Les réponses humaines - La réponse des amis de Job

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Les réponses humaines - La réponse des amis de Job

Pourquoi Dieu permet-il la souffrance ?

Cette question n’est pas seulement lancée à la face du ciel comme un défi par les incrédules. Elle surgit bien souvent du cœur angoissé d’un croyant qui reste perplexe en face du mystère de la souffrance, particulièrement quand celle-ci atteint des innocents. Parmi ceux qui liront ces lignes, sans doute que la plupart se la seront posée à un moment ou à un autre, peut-être à froid dans un climat de réflexion objective, peut-être en pleine crise et le cœur torturé. Nous voudrions avoir une double mesure de tact et d’amour pour essayer d’y répondre à la lumière de la Bible.

Parmi tous les livres de la Bible, celui où ce problème est abordé avec le plus d’insistance et sous ses aspects les plus divers est le livre de Job, dont il constitue sinon le sujet principal, en tout cas un des thèmes les plus apparents. Nous passerons en revue les diverses réponses que l’on peut déduire de ces pages toutes palpitantes d’émotion et de douleur en même temps que de foi.

1. La réponse des amis de Job

Pour les trois premiers amis du patriarche, Éliphaz, Bildad et Tsophar, le problème est simple : toute souffrance particulière est le résultat d’un péché particulier. Elle est proportionnée à la gravité de l’offense. Puisque les épreuves de Job sont exceptionnelles, il doit s’être rendu spécialement coupable, et par conséquent la seule solution pour lui, est de faire l’aveu de sa faute ; alors Dieu lui pardonnera et le rétablira. Chacun des trois amis expose la même thèse dans son style particulier, Éliphaz avec une condescendance solennelle, Bildad en alignant des sentences, Tsophar avec une impétuosité juvénile. On peut noter aussi qu’au fur et à mesure que la discussion se prolonge, les accusations des trois amis deviennent toujours plus violentes. Au début, ils usent de certains ménagements. Ils rappellent à Job la manière dont il avait pu soutenir les autres. Ils se contentent de termes généraux pour dire que ce sont les coupables qui souffrent. Mais au fur et à mesure que la discussion se prolonge, ils s’irritent de voir leur ami s’opposer à leur manière de voir et refuser les actes de contrition qu’ils lui recommandent. Aussi lui parlent-ils avec toujours plus d’aigreur, ils l’accusent de détruire la crainte de Dieu, d’anéantir tout mouvement de piété(1). En fin de compte Éliphaz assomme Job d’une série de reproches d’ailleurs tout a fait dénués de fondement en le taxant d’avoir donné l’exemple d’une conduite totalement indigne(2).

Mais pour le fond, du commencement à la fin, la mélodie est la même à travers les variations de la tonalité. Quelques citations suffiront donc :

« Quel est l’innocent qui a péri ?
Quels sont les justes qui ont été exterminés ?...
Ceux qui labourent l’iniquité
Et qui sèment l’injustice en moissonnent les fruits.
Ils périssent par le souffle de Dieu,
Ils sont consumés par le vent de sa colère »(3).
« Pour toi dirige ton cœur vers Dieu,
Étends vers lui les mains,
Éloigne de toi l’iniquité…
Alors tu lèveras ton front sans tache,
Tu seras ferme et sans crainte ;
Tu oublieras tes souffrances »(4).

Bien sûr, cette solution ne s’appliquait nullement à Job qui, bien loin de subir un châtiment pour des fautes commises, était au contraire accablé de maux à cause de sa justice. Aussi peut-il à bon droit reprocher à ses amis de manquer d’amour envers lui, de lui refuser cette compassion à laquelle le malheureux a droit même s’il abandonne la crainte du Tout-Puissant(5). Il peut aussi les attaquer sur le plan de la sincérité, Job n’était pas pour eux un inconnu ; ils ne pouvaient le soupçonner de crimes affreux qu’en faisant de graves entorses à ce qu’ils savaient de sa conduite. Pour soutenir Dieu, ou plutôt la théorie qu’ils considéraient comme seule compatible avec la justice de Dieu, ils n’hésitaient donc pas à alléguer des faussetés(6), et l’Éternel à la fin du livre peut constater qu’ils n’ont pas parlé avec droiture(7). C’est même tragique de voir à quelles extrémités peuvent se laisser aller des hommes animés des intentions les meilleures, pour l’honneur de Dieu et la consolation de leur ami, lorsque la fureur théologique les amène à ne pas vouloir démordre d’une théorie qui pourtant est contredite par les faits.

Cependant, il ne faut peut-être pas trop vite écarter ce que disent les « consolateurs fâcheux »(8). Si leurs explications ne s’appliquent en aucune manière à Job, elles contiennent une part de vérité dans d’autres cas. Il est d’ailleurs remarquable qu’un des rares textes de Job cités dans le Nouveau Testament comme Écriture Sainte soit justement une parole d’Éliphaz : « Il prend les sages dans leur ruse »(9). Ainsi les trois amis ont pu exprimer une doctrine saine en elle-même, mais mal appliquée dans le cas particulier.

