C’est à Henri Nouwen que j’emprunte ces notions de réceptivité et de confrontation dans une description de l’hospitalité véritable. Dans son ouvrage Les trois mouvements de la vie spirituelle, malheureusement aujourd’hui épuisé en Français, Nouwen défend le fait que ces deux notions, ensemble, sont la condition de relations fécondes, et devraient être la marque de la communauté et de la spiritualité chrétienne.
Qu’entend-il par-là ?
Par réceptivité, il valorise l’importance, dans des relations authentiques, et authentiquement libres, de savoir créer un espace d’amitié où l’on apprend à accueillir l’autre dans notre monde, chez soi, mais en demeurant centré sur son récit, à lui. Laissant découvrir à l’autre dans notre regard le don qu’il est pour nous. C’est ainsi qu’Abraham a reçu du Seigneur la promesse d’un enfant en accueillant trois étrangers à Mamré (Genèse 18.1-16) ou encore que la veuve de Sarepta, offrant l’hospitalité à Élie, recevra huile et farine en abondance (1 Rois 17.9-24). De cette rencontre pourront alors naître, pour l’hôte et l’invité, de nouvelles ressources et perspectives. La communication d’une vie nouvelle, dit-il dans une jolie formule.
Nouwen ajoute, comme deuxième condition, la nécessité de la confrontation afin de permettre un véritable déplacement des perspectives, une fécondité véritable. Ce qui est moins familier au récit de la postmodernité. Autrement dit, être réceptif, ce n’est pas chercher à être neutre, ou s’excuser d’être soi. Plus encore, il est nécessaire pour accueillir l’autre chez-soi de savoir où l’on habite ! La réceptivité vraie trace ainsi des limites, des frontières. Elle pose des balises. Des frontières certes souples et mouvantes, mais nécessaires pour exercer l’hospitalité véritable. Au risque sinon d’inviter l’autre dans une maison fantôme. C’est alors que le dialogue véritable pourra commencer, dans la confrontation des récits, permettant à l’hôte, comme à l’invité, de mieux prendre conscience de ses propres convictions et de son identité, et de les évaluer de manière critique, dans cet espace de liberté, de vérité, d’amitié respectueuse. C’est ainsi la condition de la vie et de la possibilité d’une croissance.
D’une certaine manière l’ensemble des articles de ce nouveau numéro des Cahiers de l’École pastorale vient questionner ce sujet de l’hospitalité et des frontières. Que cela concerne la manière de vivre avec sagesse en tant que pasteur ses responsabilités ministérielles et familiales (article de Luigi Davi : « Le pasteur et ses priorités ») ; que cela concerne la mission de l’Église et la pensée stimulante d’Evert Van de Poll dans son article « Le réveil des frontières » nous invitant à penser missiologiquement les frontières comme des lieux de vie et de passage, à intégrer positivement dans notre communication de l’Évangile ; ou encore l’article de Daniel Liechti sur la façon de penser et vivre les ministères de manière dynamique à l’échelle translocale, régionale. Vous découvrirez aussi dans la lecture de ce numéro que la question œcuménique ou les questions de genre ont aussi quelque chose à voir avec cette question de l’hospitalité bien comprise. Alors à chacune et chacun bonne découverte de cette nouvelle livraison des Cahiers !
Erwan Cloarec
Édito
L’hospitalité : entre réceptivité et confrontation
Erwan Cloarec
Articles
Relier les Églises en réseaux régionaux pour mieux donner corps à la Mission de Dieu
Daniel Liechti
Le réveil des frontières, un regard missionnaire
Evert Van de Poll
Le pasteur et ses priorités
Luigi Davi
L’Église dans tous ses états
"Veiller à ne jamais être seul avec quelqu’un du sexe opposé", une règle efficace ?
Marie-Noëlle Yoder et Thomas Poëtte
Prédication
Ce qu’il a fait, il le fera encore (mais autrement) (Ésaïe 43.14-21)
Laurent Descos
Présentation de livres
Christophe Paya - Comprendre Matthieu 14-28 aujourd’hui
Timothée Minard
Michel Freychet - Quand les Églises se parlent !
Thierry Rouquet