Alain Nisus poursuit ici l’œuvre de vulgarisation entreprise précédemment dans sa « Dogmatique pour tous(1) » et son « Éthique pour tous(2) ». Résolu à écrire pour le peuple de Dieu et à faire descendre la réflexion théologique dans le corps de l’Église, il s’attaque, ici, à un sujet aussi difficile que « croustillant » : Satan et ses démons. Le succès en librairie devrait être au rendez-vous.
L’auteur y aborde, en effet, de front tous les sujets connexes à cette question : le combat spirituel, la possession démoniaque, l’exorcisme, les esprits territoriaux, le péché des ancêtres, la question des guérisseurs et la pratique de l’ésotérisme, etc. À chaque fois, les différentes options sont exposées et débattues avec toute la pédagogie et l’honnêteté intellectuelle requises. Sont notamment examinées les questions suivantes, parmi les plus « chaudes » :
- La question de la personnalité et de la réalité du diable et des démons. Mise en regard de la perspective biblique et des lectures démythologisantes, métaphorisantes, symbolistes et autre proposition barthienne.
- La question de la place et de la légitimité de l’expérience dans la définition d’une juste démonologie biblique. Règles de sagesse, d’interprétation et de méthode vis-à-vis des données scripturaires.
- Celle de l’apparente intensité des manifestations démoniaques au temps du ministère terrestre de Jésus, au regard de la sobriété de ce que nous observons dans l’Ancien Testament. Comment l’interpréter et que peut-on en déduire pour aujourd’hui au regard de la rareté des cas de démonisation en Occident ? (Réflexion sur la diversité des contextes « missionnaires »).
- Une réflexion sur le lien entre démonisation et maladie mentale/troubles d’ordre psychiatriques. Comment le conceptualiser et le discerner pratiquement… Considérant que l’un et l’autre ne sont pas forcément exclusifs ! Dans un autre chapitre, des clefs pratiques sont données pour poser un diagnostic de démonisation : mobilisation de critères définis et possiblement combinés (personnalité changeante ; impossibilité de confesser publiquement que « Jésus-Christ venu en chair est de Dieu » ; présence de péchés extrêmes ; maladies inexplicables ; force physique hors du commun, etc.), et démarche balisée (questionnement préalable sur le passé de la personne, sa stabilité émotionnelle, ses antécédents familiaux ; écoute de Dieu, etc.).
- Question de la démonisation des croyants : un chrétien peut-il, oui ou non, être possédé ? On discerne surtout que le débat n’est pas simple ! L’auteur apporte au passage une distinction éclairante entre possession (emprise intérieure du démon) et oppression démoniaque (le démon agit de l’extérieur), ainsi qu’une réflexion utile sur les degrés de démonisation.
Alain Nisus ayant spécifié dans son introduction à l’ouvrage qu’il n’était pas un praticien de la délivrance (confessant au passage que cette dimension l’avait fait hésiter à écrire ce livre, de peur d’être d’emblée disqualifié par une partie du lectorat), il apparaît important de dire que l’essentiel du contenu de l’ouvrage est avant tout biblique et théologique. En effet, pas moins de 92 des 238 pages qui le composent sont consacrées à une démarche de théologie biblique, le reste des chapitres étant nourri d’abondantes références scripturaires. Les amateurs de récits merveilleux et autres témoignages « ténébreux » pourront ainsi passer leur chemin, sous peine d’être déçus.
Ajoutant néanmoins au crédit de l’auteur qu’il a été pasteur en paroisse pendant une dizaine d’années, son approche du phénomène est enrichie d’un regard pastoral et de nombreux conseils pratiques. Le tout donne un ouvrage au contenu solide et équilibré, entre la « tentation » de nier les réalités démoniaques, et celle de leur porter un intérêt excessif et malsain. Un manuel utile en vue du ministère de délivrance pour quelqu’un qui comme moi – je le confesse bien volontiers – est relativement peu informé ni expérimenté en la matière (privilège du pastorat occidental ?). Alors, ne boudons pas notre plaisir.
Erwan Cloarec