Dis donc, Jacques, tu te rappelles notre fameuse traversée de la mer de Tibériade ?
Si je m’en rappelle ? Tu veux rire ! Comment l’oublier ?
C’était vraiment bizarre, nous étions partis si tranquilles. Nous étions loin de nous attendre à ce qui allait nous arriver !
Si je me souviens bien, Jésus dormait dans la barque et nous, nous étions tous en train de nous demander ce qu’il avait voulu nous faire comprendre par les histoires qu’il venait de raconter à la foule.
Cela n’a pas duré longtemps, il nous a fallu revenir brutalement à la réalité.
Oui, c’était effrayant, ce vent qui rugissait et ces vagues qui venaient se jeter contre la barque. On avait beau écoper de toutes nos forces, la barque se remplissait.
Je revois nos têtes échevelées. Nous étions en sueur ; pourtant, le temps s’était rafraîchi. Si tu avais vu ta tête !
Et la tienne donc ! Si tu t’étais vu ! J’ai bien cru que notre dernière heure était arrivée.
Et puis, quand nous avons vu que malgré la panique à bord, Jésus continuait à dormir, nous nous sommes tous poussés du coude. Nous n’en croyions pas nos yeux !
On y a quand même été un peu fort quand on l’a accusé de ne pas se soucier de nous voir mourir. Après tout, il y serait passé lui aussi. La peur nous a fait dire n’importe quoi, mais heureusement qu’on l’a réveillé.
Quelle sérénité chez lui ! Je le reverrai toujours, là, debout dans la barque. Pourtant elle tanguait fort !
Et ses paroles, elles résonnent encore à mes oreilles : « Silence ! Tais-toi ! » Je me demandais bien à qui il parlait, mais quand la mer s’est calmée juste après et que le vent s’est apaisé, alors, j’ai bien compris que c’était à eux qu’il avait parlé.
Nous étions stupéfaits ! À la fois pleins de crainte et d’admiration. On se demandait qui était vraiment cet homme, ce Jésus que nous suivions depuis quelques mois. C’est vrai qu’il n’avait pas fini de nous étonner.
Tout de même ce n’est pas tous les jours qu’on entend quelqu’un parler à la tempête.
Tu ne trouves pas qu’il a exagéré quand il nous a reproché de manquer de foi ?
Peut-être, mais il faut dire que juste avant de partir, il nous avait dit quelque chose comme : « Ma mère et mes frères, ce sont les gens qui écoutent la parole de Dieu et qui lui obéissent. »
Tu crois alors que lorsqu’il a dit : « Allons de l’autre côté du lac », on aurait dû continuer à ramer plus fort malgré la tempête ?
Moi, je pense qu’on a bien fait de le réveiller. J’ai l’impression qu’il voulait nous donner l’occasion de manifester notre foi. De toute manière, même en ramant bien fort, nous n’aurions jamais pu arriver de l’autre côté du lac. Il fallait vraiment un miracle pour nous tirer de là. Tu ne penses pas ?
C’est vrai que je ne regrette pas d’avoir été témoin de sa puissance, même si je suis désolé de l’avoir déçu. J’ai appris une bonne leçon ce jour-là. Aujourd’hui, je sais sans l’ombre d’un doute qu’il est Dieu fait homme et que rien ne lui est impossible.