Fritz von Uhde : le Christ chez les paysans (Musée d'Orsay)
Dans le Christ chez les paysans, Fritz Karl von Uhde questionne la place du Seigneur dans notre vie quotidienne : savons-nous reconnaître que tout bien et toute nourriture viennent de lui et l’en remercier ?
Le Christ chez les paysans, 1887-1888, Fritz von Uhde ou Friedrich Uhde (1848- 25 février 1911). Huile sur bois, 50x62 cm. Paris, Musée d’Orsay.
Nous sommes dans la maison d’une famille de paysans. La fenêtre ouverte sur la campagne fait entrer une douce lumière dorée. La pièce est sobrement meublée, bien tenue et la table a été dressée avec la même simplicité. Les convives s’apprêtent à prier avant de manger. L’homme que nous voyons de dos bénit la table. Grand, il semblerait un vagabond de passage si son vêtement long et son auréole discrète ne nous signalaient qu’il est le Christ Jésus.
La fin du 19e siècle est marquée par le désir de certains artistes de renouveler l’art religieux. L’Allemand Fritz Von Uhde, de confession protestante, élabore une formule résolument contemporaine et réaliste, exprimant la proximité du Christ Ce tableau connut un grand succès. Critiqué par d'aucuns qui y virent une désacralisation du Christ, il fut pourtant acheté en vente publique par l'État républicain, pour son musée des Artistes vivants (le Luxembourg), signe que cet État perçut le message d'abord humanitaire de ce tableau, qui offrait en outre l'avantage non négligeable (en 1893) de présenter le peuple sous un jour rassurant, loin des bruits du monde ouvrier.
L’artiste peint le quotidien de ses contemporains (paysans allemands ou hollandais) transfiguré par la présence du Christ qui vient partager la table des pécheurs, s’ils veulent bien l’y inviter.
Cette présence suscite chez les convives un recueillement peut-être inconscient de cette absolue proximité.
Mais la maîtresse de maison en saisit toute l’intensité, pleinement illuminée. Premiers à accueillir le Royaume, curieux et peut-être inquiets de cette irruption dans leur foyer, les enfants aussi saisissent l’inattendu de cette rencontre. L’un, tête baissée, mains sagement croisées, observe pourtant, les yeux cachés sous sa frange de cheveux. L’autre imite sa mère, et contemple le visage de cet étranger de passage. Il peut ainsi en recevoir la lumière.
Par cette image si simple, Fritz von Uhde questionne la place du Seigneur dans notre vie quotidienne : savons-nous reconnaître que tout bien et toute nourriture viennent de lui et l’en remercier ? Osons-nous accueillir comme un ami le pauvre de passage, en réponse au Christ qui nous propose son amitié et mendie la nôtre ?