Parler de loi, c’est parler de morale
Dans un premier temps, je veux surtout essayer de faire la différence entre la morale naturelle, telle que la conçoivent les philosophes, et la morale spirituelle, telle qu’elle doit apparaître au chrétien animé du Saint-Esprit. En simplifiant sans doute à l’extrême, on peut dire que selon les philosophes, la morale humaine, c’est l’ensemble des règles qui dirigent le comportement de l’homme.
Ces dernières nous sont dictées par la conscience, donnée naturellement à chaque être humain pour lui montrer les choses qu’il doit faire et celles qui lui sont interdites.
Aux yeux des moralistes, la conscience ne peut pas se tromper : elle est le juge infaillible du bien et du mal ; il nous faut donc écouter sa voix et lui obéir.
La Bible est-elle d’accord avec les philosophes au sujet de la morale ?
Je répondrai : oui et non.
Oui, parce qu’Adam et Ève dans le jardin d’Éden ont reçu un jour effectivement une conscience.
Nous nous souvenons des circonstances tout à fait spéciales dans lesquelles celle-ci leur a été donnée : ils ont mangé du fruit de l’arbre défendu et aussitôt ils ont eu connaissance du bien et du mal. Leurs yeux se sont ouverts, nous dit le texte biblique, et dès lors, ils ont vu le bien et ils ont vu le mal.
La Bible est donc d’accord avec la philosophie pour dire que l’homme a reçu un jour une conscience. Mais c’est au sujet de l’infaillibilité et de l’élévation de la conscience qu’il n’y a plus accord entre la pensée de Dieu et celle des hommes.
L’homme naturel croit que la conscience est le plus beau don que la nature lui ait fait et que c’est elle qui l’élève au-dessus de l’animal. Mais la Bible, dès ses premières pages, nous rappelle que la conscience est un cadeau du diable. Puisque le discernement du bien et du mal a été donné à nos premiers parents à la suite de leur désobéissance, la conscience est un fruit de la chute de l’homme dans le péché et un signe de la perte de son innocence.
C’est bien ainsi que les choses vont avec nos enfants. Tant qu’ils sont petits, ils paraissent innocents et purs, et le Royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. Au fur et à mesure qu’ils grandissent et par- viennent à l’âge de raison, ils commencent à posséder une conscience. Celle-ci révèle la présence du péché en eux. Ils ont perdu leur innocence et leur pureté.
Dès lors, grâce ou à cause de leur conscience, ils commencent à participer à des degrés divers au péché du monde.
La conscience, signe de notre déchéance
Même si la « connaissance du bien et du mal » peut à juste titre être considérée comme un « garde-fou » offert par le créateur à sa créature pécheresse, elle est avant tout à mes yeux le signe de notre déchéance. Parlant de la faute d’Adam et d’Ève, le texte biblique le déclare nettement : « Leurs yeux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus ». Leur conscience leur a fait perdre leur candeur première.
Je remarque ici que le sexe dont on fait parfois le symbole même du péché, a été donné à l’homme avant la chute, dans l’état d’innocence.
Par contre, la conscience, dont les philosophes pensent qu’elle est la qualité majeure de l’être humain, nous a été donnée par la chute. Elle est la preuve de l’état de péché dans lequel l’humanité est tombée.
Considérons encore Adam et Ève dans le jardin d’Éden. Ils vivaient une vie de plénitude, ayant simplement connaissance de la bonté de Dieu, mais ils ignoraient la distinction entre le bien et le mal. Pour être à l’image de Dieu, nos premiers parents n’avaient pas besoin du mal, car c’est hors de Dieu que le mal existe. En choisissant de connaitre le bien et le mal, l’homme et la femme n’ont appris, en fait, qu’à connaître le mal et à se détourner de Dieu qui, jusque-là, était tout leur bien. Posséder une conscience, comme le serpent le proposait à Ève, c’était donc, en réalité, apprendre à connaître le mal et se détourner du vrai bien qui est en Dieu seul.
Je reprends l’exemple de l’enfant qui grandit et sort de l’état d’innocence pour entrer dans celui de conscience. En quelque sorte, il s’éloigne peu à peu de la communion avec Dieu pour aller surtout à la découverte des tentations, des problèmes et des péchés de l’adulte.
