25 décembre. "Un crime de Noël" (par F. W. Boreham)

publié le 25 December 2022 à 01h01 par José LONCKE

Un crime de Noël (par F. W. Boreham)

Christmas duck with cranberries

Ceci n’est pas l'histoire d'un Noël féérique, ni d’une Noël mélodique, ni d'un Noël nostalgique, mais l’histoire d'un crime de Noël des plus romantiques.

I

« Où as-tu déplacé l'oie qui était dans la grange à bois ? «

Nous étions juste en train de déjeuner le jour de Noël lorsque notre hôtesse entra dans la pièce, et fixant d’un regard anxieux le visage de son mari, posa cette question des plus inattendues et des plus déconcertantes.

Au milieu d'une agitation tumultueuse, le bel et appétissant volatile était arrivé la veille au soir dans une caisse venue d'une ferme de l'arrière-pays. Une lettre reçue en début de semaine avait prévenu la famille de son envoi, et dès ce moment, les trois garçons -Jack, Ron et Keith- avaient hanté la gare tels des esprits inquiets.

Dès qu’un train arrivait, quelqu’en soit la provenance, ils pressaient les porteurs harassés de demandes pressantes concernant l'oie tant attendue.

Et quand enfin, au soulagement infini des employés, le paquet apparu comme prévu, les trois garçons se précipitèrent à la maison comme des dératés pour en signaler l'arrivée sensationnelle.

En quelques instants, leur père les ramena de la gare en voiture, et l'oie entra triomphalement à la maison.

La famille ayant résolu, après un conclave solennel, d’en différer l'exécution jusqu'au lendemain matin, l’oiseau voyageur fut libéré de sa caisse et enfermé dans la grange pour la nuit.

Tout cela s'était produit durant notre séjour aux Pins à Oterakani en Nouvelle-Zélande. Comme tout le monde le sait, dans ce quartier romantique, les Hume sont des gens parmi les plus délicieux. Frédéric Hume était le principal notaire de la ville ; au moment de notre visite, il était maire de la commune et représente depuis la circonspection au Parlement. Il était, de plus, un responsable de l'Eglise protestante et naturellement le dirigeanrt de diverses associations parmi les plus influentes de la ville.

Grand, brun et présentant bien, avec de beaux yeux, une silhouette bien proportionnée et athlétique et un visage avenant, il impressionnait d’une certaine façon tout le monde en donnant le sentiment qu’il avait toujours le control complet de la situation, quelle qu'elle soit.

Sa seule présence inspirait confiance et respect, et sa femme lui correspondait parfaitement.

« La Résidence des Pins », un bâtiment massif et conséquent est situé en retrait de la route et pittoresquement entouré de pelouses gracieuses et d'arbustes à fleurs. C’est de loin la maison la plus remarquable et la plus agréable de cette région de la Nouvelle-Zélande.

Il n'est donc guère surprenant que la quinzaine pendant laquelle nous nous sommes régalés de son hospitalité soit conservée dans nos mémoires comme l'une des plus belles expériences de la vie.

II

Les trois garçons – le plus âgé avait onze ans, le plus jeune sept ans- se regardèrent avec un étonnement profond. Pour eux, la terre avait soudainement cessé de tourner.

L'oie n’était pas dans la grange !

Il était inutile de procéder au petit déjeuner : les appétits étaient en berne. Comme lors d’un un jury d’assise dans une affaire importante, nous l’avions ajourné pour pouvoir inspecter les lieux du drame. Deux théories seulement étaient recevables ; l'oie s'était en quelque sorte échappée d'elle-même ou bien, elle avait été volée par malveillance. Comme, la grange était fermé, les seules échappatoires semblaient être les interstices entre les planches et la fente autour de la porte, la première de ces théories n'avait que peu d'appui.

Les garçons adoptèrent forcément l’autre alternative. Ils consultèrent leur conseiller juridique sur la peine maximale qui pouvait être infligée à un voleur qui aurait dérobé une oie la veille de Noël. De leur côté ils en été arrivés à une profonde conviction : le coupable devait être pendu pour leur plus grande satisfaction personnelle, devant leur fenêtre alors qu’ils étaient assis pour le diner sans oie du jour de Noel. Leur père toutefois, prévoyait les difficultés juridiques qui pourraient les priver de ce séduisant divertissement.

Nous avons rejoint nos sièges à table pour poursuivre notre petit déjeuner interrompu,, et là malgré tout, nous avons rendu bonne justice au repas. Il n’y eut évidement qu’un seul sujet de conversation. Pendant un moment la discussion tourna exclusivement autour de la découverte, de l’arrestation et de la condamnation du voleur. Mais après que l’on ait envisagé puis abandonné plusieurs possible actions, Mr Hume conseilla à ses fils d’abandonner cet aspect de la question entre des mains plus expertes.

« Je verrai le Superintendant Lewis ce matin, » expliqua-t-il, « et je lui ferai part de l’affaire. Si quoi que ce soit doit être fait ce sera l’affaire de la police.

