16 avril 1529. Louis de Berquin redécouvert à Vieux-Berquin

publié le 16 April 2022 à 02h01 par José LONCKE

16 avril 1529. Louis de Berquin
Louis de Berquin (1590-1529) est un avocat, fonctionnaire, linguiste et réformateur religieux français.
Berquin est issu d’une famille de petite noblesse flamande, les Berquin-Jumelles, qui possédait le fief de Jumelles et de Vieux-Berquin, de la châtellenie de Cassel,  aujourd’hui à 11 km au sud-est d’Hazebrouck, dans le département du Nord (59). On l'appelle parfois Berquin artésien, du fait qu’il est originaire du diocèse d’Arras.

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Venu à Paris en 1512 pour étudier, il rencontre des humanistes chrétiens, comme Jacques Lefèvre d'Etaples, qui veulent réformer l'Église catholique de l'intérieur. Guillaume Farel, qui deviendra le réformateur de la Suisse, et Louis de Berquin écoutèrent Lefèvre avec respect. "Les chrétiens", disait Lefèvre à ses élèves, "sont ceux-là seuls qui aiment Jésus-Christ et sa parole". Ils ont également étudié Érasme, qui a souligné les abus de l'église dans des écrits pleins d'esprit. Berquin a finalement entamé une correspondance avec lui.

Il devient diplômé de l'Université, et ces grades sont attestés, ne serait-ce que par la condamnation qui le frappera et qui stipulera que lui seront retirés tous ses titres universitaires. Il est aussi Docteur en Droit, probablement de la Faculté d'Orléans. C’est un combattant de la lutte contre l'obscurantisme des théologiens de Sorbonne.

Bien que Berquin soit d'accord avec une grande partie de ce que Luther a enseigné lorsque le réformateur allemand a pris de l'importance, il n'aimait pas sa vulgarité de discours. Il traduisit tout de même en français « De votis monasticis » (Des vœux monastiques) de Luther (Notre Père) ainsi que plusieurs traités d'Erasme.

Vulgarisateur des écrits d’Érasme et de Luther, Berquin est la cible et la victime des attaques de Noel Beda, le syndic de la Sorbonne. Il est protégé par son amitié avec le Roi, représentant du pouvoir temporel. Mais Beda au nom du pouvoir de l'Eglise, pouvoir intemporel n'aura de cesse de le faire plier.
A trois reprises, grâce à l‘intercession de Marguerite auprès de son frère, Berquin recouvra la liberté : Le roi n‘était pas fâché de montrer au clergé qu‘il devait s‘incliner devant le roi de France. Cependant la Sorbonne finira par l‘emporter.

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Il dut affronter trois procès pour hérésie, en 1523, en 1525-1526 et enfin en 1529.

En 1523, les docteurs de la Sorbonne déclarent hérétiques certains écrits de Berquin. Il a été jugé devant le Parlement français et emprisonné. Le roi François Ier ordonna sa libération quelques jours plus tard.

Mais en 1525, le roi est fait prisonnier à Madrid, en Espagne. Le Parlement pourrait l'ignorer en toute sécurité et poursuivre à nouveau le cas de Berquin. Il reçut l'ordre de se taire et de rester dans sa propriété près d'Abbeville. Berquin, cependant, a estimé que la vérité devait être dite et a continué à en appeler à des réformes. Le Parlement brûla ses livres et le jeta de nouveau en prison. Seule l'intervention de la sœur du roi, Marguerite d’Angoulême sauva la vie de Berquin.

Bien qu'Érasme l'y ait exhorté, Berquin a refusé de se taire. Il répondit à Érasme : « Sous le manteau de la religion, les prêtres cachent les passions les plus viles, les mœurs les plus corrompues et les infidélités les plus scandaleuses. Il faut déchirer le voile qui les couvre et porter hardiment une accusation d'impiété contre la Sorbonne, Rome et tous leurs larbins ».

En 1529, le roi étant absent, le Parlement rejuge Berquin. Les choses s'annonçaient mal pour lui. Marguerite, qui aimait le savoir, était à la fois tolérante et courageuse. Elle en appela au roi en faveur de Berquin : « Je vous fais, pour la dernière fois, très humblement une demande ; c'est qu'il vous plaira d'avoir pitié de ce pauvre Berquin, que je sais ne souffrir que pour aimer la parole de Dieu et obéir à la vôtre ».

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Le 16 avril 1529, le Parlement fait comparaître Berquin à midi et lui lit sa sentence. Il fut condamné à faire une renonciation publique en marchant nu-tête sur la place de Grève, une chandelle allumée à la main, où on devait veiller à ce que ses livres soient brûlés. Il devait ensuite se rendre à Notre-Dame et faire pénitence "à Dieu et à sa mère glorieuse, la Vierge". Après cela, sa langue devait être percée, il devait être ramené en prison et enfermé à vie sans livres à lire, ni plume et encre pour écrire.

