D’une guerre (sanitaire) à l’autre (en Ukraine) et à la faveur des échéances électorales présidentielles et législatives de ce printemps, la question politique s’invite naturellement dans nos Églises. Au risque parfois de la division… La question du vaccin et du « pass sanitaire » aura provoqué au sein des communautés ou entre croyants sur les réseaux sociaux des débats houleux, parfois suscité des invectives malheureuses, jusqu’à la rupture du dialogue. Alors, si les bonnes manières nous informent qu’il est probablement sage d’éviter le sujet politique en famille, évitant le risque de plomber l’atmosphère du repas dominical, faut-il s’interdire pour autant, en Église ou à l’échelle de nos institutions représentatives, de s’intéresser à la chose publique ? Je ne le crois pas. Notre foi aurait trop à perdre en termes de crédibilité, et notre témoignage en termes de contenu, d’incarnation et d’impact.
À une époque où les cadres théoriques et les grands discours ne suffisent plus pour « embarquer l’imaginaire », nos contemporains nous attendent davantage encore que par le passé sur une vie et une pratique conséquente avec l’espérance qu’elle énonce. De notre capacité à mettre les mains dans le cambouis de la vie de quartier, dans une posture d’implication citoyenne responsable, à une réflexion conséquente sur les questions de justice climatique en passant par des actions concrètes dans l’accueil des réfugiés ou des personnes en précarité (en amont et au-delà de l’émotion suscitée par la crise en Ukraine), tout ce qui touche à l’humain et à la vie en société concerne et doit concerner le chrétien. Au risque, sinon, d’une foi hors-sol, ou simplement morte en elle-même. La tentation du retrait quiétiste qui a pu marquer l’héritage de nos Églises évangéliques doit être fuie autant que celle de la puissance ou de la « conquête du pays ». Le dernier communiqué(1) du CNEF accompagnant le livret « Convictions des évangéliques » pointe courageusement ces deux écueils, invitant chacun à prendre une part active dans les votes à venir, sans céder aux sirènes du messianisme politique ou à la nostalgie d’une civilisation chrétienne.
Sur ce sujet de la posture sociétale du croyant, les Cahiers de l’École pastorale souhaitent apporter leur part dans ce nouveau numéro en alimentant la réflexion dans trois directions. La première concerne le lien entre spiritualité et action face à la pauvreté avec un très bel article de Daniel Hillion, directeur des études au SEL, qui continue de contribution en contribution à bâtir, si j’ose l’expression, une « doctrine sociale » pour nos Églises aussi biblique que stimulante. Nancy Lefèvre, juriste du CNEF, nous aide pour sa part à comprendre le cadre juridique de l’exercice pastoral, afin d’aider nos Églises à mettre en œuvre ce qui est juste. Enfin, vous découvrirez sous la plume de Frédéric de Coninck un guide pratique pour oser débattre de la question écologique en Église sans risquer la polémique stérile ou le consensus mou. Une bonne porte d’entrée pour réinviter la question citoyenne dans votre Église ? Quoi qu’il en soit, je vous souhaite une bonne lecture de l’ensemble des ressources de ce numéro pour une vie et une pratique de foi toujours plus fidèle à l’enseignement du Maître.
Erwan Cloarec
Sommaire
Édito
Vous avez dit politique ?
Erwan Cloarec
Articles
Action face à la pauvreté et vie spirituelle
Daniel Hillion
Le statut du pasteur et le cadre juridique de son exercice
Nancy Lefèvre
Comment se renouveler dans l’exercice de la prédication ?
Stéphane Guillet
L’Église dans tous ses états
Construire un programme de groupes de maison commun à plusieurs Églises ; un cas pratique de mutualisation
Éric Le Guéhennec & Kevin Le Levier
Prédication
À l’écoute du Père (Deutéronome 6.1-15)
Mathieu Gangloff
Présentation de livres
Collectif, L’écologie parlons-en !
Frédéric de Coninck
David Brazzeal, Savourer la prière
Jean-Luc Gadreau