« Très bien » déclara Ron, « Je m’en vais faire des recherches., après tout nous ne savons pas si l’oie ne s’est pas sauvée. J‘ai remarqué des ouviers qui avaient entreposé leurs outils et d’autres choses dans la grange en attendant de finir leur travail sur la route. On a pu oublier de refermer la porte… et laissé l’oie sortir. J’ai bien l’intention d’aller jeter un oeil ».

Ses frères étaient manifestement impressionnés par sa nouvelle ligne de conduite. Ils offrirent sans tarder de se joindre à lui. Toute la matinée, ils cherchèrent en vain ; mais la police n’ayant pu trouver aucun indice indiquant qu’un vol avait été commis, ils sont repartis avec un nouvel élan tout l’après-midi.

III

Il commençait à faire nuit, lorsque Mme Hume, qui regardait anxieusement à la fenêtre à la recherche de quelque signe de vie de ses garçons, fut le témoin d’un spectacle extraordinaire. Tout à coup la barrière s’ouvrit toute grande et les garçons luttant frénétiquement avec une oie, firent une entrée fracassante. Ron tirait une malheureuse oie attachée par une corde à la patte. Jack marchant à côté d'elle, la poussait en avant par divers coups et poussées ; pendant que le petit Keith la tirait par derrière. Tous les trois étaient particulièrement excités.

« Elle était parmi ce bouquet de gommiers dans l’enclos vide au coin de la rue Montagu

Nous avons du livrer bataille pour l’amener jusqu’ici. »

« Très bien » dit en s’esclaffant leur mère, très fière de leur exploit. « Nous allons demander à Papa de la tuer dès la fin du repas. Mais tout la monde devra participer à la plumaison. Ainsi tout sera prêt à temps pour Noël.

Nous avons eu une très joyeuse fête ce soir-là. Les garçons racontèrent encore et encore leur aventure, et à chaque reprise de nouveaux détails vinrent enrichir leur récit, accompagnés chaque fois de nouvelles explosions de rires.

Nous avons tous fait quelque chose pour rattraper les heures perdues ; et quand ce fut le moment de se coucher, l’oie avait été dépouillée de ses plumes avec toute l’habilité de professionnels ; et nous nous sommes tous glissés dans nos chambres en sentant que la joie de Noël avait été considérablement rehaussée par le coupable qui avait si négligemment ouvert la porte de la grange.

IV

Le matin, toutefois, la question allait prendre un autre aspect. Les garçons s'agitaient à la lumière du jour, enquêtant sur les traces que le Père Noël avait laissées. Ils apparaissaient au petit-déjeuner chargés de jouets et coiffés de bonnets de papier de soie : casque, mitre et couronne. Juste au moment où nous nous levions de table, Mme Hume, jetant un coup d'œil à la fenêtre, aperçut la silhouette robuste du surintendant Lewis qui remontait l'allée.

"C’est lui, c’est bien sûr!" s'exclama-t-elle avec étonnement. « Il aurait sûrement pu te laisser tranquille le jour de Noël ! Pourquoi diable doit-il t'embêter avec des affaires de la Cour ce matin ?

"Ce doit être une très petite chose", répondit son mari, d'un ton apaisant, "je suppose qu'il exige juste ma signature sur un document. Je lui répondrai moi-même à la porte ! » Et il s'en alla. Au bout de cinq minutes, il fit demi-tour, emmenant avec lui l'officier de police.

« Je l’avais bien dis », s'écria-t-il avec un air mi- amusé mi- agacé. Voilà une jolie marmite de poissons ! Le superintendant te dira tout".

« Eh bien M’dame » commença l’officier, s’inclinant avec déférence devant Mme Hume, « Il en est ainsi. Les jeunes Mr et Mme Nelson, le couple de jeunes mariés qui s’est installé dans la villa couleur rouge brique près du carrefour de la rue Montaigu, avait une oie qui leur avait été envoyée pour Noël, ils pensaient que ce serait parfaitement sur de la mettre dans l’enclos vide près de la porte. Il semble que la nuit dernière, Mr Nelson jeta un œil au dessus de la clôture pour voir si tout allait bien, il trouva que l’oie avait disparu Il nous en informa au petit matin, nous avons enquêté, et pour dire les choses brièvement, il se trouve à l’évidence que ces trois jeunes garçons ont été vu s’en allant avec l’oie perdue. Alors j'ai pensé que je ferais mieux de venir faire un tour et de voir Son Honneur à ce sujet. Il saura ce qu'il y a de mieux à faire.

Keith, le plus jeune des trois frères, éclata en lamentations pitoyables, hanté par la perspective de passer le jour de Noël dans une cellule. Il avait peut-être même évoqué la vision - basée sur leurs imaginations nocturnes - des trois jeunes voleurs pendus devant les fenêtres des Nelson alors que la mariée et le marié étaient assis devant une table sans oie. Ses frères étaient également d'une tristesse affligeante, prévoyant, comme la dernière des terribles conséquences qui devaient rapidement s'ensuivre : la perte de leur magnifique oie. Pendant ce temps, Mr et Mme Hume, s’étant retirés dans une petite chambre, étaient absorbés par une consultation chuchotée mais sérieuse.