Berquin fait appel au roi. Lorsque le Parlement a demandé à Berquin d'exécuter sa peine cet après-midi-là, il a déclaré: "Je préférerais endurer la mort plutôt que de donner mon approbation, même par le silence uniquement, à la condamnation de la vérité."

Craignant que le roi ne s'interpose à nouveau en faveur du savant, le Parlement fait sortir Berquin de prison le lendemain, 17 avril 1529, et le brûle sur le bûcher comme hérétique. 

Il voulut parler, mais les cris des soldats étouffèrent sa voix, et il se livra sans murmure à ses exécuteurs en disant : « Pourquoi les haïrais-je, ils me conduisent à la maison de mon père. »

L'un des fonctionnaires présents à l'exécution, qui n'était pas un ami de la Réforme, déclara solennellement : « Je n'ai jamais vu personne mourir plus chrétiennement.

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Après la mort de Berquin, Clément Marot écrivit  : Sur le martyr de Berquin
 
Puis tellement ton cas on démena,
Que ton appel à la mort te mena ;
Et quand tu sus, tu fléchis les genoux,
Disant ainsi : « Jésus, sauveur de nous,
Tu as pour moi souffert la mort très dure,
C'est bien raison que pour toi je l'endure »

Et là-dessus prononças maint beau trait
Consolatif, de l'Evangile extrait,
Qui tant de foi et d'espoir lors te livre
Que, allant mourir, tu semblais aller vivre.
 
Lors le bourreau, la main sur toi boutée,
A de ton col la chaîne d'or ôtée,
Et, en son lieu, subit, sa propre main
Mit le cordeau cruel et inhumain,
Non pas cruel, mais plutôt gracieux,
Car, par lui es hors du val soucieux
De ce vil monde. Adonc en te déplace
De la prison, et t'en vas en la place
Où ce dur peuple on voit souvent courir,
Pour voir son frère stranguler et mourir.

Et en est aise et si ne sut pourquoi ;
Et se on atteint quelqu'un qui ait de quoi,
Tous font tel chaire à sa mort qui approche,
Comme allant voir un jeu de la basoche.
Dames y vont, hommes chambres leur louent,
Et là Dieu sait les beaux jeux qui s'y jouent
Le temps pendant que confesser on fait
Le pauvre corps que on va rendre défait.
Crois, cher ami, qu'on ne fit pas telle fête
Quand tu naquis que quand ta mort fut prête.

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Marguerite de Valois, elle composa le cantique des martyrs

Réveille-toi, Seigneur Dieu,
Fais ton effort,
Et viens venger en tout lieu
Des tiens la mort.
Tu veux que ton Evangile
Soit prêchée par les tiens
En château, bourgade et ville,
Sans que l'on en cèle rien.
 
Donne à tes servants,
Cœur ferme et fort
Et que d'amour tous fervents
Aiment la mort...

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Simon Goulart (1543-1628) composa un sonnet à la mémoire de Louis Berquin (dans "Les Vrais portraits des Hommes illustres" de Théodore de Bèze) : 

Si le temps, si le lieu, si la faveur royale, 
Eut accompagné, Berquin, ton zèle, ton savoir, 
La France, de longtemps libre se pouvait voir, 
Et serait de son Dieu la servante loyale.

Mais la fureur du temps, la pensée inégale
Des peuples et des Rois ne te veut recevoir,
Le monde veut l'erreur en son partage avoir,
Et fuyant loin du ciel en enfer il dévale.

Des hommes délaissé en mauvais temps et lieu, 
Ton zèle, ton savoir, cède à la violence
Des ennemis jurés de la gloire de Dieu.

L'appel se juge aux cieux, Dieu casse la sentence,
Il approuve ton fait, te tire en liberté, 
Te couronnant de vie et d'heureuse clarté. 

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Louis de Berquin est un "passeur" d'idées nouvelles : traducteur de Luther et correspondant et traducteur d’Erasme.  On trouve peu d'ouvrages sur Louis de Berquin. Encore moins de lui, et cela s'explique puisque les jugements successifs qui le condamnent ordonnent de brûler ses écrits. Toutes ses œuvres originales sont perdues ; seules demeurent quelques-unes de ses traductions d’Erasme. On ne retrouvera d’ailleurs que quatre de ses traductions sur les treize répertoriées par les enquêteurs de la Faculté de Théologie de Sorbonne. Et il n'existe qu'un seul exemplaire au monde de sa traduction de la "Déclamation des Louanges de Mariage" d'Erasme.

Sombré dans l'oubli d'une Histoire expurgée par des siècles de catholicisme dominant, Il est "redécouvert" au début du vingtième siècle par des historiens, qui en firent alors un porte-drapeau de la pensée laïque républicaine au nom du combat des lumières contre l'obscurantisme religieux. On oubliait certainement qu'il fut aussi croyant que l'étaient les juges qui le condamnèrent. Mais pas de la même manière.

16 avril 1529. Louis de Berquin redécouvert

Médiathèque de Vieux-Berquin


Sources : Haag 2, p.218-226

Commentaires

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