La Trêve de douze ans est le nom de la période de Cessez-le-feu du 19 avril 1609 à 1621 pendant la guerre de Quatre-Vingts Ans, entre les Provinces-Unies qui contrôlent les états du nord des Pays-Bas et l'Espagne qui contrôle les états du sud.
Les Hollandais mettent à profit cette période pour équiper et développer leur marine. La trêve garantie la paix dans les mers d’Europe et libère une partie de la flotte pour le contrôle des îles à épices. Les actionnaires touchent des dividendes substantiels. L'épanouissement économique favorise le climat artistique.
Vanités
Le genre des « vanités » commence à apparaître en Hollande vers 1620. Il se peut que l’intérêt pour se type de sujet coïncide avec la fin de la trêve de douze ans en 1621, qui voit renaître la peur de la mort liée aux menaces de guerre. Les ravages de la peste ont peut être aussi aidé à des hollandais à s’interroger sur la place des biens matériels et aux priorités de la vie.
En 1624-25 la peste tue 9897 personnes et, en 1635, 14582 habitants de la seule ville de Leyde y succombent en six mois. Ce qui a peut être prédisposé cette ville à devenir le centre des peintures de vanités. Le fait que l’université de Leyde ait été un des centres du calvinisme hollandais a pu contribuer à ce que cette ville se passionne autant pour les sujets spirituels.
Dans le Nord de l’Europe, le discours sur la vanité est conduit de façon indirecte : sous l’influence de la Réforme, la figure humaine est écartée de la peinture morale et religieuse et les tableaux de vanités n’y font allusion que par l'insertion de portraits ou de crânes. Ainsi les tableaux de vanités y sont-ils le plus souvent des natures mortes. Les tableaux de dimension modeste se multiplient pour servir d’appui à une forme de dévotion intime, éloignée des fastes de l’Eglise et des tourments de l’histoire. Une montre, une horloge, un sablier, une fleur à demi fanée, l’équilibre instable d’un objet, ou plus explicitement un crâne, rappellent que tous les biens terrestres sont éphémères et futiles, comparés à la mort et à la parole divine.
Mais en réaction à ce rejet protestant de la figure, la Contre-réforme et le Concile de Trente ont encouragé dans les pays catholiques le culte des saints comme intercesseurs entre les hommes et Jésus-Christ. Dans cet esprit, les vanités des pays latins du Midi privilégient la figure, en particulier le saint et la sainte affrontant le crâne, qui évoque la mort de l’homme et le sacrifice du Christ. Saint Jérôme, Marie-Madeleine, les ermites, sont alors les figures favorites des tableaux de vanités.
Il ne faut donc pas regarder les vanités de l’Europe du nord comme un manifeste prônant l’abandon de la vie quotidienne au profit d’une vie hors du monde présent. Mais l’abandon exprimé par la vanité est une chose mentale : il ne faut pas se laisser séduire, attacher son coeur.
Enfin, ces vanités porte un message critique libérateur : les choses terrestres ne sont pas telle quelle paraissent car elles sont toutes soumises à la mort. La pomme mûre est belle mais elle porte en soit le germe du ver qui la dévore
Pieter Claesz
Pieter Claesz (Berchem près d’Anvers, vers 1596/1597 – Haarlem, est un peintre de nature morte néerlandais (Provinces-unies) du siècle d'or.
Après une première formation à Anvers, Pieter Claesz s'exile. Comme beaucoup de protestants il s'établit à Haarlem vers 1620. Il y meurt fin 1660 (enterré le 1er janvier 1661).
Un certain nombre de natures mortes de Claesz renvoient à la mort et au caractère éphémère de la vie ; ce sont des vanités.
Il n’est pas improbable que le but des natures mortes de Claesz ait été une subtile exhortation morale, dans la mesure où leur simplicité et leur austérité pouvaient être comprises comme un encouragement à la tempérance. La religion réformée insiste alors sur la tempérance et la manière la plus sage de jouir des biens terrestres dont les élus ont reçu l'usufruit en partage.
Elles n’étaient donc pas destinées à impressionner par la peur, mais plutôt à encourager le public à mener une vie bonne et religieuse.
Ils témoignent de la volonté des fidèles, de se rappeler les uns aux autres qu’ils n’attachent pas leur cœur à tout le bien être matériel qui leur échoit suite à une certaine prospérité économique du siècle d’or. Et que seule et que seule compte l’orientation nouvelle que leur vie a prise, guidée désormais par la Bible.
« Vanité ou Nature morte au crâne »
La « Vanité ou Nature morte au crâne » peinte par Claesz en 1630, est entièrement constituée de rappels de la nature éphémère de l’existence, mais son exécution pleine d’élégance, de charme et de richesse visuelle, dissimule l’austérité de la morale :
-La lumière est concentrée sur la tête de mort aux couleurs d’ivoire (et derrière un os), irréfutable preuve que l’homme est mortel ;
-La montre qui marque l’écoulement du temps, la lampe à huile qui fume, et le verre vide renversé sont de symboles bien connus de la brièveté de la vie sur terre.
Les livres comme tous les objets matériels sont sujets à la destruction, et l’orgueil du savoir qui prétend par lui-même avoir réponse à tout, est l’une des fausses valeurs de l’humanité (Ecclésiaste 12.14).
-Le tapis de table vert sauge se marie au fond de couleur chaude et aux tons gris, ocres, verdâtres et brunâtres des objets sur la table.
-Le ruban bleu auquel est attaché le remontoir attire avec efficacité notre attention sur la puissante diagonale qui traverse le dessin.
Plus positivement, on peut noter :
-que le livre fermé, intacte peut être la Bible, l’espérance d’une sagesse à découvrir...
-que le crâne est aussi symbole de la vie éternelle de la résurrection. Le crâne évoque le lieu de la crucifixion, le Golgotha. Il évoque Adam symbole de tous les hommes que le Christ est venu sauver au Golgotha.