Avec Ruben, nous étions en train de garder les cochons, près du lac. Un travail ingrat, dans un endroit ingrat, où pas grand monde n’osait aller à cause du fou. On disait qu’il avait un esprit mauvais... Il était effrayant à errer à demi-nu entre les rochers, en hurlant et en gesticulant. Comme tout le monde, nous l’évitions.
Qui aurait pu imaginer ce qui s’est passé ?
Bref, ce matin-là, voilà qu’accoste une barque et que le fou accourt à toute vitesse. De loin, on n’entendait rien, mais on pouvait le voir discuter avec les gens de la barque. À un moment, il a montré à l’un d’eux notre troupeau. Figurez-vous que dans la minute qui a suivi, nos cochons se sont mis à grogner, à courir, et ont tous sauté de la falaise dans l’eau. Quelle frayeur ! Nous n’avons rien pu faire. Nous avons seulement imaginé la tête du patron quand on devrait lui apprendre ce qui est arrivé à son troupeau…
Curieux, mais désireux de comprendre
Comme bien d’autres, nous nous sommes approchés du groupe, mais quand nous avons vu « le fou », assis, calme, fatigué mais souriant, nous avons été encore plus étonnés. Que s’était-il donc passé ?
J’ai appris que celui qui nous faisait autrefois si peur s’appelait Simon. Il était là et racontait calmement à tous que Jésus, l’un des passagers de la barque, lui avait parlé et l’avait libéré des esprits mauvais qui le torturaient. Jésus les avait envoyés dans notre troupeau de cochons. L’homme racontait son sentiment de liberté, sa joie, sa paix… On voyait qu’il avait retrouvé l’espoir.
Une réaction imprévisible
Mais quand je me suis retourné vers les gens, j’ai vu leurs visages effrayés et grimaçants. Plusieurs discutaient à voix basse. L’un d’entre eux, le vieux Noé, a crié d’un air terrible à l’un des hommes de la barque : « Pars ! Pars d’ici, laisse-nous tranquilles… Va-t-en ! » Et les autres reprenaient : « Pars ! Pars ! »
J’ai compris qu’ils s’adressaient à Jésus. D’un air un peu triste, l’homme est retourné vers sa barque avec ses amis. J’ai alors vu Simon discuter un peu avec lui. Finalement, il nous a rejoints Ruben et moi. Il nous a dit qu’il aurait voulu suivre son bienfaiteur, mais que Jésus avait préféré qu’il raconte à tous ce qui lui était arrivé. Il a obéi.
Je ne comprends toujours pas
Pourquoi les villageois ont-ils fait partir Jésus ? Pourquoi mon patron n’a pas aimé, lui non plus, l’intervention de Jésus ? Est-ce que les gens ont peur de perdre leurs habitudes, leurs routines, leur confort ? Est-ce qu’ils préfèrent leur argent au bien-être d’un homme ?
Cela fait maintenant plusieurs semaines que tout cela s’est passé. Je vois souvent Simon sur les places, au marché, dans la rue, à la synagogue. Il parle de ce que Jésus a fait pour lui. Il rayonne littéralement.
Et moi dans tout ça ?
Je regarde mes chaînes, certes invisibles, je vois mes craintes, mes complexes, tout ce qui m’agite intérieurement. Si Jésus a aidé Simon, il peut m’aider moi aussi ! Oui, c’est décidé, je vais aller à sa recherche. Il paraît qu’il parcourt la Galilée. Moi aussi, je veux vivre libre !