Évangélisation durable : une vie à partager

Complet Présentation de livres

Frank Segonne

Lyon, Éditions Clé, 2020. 288 pages, 19,90 €.

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l evangelisation durable Franck Segonne exerce actuellement un ministère pastoral au sein de l’Église évangélique internationale de Genève. Dans le même temps, il termine son master en implantation à la Faculté libre de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine. Avant cela, il a été pasteur pendant vingt ans à Dijon où il a dirigé un café associatif. L’Évangélisation durable est donc le fruit de sa longue expérience de terrain, mais aussi de ses réflexions missiologiques, théologiques et sociologiques. Le volume est émaillé de citations, statistiques, études, schémas et autres graphiques pour faciliter la compréhension. Ne laissez pas la couverture verte et le titre accrocheur de ce livre vous induire en erreur… Il ne s’agit pas d’un plaidoyer pour une évangélisation écologique ! Ce livre se veut plutôt un manuel pédagogique à l’usage des responsables de communauté qui cherchent à annoncer l’Évangile à leurs contemporains. On pourrait parler d’un format intermédiaire entre les ouvrages missiologiques académiques et les opuscules d’encouragement à la mission à destination du grand public. En résumé, la démarche est sérieuse et étayée, mais accessible au plus grand nombre.

D’un point de vue méthodologique, l’auteur commence par définir les termes (Évangile, évangélisation) et expliquer les concepts bibliques (évangéliste, témoigner), préalable important en vue d’une pratique saine et équilibrée. Dans cette partie, il reprend à son compte la définition de l’évangélisation de Michael Green : « la proclamation de la Bonne Nouvelle du salut aux hommes et aux femmes, en vue de leur conversion à Christ et de leur insertion dans l’Église ». Il y propose aussi une critique, en creux, d’une vision « commerciale » de l’annonce de Christ au profit d’une approche plus relationnelle. Par la suite, il prend le temps d’examiner les freins et les motivations à l’œuvre dans la propagation de la foi.

Le cœur du propos semble se situer au chapitre 4. L’évangélisation y est décrite comme un processus (et non pas comme un programme limité dans le temps) au travers d’une métaphore agricole tirée des Écritures : labourer, semer, récolter, arroser :

La première étape, souvent négligée, consiste à préparer le terrain, c’est-à-dire à mener une vie intègre qui suscite le questionnement et contredit les préjugés sur les chrétiens. Segonne applique ce principe aux différentes sphères de vie (famille, travail, amis) et développe une typologie des approches à privilégier selon les profils (relativiste, croyant non pratiquant, hédoniste). Il s’agit aussi d’exercer un discernement culturel : capter l’air du temps pour mieux insuffler ses convictions.

La deuxième étape correspond justement à la proclamation, sous diverses formes (écrite, orale, virtuelle), du contenu objectif de la foi. En prenant l’exemple de Jésus, l’auteur démontre qu’il n’existe pas de présentation universelle de l’Évangile, pas de « prêt-à-porter » mais seulement du « fait-sur-mesure ». Il encourage ses lecteurs à saisir les occasions en inscrivant leur partage dans le métarécit biblique (création – chute – rédemption).

La troisième étape est sans doute la plus délicate : comment accompagner la foi naissante ? Segonne met alors en garde contre deux tendances diamétralement opposées mais tout aussi dangereuses au bout du compte : le manque de suivi et la manipulation psychologique. Pour un accompagnement sain(t), il valorise les groupes de croissance et l’exemplarité accessible dans la redevabilité mutuelle avec, en ligne de mire, le baptême et la multiplication des disciples.

La quatrième étape inonde en réalité l’ensemble du processus. La prière est l’attitude de cœur de chaque instant des disciples désireux de partager le trésor de la foi. Il s’agit d’intercéder avec précision pour les différents fronts et les divers publics (croyants sur le champ de mission, non-croyants en recherche, élus non encore atteints). Dans ce cycle perpétuel, l’auteur ne perd jamais de vue la souveraineté de Dieu, sans jamais contester non plus la responsabilité humaine dans la mission de l’Église.

Le reste du volume revient sur la dimension ecclésiale de l’évangélisation. L’insistance sur la collégialité vient ainsi corriger le fameux « individualisme » évangélique (et l’image du missionnaire comme loup solitaire ou « sniper » isolé). L’Église, dans son ensemble, est impliquée puisque chaque croyant est un maillon de la chaîne. Pour l’auteur, si tous les chrétiens n’exercent pas un « ministère » d’évangéliste, ils sont tous appelés à trouver leur place dans l’effort missionnaire selon leur personnalité et leurs dons. Au passage, il fournit un certain nombre de grilles d’évaluation et de tests pour discerner les charismes. Il faut également apprendre à travailler en équipe, l’individualité de chacun comptant moins que la complémentarité de l’ensemble dans l’unité que l’Esprit donne.

Dans la dernière partie, Franck Segonne fait appel à l’expérience de ses collègues, Florent Varak et Philippe Monnery. Le premier propose divers outils pour stimuler le partage de la foi (cultes dédiés, parcours découverte, soirées débat et échanges) tandis que le second fournit des pistes pour développer une culture d’évangélisation au sein des communautés chrétiennes (notamment par la formation des leaders). Le plaidoyer se conclut par un exemple de mise en place d’un véritable projet d’évangélisation dans l’Église locale à adapter selon les contextes.

Si nos Églises évangéliques sont connues pour leur zèle dans l’évangélisation, elles manquent souvent de ressources fiables et contextuelles dans ce domaine. « L’Évangélisation durable » est un outil qui, mis dans les mains des conseils d’Église, pourra apporter une aide précieuse à de nombreuses communautés évangéliques en France. Cette approche pragmatique et réfléchie pourra les renouveler dans leur vision mais aussi, et surtout, dans leur pratique du mandat missionnaire.

Auteurs
Matt MOURY

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