Luther et l’eschatologie, moteur de la Réforme
La préoccupation des fins dernières a-t-elle compté parmi les motivations d’une réforme générale de l’église du début du XVI e siècle ? Pourrait-on même envisager que l’eschatologie – pour le moins du point de vue qu’elle contribue à une compréhension du salut, de l’œuvre de Dieu et de la vie chrétienne en l’espérance de son accomplissement parfait – soit le moteur de la Réforme de Luther, comme le laisserait supposer le titre de la conférence que vous m’avez confiée de vous présenter ?
En son sens premier, l’eschatologie concerne la consommation des temps, mais touche alors à une dimension d’éternité en quelque sorte préparée par la révélation et l’incarnation. Il ne s’agit point seulement d’avenir ou d’avènement à attendre, il s’agit également du temps durant lequel cette attente se vérifie par l’accueil de l’irruption divine et les renouvellements qu’il implique pour l’homme, pour le peuple de l’Alliance, pour l’église, pour l’univers et le cosmos. En catégorie de pensée luthérienne, il ne serait pas déplacé de considérer l’orientation eschatologique fondée sur l’affirmation du Christ, dans la synagogue de Nazareth : « Aujourd’hui cette parole que vous entendez est accomplie pour vous qui l’entendez » (Luc 4,21), avec les conséquences qu’elle implique du côté de l’homme et de l’église, de conversion et de bonnes œuvres, jusqu’à la marque de l’espérance dans la quotidien de la foi, et, du côté du Christ, la pleine réalisation du dit de l’écriture, sa passion, sa croix, sa résurrection. « L’annonce de la bonne nouvelle » (Luc 4,18) est tout à la fois l’accomplissement des temps, l’heure de la miséricorde, l’invitation à la sanctification, toutes réalités résolues dans l’unique sacrifice du Christ à la croix et son impérieux achèvement, sa résurrection, son ascension et son siège à la droite du Père, trône de grâce d’où il envoie l’Esprit Saint à ceux qui croient.
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