« Non ! Vous ne pouvez pas la rendre, Fred ! » entendis-je mon hôtesse protester. « Elle est prête pour la cuisson ; pour ce que j’en sais, elle est peut-être même déjà au four. Vous ne pouvez la renvoyer maintenant. Et puis, en outre, nous avons des visiteurs qu’allons nous bien pouvoir leur offrir pour le diner de Noël si vous renvoyez l'oie. Pouvons-nous en racheter une pour les Nelson ?

« J’ai bien peur qu’il soit trop tard pour cela », répliqua le Maire, comme si toute l'organisation de la commune s'était subitement effondrée.

« Je ne pense pas aller en chercher une ; de toute façon le temps que je l'obtienne et que je l'apporte chez les Nelson, ce serait trop tard pour le dîner d'aujourd'hui. Je vais sauter dans la voiture et courir les voir à ce sujet ! Allez, Surintendant. Je vous déposerai en chemin ! "

V

En moins d’une heure il était de retour, il riait de façon immodérée. Il avait à l’évidence résolu le problème à sa plus complète satisfaction.

« C’est le plus joli jeune couple que j’ai rencontré depuis des années », s’exclama-t-il avec enthousiasme.

« Ils voient cela comme la plus grande plaisanterie qui leur soit arrivée depuis leur mariage. ils sont juste en train de se plier de rire à ce sujet !

« Je leur ai dit que s’ils en veulent, nous l'enverrions tout de suite, et même cuite et prête pour la table, mais ils ne veulent pas en entendre parler.

Il dit qu'il était bien soulagé de n'avoir pas eu à tuer la créature ; il n'avait jamais fait une chose pareille de sa vie. Et elle a déclaré qu'elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit en s'inquiétant de la cuisson de l’oie. C'est une vraie Britannique; tu l'aimeras. Elle m'a dit qu'il ne fallait pas du tout s'inquiéter . Elle avait un beau jambon, a-t-elle dit, et cela les satisferait parfaitement. et, tant qu'ils vivraient, m'assura-t-elle, chaque repas de Noël serait rendu plus joyeux par le souvenir de leur premier Noël. Alors qu'est-ce que tu penses que j'ai fait - j'espère que ça ne te dérangera pas ! "

« Tu leur as demandé de venir diner avec nous, je suppose ! »  hasarda sa femme, qui le connaissait parfaitement bien .

« J'ai tout compris du premier coup » dit-il en riant. "Oui, ils arrivent ! Je dois retourner les chercher dans une heure.

Ce fut l’un des plus beaux Noël que j’ai passé en Nouvelle Zélande. L’époux et l’épouse entrèrent dans l'esprit de la chose et faisant preuve d'une polyvalence remarquable, jouèrent avec les garçons jusqu'à l'heure du coucher. Et après que les plus jeunes eurent dit bonsoir, ils se montrèrent, au coin du feu, les compagnons les plus attachants et les plus sympathiques.

L’amitié que que avions forgé durant cette soirée de Noël allait se fortifier et s’intensifier avec les années. Le jour de Noël suivant se passa pour les Nelson de façon très différente. Il n‘était plus question de tuer ou de cuire une oie, parce que Mme Nelson était au lit, pressant contre elle avec fierté, le plus joli des cadeaux de Noël qui lui ait été donné.

Au début de l’année Mr et Mme Nelson rejoignirent l’Église. « C’était absolument la seule chose que nous pouvions faire », dit la jeune mère au vieux pasteur qui appelait pour les voir à ce sujet.

« Les Humes ont rendu la religion si belle et si merveilleuse que nous ne pouvions tout simplement pas être laissés de côté - surtout maintenant que la petite Nora nous a rejoint !"

VI

Vingt années plus tard la même petite Nora devint l’épouse de Keith, le plus jeune des garçons Hume. Jusqu’au aujourd’hui, le diner de Noël est l’évènement de l’année avec eux tous. Venant de près ou de loin ils se rassemblent tous pour la fête de Noël. Il y a toujours une oie ; et l’oie est choisie avec le plus grand soin et elle est gardée avec la plus grande vigilance. Pour le bénéfice des plus jeunes membres du groupe, qui n’ont pas de souvenir personnels de l’évènement, l’histoire est racontée chaque année, au milieu des trépignements appropriés de la joie de Noël. Personne n’écoute plus intensément que Nora.

Keith a une blague qu'il sort chaque fois qu'il se trouve d'humeur à taquiner sa jolie jeune femme.

« Je suis parti à la recherche d'une oie, dit-il, et voilà que j'en ai attrapé une autre ».

Mais il efface aussitôt l'insulte en proposant de chanter un cantique en l’honneur ce Celui qui les avait tous réunis :

Aujourd’hui, le Roi des Cieux, au milieu de la nuit,
Voulut naître chez nous de la Vierge Marie,
Pour sauver le genre humain, l’arracher au péché !
Ramener au Seigneur ses enfants égarés !

Noël, Noël, Noël, Noël !
Jésus est né, chantons Noël!

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