Le sublime

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Qui a eu un jour la chance d’être en montagne dans les Alpes et de se trouver face à la chaîne du Mont-Blanc ? Sublime ! Qui a eu un jour la chance de profiter d’une nuit d’été passée sous la voute céleste ? Sublime ! Qui un jour s’est fait peur en étant face à une mer déchaînée battant les falaises d’Etretat ? Sublime !

Dans toutes ces expériences les mots nous manquent, les émotions sont fortes. Ce qui nous fait face est si spectaculaire, magnifique, ou terrible, que nous en sommes bouché bée, saisis, transportés. Ce qui nous fait face est si vaste, saisissant, que nous nous sentons comme dépassés, parfois mêmes ébranlés.

A l’époque des Lumières, puis lors du Romantisme, les artistes se sont emparés de ce sujet du sublime. Comment peindre cette sensation que nous ressentons, mais comment aussi parvenir à produire des œuvres qui pourraient susciter le même effet ? Certains ont cherché à représenter la grandeur, la profondeur, l’immensité, la turbulence, le caractère terrible du monde naturel. D’autres ont recherché la grandeur au travers de la représentation de scènes épiques venant de l’histoire, en ayant recours à l’imagerie de l’Ancien Testament ou de l’Apocalypse, ou à des sources comme la Divine Comédie de Dante ou les poèmes épiques de L’Odysée et de L ’Iliade d’Homère.

Ce sublime qui est émoi et saisissement dans l’expérience, que le dictionnaire nous donne comme désignant « ce qu’il y a de plus élevé dans l’ordre moral, esthétique, intellectuel (1) » est un sujet de réflexion qui possède une histoire longue comme celle de la philosophie. Il apparaît à la période antique dans les écrits du Pseudo-Longuin où il décrit la cime du discours rhétorique. Il est repris à l’époque chrétienne, des Pères de l’Église jusqu’aux mystiques latins du XIIe siècle, pour traduire la mystique de l’expérience de Dieu. Au XVIIIe siècle Vico cherche à articuler les deux conceptions en posant le sublime comme fondation de l’homme et du monde civil. Quand se développe la nouvelle discipline de l’esthétique, le sublime va être réfléchi en lien avec la beauté et Burke va être celui qui va développer la distinction d’une double esthétique, du sublime et de la beauté, se basant pour étudier la première sur une observation de la nature alors qu’elle prend son visage le plus terrible. Kant marchera aux côtés de Burke en cherchant à fonder cette double esthétique à l’intérieur de sa théorie des facultés. La période romantique coïncide avec ce moment où le sujet du sublime devient le support de travail d’une grande variété d’artistes, mais elle n’amène pas de progrès théorique sur le sublime. Au XXe siècle Freud voit dans le sublime ce qui permet de développer chez le sujet les forces de sublimation quand Lacan discerne dans le sublime un salut pour l’homme car il produit des signifiants qui le structurent. Arrive enfin notre XXIe siècle et la réflexion de Saint-Girons pour qui le sublime est finalement « l’insaisissable qui saisit (2) ».

Un constat se dessine : le sublime est quelque peu absent de la réflexion théologique depuis la période médiévale. Nous nous sommes alors posés cette question : Avons-nous quelque chose à gagner à (ré-)intégrer le sublime comme une perspective (3) à l’intérieur de notre vision chrétienne du monde et de notre théologie ? Nous proposons de répondre par l’affirmative en déclarant que le sublime est un acteur de la révélation que nous pouvons avoir à propos de Dieu, de la réalité et de nous-mêmes. Plus précisément, nous proposons de montrer que le sublime nous aide à comprendre Dieu dans sa nature admirable et terrible, nous aide à comprendre l’ordre et la symétrie de l’univers, et nous aide enfin à comprendre comment Dieu nous a doté d’aptitudes spécifiques pour être sacrificateurs devant lui.

Nous allons débuter cette présentation par une étude de l’intégration que nous pouvons faire du sublime dans une vision chrétienne du monde avant de nous pencher successivement sur chacun des points avancés. Nous terminerons en évoquant les fruits produits par ce début d’intégration de la perspective du sublime en théologie, la valeur que possède ce premier essai d’intégration, et les suites que nous pouvons lui donner.
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1.
Le nouveau petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française , Dictionnaires le Robert, 1993, p 2155.
2.
Voir Baldine SAINT GIRONS, Le Sublime de l’Antiquité à nos jours , Paris, Desjonquères, 2005.
3.
Nous comprenons le terme « perspective » comme ayant le contenu que Frame lui donne dans sa réflexion théologique, voir Theology in three dimensions , Phillipsburg (NJ), 2017.

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