« Veiller à ne jamais être seul avec quelqu’un du sexe opposé », une règle efficace ?

Extrait Ministère pastoral

Abonnement aux Cahiers de l'École pastorale

Je m'abonne

Travail ensemble Dans un contexte « #metoo » où de nombreux pasteurs et enseignants sont accusés d’inconduite sexuelle et d’adultère, et où de nombreux autres tremblent de l’être, la règle proposée par Billy Graham semble être un « pare-feu » efficace à toute tentation sexuelle et risque d’accusation : ne jamais passer du temps seul avec quelqu’un du sexe opposé. Dans son autobiographie(1), le grand prédicateur raconte qu’il appliquait cette règle de façon absolue. Son épouse était l’unique admise seule en sa présence. Il ne se retrouvait jamais seul avec une femme : ni au restaurant, ni dans des rendez-vous particuliers, ni dans un accompagnement ou lors d’un voyage. Il a encouragé de nombreux hommes à suivre ses pas et certains se réclament encore de cette règle aujourd’hui.

Billy Graham raconte qu’il a rassemblé son équipe d’évangélisation et qu’il l’a invitée à lister tous les dangers auxquels les évangélistes étaient exposés. Le péril de l’immoralité sexuelle figurait en deuxième point, juste après les dangers liés à l’argent. Le prédicateur a souligné que la tentation sexuelle était importante pour quiconque voyage et passe du temps éloigné de sa famille. Cette règle radicale était pour lui la manière de s’approprier les recommandations de Paul à Timothée de « fuir… les passions de la jeunesse » (2 Tm 2.22). Billy Graham était soucieux de veiller à son intégrité personnelle ainsi qu’à celle de son équipe. Il voulait aussi protéger son couple et la qualité de son témoignage en tant que pasteur. L’intention de cette règle était de le protéger de tout passage à l'acte mais aussi de toute suspicion ou accusation. Et Billy Graham est connu pour avoir terminé sa vie sans scandale sexuel.

Une règle aux bases vacillantes

Si cette ligne de conduite semble être un pare-feu efficace en plus d’être facile à mettre en œuvre, elle repose sur des affirmations critiquables. Ses fondements présupposent qu’une relation personnelle entre un homme et une femme est davantage risquée que bienfaisante. De plus, cette règle est basée sur une vision très contestable de la femme, de l’homme et des relations qui peuvent se vivre entre les deux.

  1. Tout d’abord, cette règle, lue dans le contexte d’aujourd’hui, présuppose naïvement que les désirs hétérosexuels sont la norme sur le plan des attirances sexuelles.
    L’actualité de ces dernières décennies montre que le désir homosexuel peut très bien aussi faire partie de la vie affective des responsables d’Église. Il est bon de ne pas oublier que le désir sexuel est surprenant dans ses manifestations et qu’il ne surgit pas toujours là où on l’attend.

  2. En ce qui concerne la relation entre les sexes, cette règle suppose que quand un homme et une femme sont seuls dans une pièce, une relation sexuelle a de fortes chances de se produire. Cette manière de penser sexualise la relation à outrance. Elle minimise et annule le fait que la relation privée entre un homme et une femme peut favoriser l’échange intellectuel, la collaboration sur des projets et la restauration de relations de confiance.

  3. Enfin, cette règle suppose que l’un est un danger pour l’autre dans une relation sans public. Un homme est-il par nature un être faible et incapable de contrôler ses pulsions sexuelles – « les passions de la jeunesse » – en présence d’une femme ? Ou bien se laisserait-il piéger trop facilement ? Les femmes sont-elles des tentatrices prêtes à tout pour faire tomber un homme dans leurs filets ? Ou sont-elles si faibles qu’elles ne sauraient résister au charisme d’un prédicateur ? Cette règle présuppose que l’homme et la femme ne sont pas en sécurité l’un avec l’autre, lorsqu’aucun garant n’est présent. Si cela peut effectivement être le cas pour certaines personnes, il s’agit alors d’un grave problème d’addiction qui ne saurait être généralisé à tous les pasteurs, hommes ou femmes. Si une personne ne peut être dans une pièce avec quelqu’un sans initier un contact sexuel, elle n’est pas en mesure d’être la garante d’une relation humaine et a besoin d’aide. Même dans le cas où la mise en pratique de cette règle est motivée par un évitement de toute suspicion ou fausse accusation, la relation homme/femme est encore envisagée sous l’angle du danger qu’elle pourrait représenter. S’il faut faire preuve de sagesse dans ses relations, la systématisation de la règle est problématique.

En conclusion, cette règle sexualise la relation de façon excessive et inappropriée. Elle dépeint l’homme et la femme comme ...

L'accès au reste de cet article est protégé.

Achetez cet article pour le lire en intégralité ou le télécharger en PDF.

Recevez ce numéro
au format papier

7 €

J'achète ce numéro

Téléchargez ce numéro
au format ePub et PDF

5 €

J'achète ce numéro

Abonnement aux Cahiers de l'École pastorale

Je m'abonne

1.
Billy GRAHAM, Tel que je suis : l’autobiographie de Billy Graham, Charols, Excelsis, 1997, pp.147,148.

Vous aimerez aussi

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail nous permet :

  • de vous reconnaitre et ainsi valider automatiquement vos commentaires après 3 validations manuelles consécutives par nos modérateurs,
  • d'utiliser le service gratuit gravatar qui associe une image de profil de votre choix à votre adresse e-mail sur de nombreux sites Internet.

Créez un compte gratuitement et trouvez plus d'information sur fr.gravatar.com

Chargement en cours ...