La « Dame de fer » n'est autre que Margaret Thatcher, première femme à avoir assuré la charge de Premier ministre du Royaume-Uni, entre 1979 à 1990. Autrefois capable de diriger son pays avec une poigne en acier trempé, elle est décédée le 8 avril 2013 à Londres.
Rattrapée par la nostalgie
C'est dans ce crépuscule tendre et fragile que le film choisit de rencontrer cette figure hors norme, pour nous faire partager un reflet de son parcours et de son caractère. Âgée de plus de 80 ans, Margaret Thatcher, brillamment interprétée par Meryl Streep, est rattrapée par la nostalgie. Les souvenirs se bousculent. De l’épicerie familiale durant la guerre jusqu'à l’arrivée triomphale au 10 Downing Street, de conquêtes politiques en échecs parfois cuisants, entre adulation et trahison, elle porte le poids d'un bilan riche et contrasté. Si elle a souvent exercé le pouvoir dans la solitude, elle a pu compter sur le soutien constant de son mari Denis (disparu en 2003).
Mais à l'heure de la grande vieillesse, Denis n'est plus là, et c'est insupportable. La nostalgie procède alors comme une thérapie de confort, et réveille, dans les souvenirs et les visions de la vieille dame, la présence du mari disparu. La mise en scène le fait littéralement revivre sous nos yeux, fidèle et facétieux. Mais à l'intérieur du film, seule Margaret le voit vraiment.
Pour supporter la solitude et l'absence
Les autres personnages du film en sont incapables, tout simplement car Denis n'est plus là. Il n'est plus qu'un souvenir nostalgique, irremplaçable, qui meuble la solitude de sa veuve.
Avec une délicatesse rarement prise en défaut, la réalisatrice choisit de traiter ici la question des frontières entre passé et présent dans le regard des personnes d'un grand âge. Sénilité ? Alzheimer ? On se gardera de mettre des grands mots sur une problématique délicate, intime, qui touche au plus profond de l'expérience humaine : comment relier les morts et les vivants, comment supporter la solitude et l'absence, comment faire face au temps qui passe et qui efface ?
Margaret Thatcher utilise sa nostalgie comme une thérapie, qui l'aide à garder contenance, estime d'elle-même, soutien et repères. Cependant, au fil du film, au fur et à mesure que son entourage l'invite à solder le passé et faire son deuil pour de bon, la Dame de fer semble hésiter. Tandis que les souvenirs du passé surgissent sans crier gare, retraçant, par bribes, un parcours exceptionnel, elle réfléchit. Sur ce « Denis » qu'elle a recréé dans son quotidien, comme un fantôme confortable.
Finalement, elle parvient à cet acte de courage admirable : vider la garde-robe de son mari défunt. Réalisant que la nostalgie était devenue plus un poison qu'une thérapie, elle tire un trait au « monde ancien ». Un écho indirect à cette espérance biblique où les larmes nostalgiques s'effaceront devant « toutes choses nouvelles » (Apocalypse 21.4-5).