Solitude et communion

Extrait Psychologie et vie chrétienne 1 commentaire

Ce texte de Serge Jacquemus, pasteur de l’Église réformée de Belleville, a été prononcé lors d’une session de l’École Pastorale en janvier 2004. Sa forme, entre méditation et réflexion, peut nous aider à entrer dans un approfondissement de notre compréhension des diverses formes de solitudes qui se rencontrent dans l’Église. 

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Solitude et communion

1. La solitude fait partie de la condition humaine. Elle est une réalité de l’existence. Elle est inhérente à l’être.

Chacun de nous est seul, depuis sa naissance, même s’il a eu le bonheur d’avoir ses parents, père et mère - mais beaucoup n’ont pas eu et n’ont pas ce bonheur.

2. Tout être humain - il faudrait peut-être dire toute créature, l’animal aussi - l’homme, la femme, l’enfant, porte en lui-même une Solitude à laquelle il devra faire face, plus ou moins, tôt ou tard. 

Certains animaux vivent en solitaires, d’autres en couples, en bandes ou en troupeaux. Pour l’homme, le sentiment de solitude est peut-être un des plus pénibles à supporter.

3. La solitude de l’enfant peut être très profonde, de très bonne heure. C’est une expérience originelle, décisive lorsqu’il dit pour la première fois : Moi… je…, quand il prend conscience de son individualité, de sa personne.

Cette expérience de solitude, chez l’enfant, peut être angoissée, tragique même pour lui, quand il a peur dans le noir, ou quand il se sent, ou se croit, incompris, mal-aimé, quand il s’en va, fâché, à l’écart de tout le monde, ou quand, déjà très tôt souvent, il découvre la mort. 

4. Habituellement, on considère la solitude comme un malheur, ce qu’elle est souvent. On plaint le - ou la - célibataire qui vit seul(e). On compatit à l’affliction des veufs et des veuves, au triste sort des conjoints abandonnés. Il y a la solitude des personnes âgées, des infirmes, des malades, des exclus de la société, des exilés. La vie moderne, avec son rythme d’agitation, d’excitation, contribue à accentuer cet état, ce sentiment de solitude. Il y a aussi des tempéraments solitaires, des gens qui aiment la solitude, d’autres pour lesquels elle est insupportable.

Un rabbin célèbre du 18ème siècle disait : « Parfois il me semble que chaque homme est un arbre solitaire au milieu du désert, et Dieu n’a que lui dans le monde entier, de même que lui n’a que Dieu dans le monde entier ». 

5. Le chrétien n’échappe pas à la condition humaine générale. Il connaît, lui aussi, la solitude. Mais pour lui, la solitude peut avoir une autre dimension. Elle peut prendre un sens, une signification. Elle n’est pas un malheur insupportable. Elle peut même devenir heureuse. 

Bien des auteurs chrétiens l’ont exprimé. Les Psaumes aussi, de leur côté :

« Je veille et je suis comme l’oiseau solitaire sur un toit… » (102.8).

« Regarde-moi et aie pitié de moi car je suis seul et pauvre… » (25.16).

« Il se tourne vers la prière du solitaire, il ne méprise pas leur prière » (102.18). 

6. Tout d’abord, le chrétien qui veut suivre Jésus doit accepter la solitude. On se décide seul pour Jésus-Christ seul. La conversion, le baptême, font l’objet d’une décision, d’un engagement personnel, et donc solitaire, même si l’on y est aidé et soutenu par d’autres. Et on peut aussi rencontrer l’opposition et l’incompréhension.

La pasteur Louis Dallière disait dans une brochure intitulée « Le baptême en vue du retour de Jésus » :

« Lorsque nous entendons l’appel de Jésus, cet appel nous trouve liés par des liens humains à un grand nombre d’êtres de la terre.

Par le baptême, Jésus veut couper absolument tous ces liens, sans aucune exception, afin de lier notre être à lui seul. On meurt seul, on est baptisé seul…

On quittera donc tous ses amis du monde, les incroyants, les pécheurs, les croyants tièdes… On quitte les plaisirs du monde, les modes du monde. On reçoit la robe blanche lavée dans le sang de l’agneau. On reçoit une vie nouvelle de prière, de vertus produites par la grâce du Christ…

Le mari est baptisé sans sa femme, le père sans son enfant, la fille sans sa mère, l’ami sans son ami. Christ veut la première place avant les êtres que l’on a aimés dans l’affection de la famille ou de l’amitié… »

Mais voici la contrepartie :

« Dès qu’une âme est unie au Seigneur Jésus, elle n’est plus seule. Pour l’éternité sa solitude est finie. Toujours, l’homme qui s’est donné au Sauveur pourra dire : Je suis deux. Christ est avec lui sans cesse » (relire Mt 28.19-20). 

7. Le chrétien a aussi besoin de solitude s’il veut vivre et cultiver une vie chrétienne normale : lire la Bible chaque jour, prier à certaines heures, avoir des temps de retrait et de silence pour écouter Dieu. Que l’on soit marié ou célibataire, pasteur ou laïc, tout ministère comporte et nécessite un aspect de solitude.

« Il est difficile de voir le Christ au milieu de la foule, dit St Augustin ; notre âme a besoin d’une certaine solitude, et elle ne peut voir Dieu qu’en s’y appliquant dans cette solitude. La foule est tumultueuse, mais cette vue de Dieu réclame le secret ».

« Nous pourrions avoir beaucoup de paix, si nous ne voulions nous occuper de ce qu’ont dit et fait les autres et de ce qui n’est pas notre affaire. Comment peut-il longtemps rester en paix, celui qui se fourre dans les affaires d’autrui et qui cherche les occasions d’être dehors et qui trop peu ou rarement se recueille en l’intimité de lui-même ? » (Imitation de Jésus-Christ, chap. 11). 

« Il est très utile de s’adonner à la lecture de la Parole de Dieu dans la solitude et de lire toute la Bible d’une façon raisonnable… La lecture de la Parole de Dieu doit se faire dans la solitude, afin que tout l’esprit soit plongé dans les vérités de l’Écriture Sainte… » (St Séraphin de Sarov).

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Auteurs
Serge JACQUEMUS

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Informations complémentaires

(inspiré d’un texte inédit du pasteur Jacques SERR)

Référence des citations dans les paragraphes :

n° 4. Rabbi Bounam de Pshiske. 1762-1827.

n° 6. Le pasteur Louis Dallière dans « Le baptême en vue du retour de Jésus », Charmes, 1937. 

n° 7. Saint Augustin (354-430), commentaire sur Saint Jean.

« Imitation de Jésus-Christ, livre I, chapitre 11

Saint Séraphin de Sarov, orthodoxe russe (1759-1833), dans « Instructions spirituelles ». 

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Commentaires

Armand Fabre

09 August 2015, à 14:37

Comme la plupart des articles, beaucoup d'excellentes observations dans celui-ci
Un texte des plus importants a cependant été omis. C'est la parole de Dieu qui déclare en Genèse: Il n'est pas bon...Que l'homme soit soit seul !

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