Vie privée/vie publique ?

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Vie privée/vie publique ?

Vous connaissiez probablement l’émission de Mireille Dumas : Vie privée, vie publique ? Émission culte du service public en France, elle mettait en scène, sous forme d’interviews, des confidences de célébrités qui, à cette occasion, ôtaient le voile et nous révélaient des éléments de leur intimité. Le masque de l’acteur ou de l’artiste tombait et nous accédions alors aux profondeurs de l’homme ou de la femme.

De plus en plus dans le discours médiatique et politique, certains invoquent ces deux notions – celle de vie publique et de vie privée, ou encore de sphère publique et de sphère privée – pour renvoyer l’expression religieuse dans la sphère de l’intime : dans le for intérieur (le cœur) ou entre les quatre murs des lieux de culte. L’homme croyant est ainsi coupé en deux, sommé de garder dans le secret, pour l’intimité, ce qui le constitue en profondeur et de présenter, tel un acteur, un masque lisse et conforme à la vie en société : celui de la République, égal entre tous. Pourquoi ? Nous l’avons vu en étudiant la conception de la laïcité de foi civique : l’intention est de gommer, ou en tout cas de faire comme si nos particularités n’existaient pas, afin de consolider dans l’imaginaire social la pensée que nous sommes les mêmes, et donc unis. Mais cette conception de l’homme en société ne confine-t-elle pas à l’hypocrisie et ne force-t-elle pas indûment à la schizophrénie ? Pourquoi nous raconter ainsi des histoires les uns aux autres ? Et est-il réellement pertinent de vouloir construire ainsi l’unité de la nation sur un faux-semblant et sur l’autel de la perte de notre liberté, celle d’être authentiquement ce que l’on est, et de le vivre à visage découvert ?

En réalité, cette évolution est d’autant plus navrante qu’elle correspond, nous l’avons dit, à une compréhension abusive de la laïcité, au mépris des valeurs de liberté et d’égalité citoyennes que celle-ci devrait s’honorer de défendre. Mais surtout parce qu’elle procède d’une torsion sémantique malheureuse de ces deux notions de sphère publique et de sphère privée. Je m’explique. Bien loin d’être en réalité des catégories spatiales, distinguant entre les lieux où nous pouvons être avec nos particularités, et les lieux où nous devons jouer notre rôle social, présenter le masque de la conformité, ces sion religieuse dans la sphère de l’intime : dans le for intérieur (le cœur) ou entre les quatre murs des lieux de culte. L’homme croyant est ainsi coupé en deux, sommé de garder dans le secret, pour l’intimité, ce qui le constitue en profondeur et de présenter, tel un acteur, un masque lisse et conforme à la vie en société : celui de la République, égal entre tous. Pourquoi ? Nous l’avons vu en étudiant la conception de la laïcité de foi civique : l’intention est de gommer, ou en tout cas de faire comme si nos particularités n’existaient pas, afin de consolider dans l’imaginaire social la pensée que nous sommes les mêmes, et donc unis. Mais cette conception de l’homme en société ne confine-t-elle pas à l’hypocrisie et ne force-t-elle pas indûment à la schizophrénie ? Pourquoi nous raconter ainsi des histoires les uns aux autres ? Et est-il réellement pertinent de vouloir construire ainsi l’unité de la nation sur un faux-semblant et sur l’autel de la perte de notre liberté, celle d’être authentiquement ce que l’on est, et de le vivre à visage découvert ?

En réalité, cette évolution est d’autant plus navrante qu’elle correspond, nous l’avons dit, à une compréhension abusive de la laïcité, au mépris des valeurs de liber- té et d’égalité citoyennes que celle-ci devrait s’honorer de défendre. Mais surtout parce qu’elle procède d’une torsion sémantique malheureuse de ces deux notions de sphère publique et de sphère privée. Je m’explique. Bien loin d’être en réalité des catégories spatiales, distinguant entre les lieux où nous pouvons être avec nos particularités, et les lieux où nous devons jouer notre rôle social, présenter le masque de la conformité, ces deux notions ont d’abord été dans le vocabulaire de la philosophie politique des concepts d’ordre juridique.

Qu’est-ce à dire ? Tout simplement qu’il y a et doit y avoir dans une juste façon de vivre ensemble et dans une juste compréhension de la laïcité, d’un côté ce qui relève de la sphère publique (celle de la loi commune à tous ; autrement dit le sanctuaire de l’État, de la Loi et des institutions publiques, sanctuaire qui ne saurait être approprié ou déterminé par une religion ou un groupe confessionnel particulier), et de l’autre ce qui relève de la sphère privée (c’est-à-dire ce qui est propre à chacun : ces libertés irréductibles des citoyens auxquelles par définition aucune restriction ne saurait être admise, si ce n’est le respect de l’ordre public et des libertés d’autrui).

Aussi l’idée de porter atteinte aux libertés religieuses au nom de ces notions est pour le coup un contresens absolu. Une mascarade pour filer la métaphore. Au contraire, le dispositif de la laïcité, par ces notions de sphère publique et de sphère privée, est là pour permettre à chacun, sous ce dispositif juridique commun et dans l’espace de sa liberté propre, de vivre sa foi et de la partager sans restriction. Que ce soit à la maison, à l’Église, ou encore dans l’espace médiatique ou dans la rue. Et même à l’école et au travail, sous certaines conditions. C’est à l’exploration de ces possibilités concrètes, dans ces lieux où nous sommes appelés à être tels que nous sommes, que je vous invite dans les chapitres suivants.

Auteurs
Erwan CLOAREC

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