Du point de vue théologique, la conscience qui, au début, a été donnée à l’homme, n’était donc pas le signe de son élévation morale, mais bien plutôt celui de sa dégradation.
Peut-on compter sur notre conscience avec certitude ?
Certains diront : peu importe l’origine de la conscience, après tout, qu’elle soit un don de Dieu ou du diable, du moment qu’elle est infaillible et nous déclare sans erreur possible sur ce qui est bien et ce qui est mal.
Permettez-moi de vous rappeler qu’il n’y a pas encore très longtemps de cela, les veuves étaient brûlées vives sur le corps de leur défunt mari en Inde, et qu’on le faisait en toute bonne conscience.
Dans le monde antique, on sacrifiait des enfants sur l’autel des idoles pour obéir à la conscience.
Certaines religions ont prêché la guerre sainte et d’autres l’Inquisition en toute conscience.
La polygamie ici, la monogamie ailleurs, sont affaire de conscience.
Ainsi, il est incontestable que le bien et le mal changent de visage d’un pays à l’autre, d’une religion à l’autre, d’une génération à l’autre.
Il n’existe donc pas, sur le plan naturel, une conscience ou une morale universelle ayant des préceptes valables pour tous les hommes et pour tous les temps.
Un jour, sur un vaisseau qui naviguait depuis quelques semaines déjà, le capitaine s’aperçut tout à coup qu’une main malfaisante avait habilement glissé une pièce de métal sous la boussole du navire, de sorte que, depuis le départ, l’aiguille avait été constamment déplacée de plusieurs degrés sur le cadran. Chaque jour, la boussole consultée avait donné de fausses indications au capitaine qui, en toute bonne foi et conscience, s’était ainsi écarté sans le savoir du bon itinéraire. Il a fallu retirer cette pièce métallique pour que la boussole marque à nouveau correctement la bonne direction.
Il en est de même de la conscience ; elle est « détraquée » par le péché et, de ce fait, n’indique que très approximativement la réalité du bien et du mal. Aussi, suivre une conscience déréglée depuis la chute serait nous en aller infailliblement à la dérive.
La morale humaine, soumise aux lois d’une conscience déchue et qui s’émousse sans cesse au contact du péché, ignore la vraie réalité du bien et du mal.
La preuve en est qu’elle conçoit le bien en soi en dehors de Dieu et le mal en soi, en dehors de Satan.
La morale humaine qui dépersonnalise le bien et le mal est une morale athée parce qu’elle prétend tracer à l’homme un chemin droit sans qu’il soit question de Dieu.
L’intervention de Dieu par la loi
Revenons à Adam et Ève. En acquérant la conscience du bien et du mal, ils sont entrés dans un domaine qui ne leur appartenait pas ; ils ont usurpé par une désobéissance une connaissance qui ne leur était pas destinée.
Le fait se retrouve chez des enfants qui, par de mauvais camarades, apprennent tout à coup des secrets de la vie qui ne sont pas de leur âge. Devant cette situation, que fait un père digne de ce nom ? N’essaye-t-il pas d’expliquer proprement à son fils ce que de mauvaises fréquentations lui ont révélé de façon impure ?
C’est ce que Dieu a entrepris, lui aussi, en donnant le Décalogue à Israël. En somme, il a voulu réapprendre lui-même aux hommes, d’une façon propre, ce que sont véritablement le bien qu’il faut faire, et le mal qu’il faut fuir.
Par le Décalogue, le Seigneur veut réparer dans le cœur humain les dégâts que les enseignements impies de Satan y ont commis ; il veut montrer à l’homme que ce n’est pas à lui, misérable créature déchue, de décider (même avec sa conscience) ce que seront le bien et le mal ; il veut lui enseigner que le bien consiste à accomplir sa divine volonté, et le mal, à l’enfreindre.
Par sa loi, Dieu donne à l’homme une nouvelle morale plus haute, basée non sur la conscience, mais sur la volonté divine. C’est pourquoi, tandis que l’homme naturel cherche seulement à accomplir le devoir que sa morale lui dicte, l’homme spirituel cherche à réjouir Dieu en faisant sa volonté.