D’abord, il est vrai que la souffrance en général est la conséquence du péché en général. C’est à la suite de la chute(10) que le sol a été maudit, que les douleurs de l’enfantement ont été aggravées, que le travail est devenu pénible(11). Cette relation est en soi une bonne chose, comme le dit fort bien A. Vinet : « Si nous pouvions nous persuader que Dieu ne punira pas la méchanceté, comment pourrions-nous croire qu’il la hait ? Est-il nécessaire d’ajouter que s’il ne hait pas le mal, il n’aime pas le bien ? ». « Si l’homme pouvait impunément faire le mal, les lois de Dieu ne seraient respectées que dans la création matérielle ; dans le monde moral, son empire serait contesté, restreint, précaire… Dans ce domaine, Dieu ne serait point Dieu. Il faudrait, renversant à jamais les qualités et les noms, transportant à Dieu les titres par lesquels l’Écriture désigne et flétrit l’ancien ennemi… appeler Dieu le dieu de ce siècle et le prince du monde… »(12).

Il peut arriver aussi qu’une faute déterminée ait pour conséquence une souffrance déterminée. « Ce qu’un homme a semé, il le moissonnera »(13). Les exemples concrets de ce principe ne nous manquent pas dans la Bible. David, même après avoir reçu le pardon de Dieu, a subi dans sa famille et en particulier par la mort de son enfant, le châtiment de la faute qu’il avait commise avec Bath-Schéba(14). Saint Paul établit un rapport entre la participation indigne de certains Corinthiens à la Sainte Cène et les maladies parfois mortelles dont ils ont été frappés(15). De même il insiste sur les conséquences physiques de l’inconduite et qui en sont la juste rétribution(16). Chacun connaît les résultats désastreux de l’alcoolisme, ceux plus subtils mais plus néfastes encore des pratiques occultes. Il est indéniable que l’égoïste ou l’avare font le vide autour d’eux et que l’imprudent est souvent la première victime de son imprudence. Nous pourrions multiplier les exemples.

Nous avons donc le droit, lorsque le malheur nous arrive, de nous demander si nous ne l’avons pas mérité d’une manière ou d’une autre, comme les frères de Joseph ont vu dans leurs déboires en Égypte le châtiment de leur crime envers leur jeune frère : « Ils se dirent l’un à l’autre : Oui, nous avons été coupables envers notre frère ; car nous avons vu l’angoisse de son âme quand il nous demandait grâce, et nous ne l’avons pas écouté ! C’est pour cela que cette affliction nous arrive »(17). Dans ce cas, il y avait sûrement une relation de cause à effet, plus directe qu’ils ne le supposaient. Il arrive que nous puissions voir le rapport simple et net entre une faute que nous avons commise et une épreuve qui nous en apparaît comme la conséquence. Humilions-nous alors et demandons à Dieu d’être instruits par l’expérience pour ne pas récidiver.

N’allons cependant pas nous tourmenter par ce genre d’autocritique. Si souvent, l’on entend des gens dire avec angoisse au jour de l’épreuve : « Qu’ai-je pu faire, pour que semblable malheur s’abatte sur moi ? » Le livre de Job est là pour nous montrer qu’un malheur n’est pas toujours la conséquence de ce que le malheureux a pu faire.

Surtout soyons doublement prudents lorsque c’est notre prochain qui est en cause. Jésus dit formellement qu’un homme peut être éprouvé sans que lui-même ou ses parents aient commis une faute(18). La Bible nous montre que certaines maladies peuvent être à la gloire de Dieu et n’allons pas dire que celles qui se prolongent proviennent d’un manque de foi chez le malade ou chez son entourage. Peut-être que oui, mais pas nécessairement. Comme les amis de Job, nous avons parfois tendance à trop schématiser, alors que la réalité est plus complexe que nous ne le pensons ; et nous risquons de ce fait de devenir durs. N’ajoutons pas aux souffrances de nos frères le poids d’accusations qui, en définitive, pourraient être fausses. Pourtant n’oublions pas que parfois Dieu permet ou envoie même sur la terre la souffrance comme châtiment de tel ou tel péché.

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Informations complémentaires

1. Job 15.4.
2. Job 22.
3. Job 4.7-9.
4. Job 11.13-15.
5. Job 6.14.
6. Job 13.7.
7. Job 42.7.
8. Job 16.2.
9. Job 5.13 ; 1 Corinthiens 3.19.
10. On appelle communément la chute la désobéissance de nos premiers parents dans le jardin d’Éden. Celle-ci a introduit la mort et son cortège de souffrances au sein d’une création que Dieu avait faite bonne.
11. Genèse 3.16-18.
12. Nouveaux Discours, 1848, p.46 et 51.
13. Galates 6.7
14. 2 Samuel 12.13-14.
15. 1 Corinthiens 11.30.
16. Romains 1.27.
17. Genèse 42.21.
18. Jean 9.1-2.

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