classique fait l’objet d’énormément de publications ces dernières années dans le monde anglophone. En matière de diversité, les ministères d’accompagnement et de relation d’aide sont très présents dans la littérature, depuis quelques décennies. Quelques ouvrages importants ont été publiés ces dernières années sur le ministère de pasteur-théologien(2). Les ministères liés au culte, à la musique en particulier, font également l’objet de publications et de travaux de recherche.
Voilà pour un rapide constat partiel et très approximatif.
À ce constat préalable, on peut ajouter ces observations, qui feront l’objet de développements :
- Premièrement, la diversification se manifeste au sein même des ministères formellement reconnus, du ministère pastoral en particulier, des ministères de responsabilités plus généralement.
- Deuxièmement, elle se manifeste aussi par quelque chose qui est évident, mais très significatif : la montée en puissance d’activités qu’on a fini par qualifier de ministères.
- Troisièmement, elle se manifeste par la naissance ou la renaissance de certains ministères.
- Quatrièmement, la revalorisation du ministère de tous, qui s’inscrit dans une longue tradition protestante.
On le sent déjà, le mot « ministère » est utilisé dans un sens large, comme cela se fait couramment, au sens de l’œuvre accomplie par les croyants au service de Dieu, pour l’édification de l’Église et en vue de l’accomplissement de la mission de l’Église dans le monde. La définition du mot fait partie des difficultés du débat. Comme « culte », comme « évangélisation », « ministère » fait partie de ces mots théologiques que l’on sent importants, mais pour lesquels on est bien en peine de trouver une définition consensuelle. La définition évolue avec l’histoire, c’est logique, en tout cas dans le domaine de la théologie pratique. L’essentiel est de se mettre d’accord sur ce dont on parle.
Diversification interne aux ministères reconnus
Commençons par la diversification interne aux ministères reconnus, avec l’exemple éminemment stratégique du ministère pastoral. Il y a plusieurs façons d’être pasteur aujourd’hui ; ce n’est pas...