Dans les quartiers Nord de Marseille

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Dans les quartiers Nord de Marseille

INTERVIEW DE SALIM BOUALI CONDUIT PAR ANNE-MARIE DELAUGÈRE

Orphelin à 10 ans, Salim Bouali a découvert l’amour du Père en rencontrant Dieu. Aujourd’hui, il veut transmettre cet amour aux jeunes du quartier où il vit. Nous l’avons rencontré.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans les quartiers ?

La précarité. Les jeunes n’ont pas de travail, pas de projets de vie. Une partie d’entre eux ne sont pas intégrés dans la société. Beaucoup d’enfants sont en rupture sur le plan scolaire. Certains ont décroché et ne savent pas où ils en sont. À la maison, on ne parle pas toujours français. L’absence du père dans de nombreux cas entraine un déséquilibre familial. Les jeunes souffrent d’un manque d’identité et sont très désorientés. La mère est seule à élever ses enfants.

Comment s’est passée votre arrivée ?

Je n’ai jamais caché qui j’étais et que j’étais là pour partager ma foi avec ceux qui étaient délaissés. Tout d’abord, je me suis placé en tant qu’observateur pour ne pas brusquer les choses. J’ai cherché à me rendre utile et j’ai travaillé comme médiateur dans le quartier. Puis, j’ai proposé des activités ludiques pour les enfants en respectant les sensibilités de chacun. Face à la réalité du terrain, j’ai appris à « réviser » mon évangile alors que notre présence suscitait de l’opposition. Je ne me suis pas laissé impressionner. J’ai pardonné les agressions physiques et verbales et refusé la guerre.

Très vite, Dieu m’a montré comment travailler en même temps sur les plans cultuel et culturel. Petit à petit, j’ai ainsi gagné la confiance des familles.

Racontez-nous votre travail

J’ai monté un Club à la maison, ouvert le mercredi à tous les enfants. On raconte des histoires bibliques, on prend le goûter ensemble... Aujourd’hui, plus de la moitié des jeunes de 20 ans du quartier sont restés au Club pendant au moins un an.

J’ai rencontré les institutions civiles et militaires, la police, la gendarmerie, la Légion étrangère... Notre travail les a intéressées. J’ai obtenu le soutien de la Légion qui a mis à notre disposition des infrastructures.

Vous organisez aussi des camps ?

Effectivement. Ce soutien m’a permis d’organiser un premier camp en Corse et d’emmener une dizaine de jeunes âgés de 18 à 23 ans sur un terrain militaire à Calvi. La semaine s’est bien déroulée. Un parcours sans faute. J’avais avec moi les caïds du quartier. C’était une grosse organisation. Au retour, le témoignage dans les familles a été très positif. Cela a permis de nous faire connaître. Ensuite, j’ai organisé un camp avec les filles. Les mères ont exprimé leur reconnaissance.

Des camps pour quoi faire ?

Mon but est d’aider les jeunes à sortir de leur confusion, de leur donner confiance. Transplantés dans un autre cadre, loin de leurs repères, ils sont confrontés à la discipline, à l’autorité. On leur rappelle les interdits. Ils découvrent le « vivre ensemble », le dépassement de soi... Ils apprennent à aider les plus faibles, à rechercher un terrain d’entente avec des personnes qui ont des opinions différentes.

Les activités sportives et collectives les fatiguent. Certains craquent et c’est légitime. Je les amène au point où ils reconnaissent leur besoin des autres, que l’homme n’est pas fait pour vivre seul. Le soir, ils ont la possibilité d’exprimer ce qu’ils pensent, de parler d’eux-mêmes, du groupe, d’expliquer leurs choix de vie.

Le groupe joue un rôle important. Un esprit de camaraderie se développe. Ils se découvrent des qualités qu’ils ne soupçonnaient pas. Cela les fait grandir. Ils apprennent le respect. Certains, par la suite, intégreront la police, d’autres démarreront un apprentissage...

À quel moment leur parlez- vous de votre foi ?

Je m’intéresse d’abord à eux, à leurs souffrances, comme Jésus dans l’Évangile lorsqu’il s’est approché de la Samaritaine*. J’attends qu’ils me posent des questions : « Pourquoi tu fais ça ? » Alors je les rencontre personnellement s’ils le désirent.

Qu’est-ce qui motive les jeunes à vous suivre ?

Le bouche-à-oreille dans le quartier. Ils ont envie de tenter quelque chose, de faire une expérience dans un cadre où il y a la sécurité. Ils ont beaucoup d’énergie à évacuer. Ils savent qu’on est là pour les aider. Ils ont envie d’une vraie présence. Ils voient d’abord notre sérieux, notre respect. Pour eux, je suis le tonton, le grand frère. Mon intérêt pour eux va au-delà des huit jours au camp. Tout se fait dans la confiance.

D’autres réalisations ?

J’ai fondé un Centre d’Instruction Civique pour proposer aux jeunes un accompagnement adapté et complet en vue de leur insertion dans la vie professionnelle. Avec le soutien des autorités, j’interviens dans les lycées et collèges pour parler de la citoyenneté, des valeurs, des droits et devoirs, du respect.

On a aussi ouvert une Église dans le centre de Marseille, dans un quartier où juifs et musulmans se côtoient. Ce n’est pas une Église traditionnelle. Au rez-de-chaussée, un « coffee bar » accueille toutes les personnes qui le désirent, chrétiennes ou pas. On l’a appelé « Check point », un nom évocateur et un passage obligé dans la vie de tout homme. On y organise des rencontres trois à quatre fois par semaine sur des thèmes comme, par exemple, Dieu et la femme. Tous ceux qui se sentent seuls sont les bienvenus. La salle de culte se trouve au-dessus du café.

Comment voyez-vous la place des chrétiens face aux événements récents ?

De plus en plus, les chrétiens ont peur et se replient sur eux-mêmes alors qu’au contraire, ils devraient se sentir concernés par ce qui se passe autour d’eux et saisir les opportunités de témoigner face à la montée de l’islamisme. Les besoins sont énormes. Chaque été, j’organise une semaine pour les aider à aller à la rencontre des juifs et des musulmans.

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Informations complémentaires

* Jésus et la femme Samaritaine : évangile de Jean, chapitre 4.

POUR EN SAVOIR PLUS :

www.action-nations.fr et aussi www.terredesnations.com

Salim Bouali a servi 18 ans dans la Légion étrangère. Il a parcouru divers pays et fait l’expérience de la richesse de la diversité des origines. C’est là aussi qu’il a rencontré l’amour de Dieu et compris l’importance de l’entraide. Ce sont ces valeurs qu’il partage aujourd’hui avec ceux qui n’ont pas de repères dans notre société ou qui ont décroché.

En 2001, il fonde l’association “En route pour les nations”. À ce titre, il intervient dans la vie de la cité auprès des jeunes et de leurs familles avec le soutien des autorités civiles et militaires.

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