Le statut de l’enfant de croyants dans les Églises de professants

Complet Vie et gestion de l'Église
Le texte suivant est un évènement. Il correspond à la première livraison du Comité de réflexion théologique de la FEEBF(1), nouvellement créé. Sous la présidence de Nicolas Farelly, le comité s’est proposé, pour son premier « chantier théologique », d’aborder, en collaboration avec Comité enfance et jeunesse de la FEEBF(2), un impensé dans la tradition de nos Églises dites de professants, la question du statut des enfants de croyants dans nos Églises ? Pour elles qui mettent l’accent sur l’importance du baptême et la profession de foi pour faire partie de l’Église, quelle place donner à ceux-ci dans la communauté de la foi ? Comment les situer ? Sont-ils l’Église d’aujourd’hui ou celle de demain ? Et comment, concrètement, les accompagner dans l’épanouissement et l’affirmation de leur foi ? C’est à toutes ces questions, épineuses, que les lignes qui suivent proposent de se frotter.

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EnfantA.    Introduction

Les enfants sont-ils l’Église de demain ou celle d’aujourd’hui ? Un enfant de croyants a-t-il une place à part dans l’Église ? A-t-il des avantages en matière de foi, et si oui lesquels ? Quel regard théologique et quelle attention spécifique l’Église doit-elle lui porter ? Enfin, quel rôle l’Église et les parents ont-ils dans son accompagnement vers une foi personnelle et engagée ?

L’ecclésiologie professante insiste, à juste raison, sur l’idée que « l’on ne naît pas chrétien, on le devient » Cette formule, reprise de Tertullien (env. 150-220), rejette fermement l’idée d’une quelconque hérédité de la foi chrétienne, et de tout lien automatique entre le lieu de naissance et le statut spirituel de la personne (contre la chrétienté). La tradition, qu’elle soit familiale ou culturelle, ne saurait donc suffire à la transmission du statut de « chrétien » chez l’enfant. L’idée contraire demeure pourtant assez répandue, même au sein du protestantisme. Par exemple, Jean Calvin a écrit que la « semence » de la foi et de la pénitence est plantée dans le cœur des enfants engendrés de chrétiens par l’opération secrète du Saint-Esprit (IRC IV 16, 20). Pour lui, ainsi que pour la tradition réformée, ces enfants appartiennent dès lors au corps de Christ. Ils sont comptés comme membres du peuple de Dieu (IRC IV, 16, 22). Certes, ceci ne signifiait pas nécessairement pour Calvin que les enfants de croyants étaient nécessairement sauvés. Quoi qu’il en soit, cette théologie reste étrangère aux traditions des Églises de professants.

Selon les résultats d’un sondage réalisé en ligne par le Comité de réflexion théologique (CRT) de la FEEBF en 2020(3), si 93% des pasteurs de la FEEBF pensent qu’un enfant(4) croyant est sauvé, 60% d’entre eux considèrent qu’un enfant de croyant n’est pas sauvé (27% assument leur ignorance quant au salut de cet enfant). De façon surprenante, les sondés sont moins nombreux (37%) à considérer qu’un enfant dont les parents ne sont pas croyants n’est pas sauvé (dans ce cas, c’est l’ignorance qui prédomine : 50%). Cela semble montrer un attachement à la conviction que personne n’est sauvé par la foi de ses parents. Mais s’il n’y a pas d’automatisme – ce que tous admettent volontiers –, nous devons admettre aussi que la famille reste un lieu de transmission… y compris de piété et de foi. Si la foi des parents ne peut être imputée aux enfants, n’y a-t-il pas une bénédiction à grandir dans une famille qui sert déjà le Seigneur ? Comment identifier, dans croissance progressive dans la foi, peut-être même sans rébellion, une vie qui s’oriente vers une soumission au Seigneur pour recevoir sa justification ?

Les Églises de professants considèrent comme membres de l’Église locale les personnes qui professent leur foi en Jésus-Christ comme Seigneur et sauveur. Il est alors de la responsabilité du corps ecclésial de reconnaître ceux que Christ ajoute, par son salut, à son Église. Cette action de Dieu dans le cœur insondable du croyant est discernée dans la profession de foi publique de celui-ci. Dès lors, le croyant reçoit le baptême et intègre la communion de l’Église visible. La confession de foi de la FEEBF l’assume pleinement en déclarant « qu’une Église locale, constituée selon la Parole de Dieu, est une communauté de croyants baptisés sur profession de leur foi ». Cet article est fidèle à la formulation de John Smyth (1570-1612), un des fondateurs du baptisme : « L’Église de Christ est la compagnie des fidèles ; baptisés après confession de péché et de foi ». Smyth poursuit en affirmant que le baptême « n’appartient pas aux enfants ». Ainsi, dans cette perspective professante, les enfants ne peuvent être considérés comme membres de l’Église. Cependant ils participent bien aux offices religieux sans que la question de leur présence ou de leur statut soit posée.

Apparaît dès lors un impensé de notre ecclésiologie, vestige d’un temps où les enfants n’était tout simplement pas pris en compte en tant que personnes. Aujourd’hui, comment évaluer leur foi en Jésus-Christ comme Seigneur et sauveur ? Comment comprendre le parcours de foi d’une personne qui grandit dans un contexte chrétien et qui possiblement ne vivra pas une conversion manifeste, avec un contraste marqué entre une vie « selon ce monde » et une vie nouvelle pour son Seigneur ? Comment identifier une vie nouvelle qui se développe et se donne au Christ sans « bascule », mais dans un cheminement tranquille ?

Nous parlons assez facilement de notre désir d’inclure les enfants dans l’Église. Nous leur faisons vivre la vie de piété d’un racheté (chants, prière, lecture de récits bibliques, etc.) sans y voir d’hypocrisie pour autant. Nous pouvons même leur demander d’assurer certains services dans l’Église, sans présumer de leur régénération par l’Esprit Saint. Alors que notre ecclésiologie (la doctrine de l’Église) est par essence liée à notre sotériologie (la doctrine du salut), par le fait même que nous considérons l’Église comme le peuple des rachetés, nous délions ces concepts pour chercher à faire une place aux enfants issus de nos communautés. Nous percevons toute cette tension en mesurant combien la phrase « les enfants qui fréquentent l’Église sont l’Église » est clivante dans notre corps pastoral(5), premièrement puisqu’ils ne sont pas l’Église sans une profession de foi, qui leur est impossible avant un âge de raison, mais deuxièmement puisqu’ils sont l’Église en vivant la vie communautaire pleinement. Cette tension nous rappelle que l’Église est à la fois un corps théologique et un corps sociologique. Sociologiquement, nos enfants participent pleinement à la vie de l’Église. C’est un fait. Mais, que sont, théologiquement parlant, les enfants de croyants avant leur conversion, baptême et engagement dans l’Église locale ? Ont-ils un statut à part dans l’Église ? Évoluent-ils dans une sorte de « no man’s land » ecclésiologique ? Comment comprendre leur place dans la communion de ceux qui sont au Christ en assumant notre ignorance relative quant à leur appartenance au Seigneur ? Nous pourrions probablement nous satisfaire de ce paradoxe… mais l’exigence de cohérence avec ce que nous percevons de la volonté révélée de notre Seigneur demeure.

Ces questions prennent toute leur importance lorsque nous nous approchons des sacrements, lieu hautement signifiant de notre communion. Là où l’appartenance (ou non) à l’Église est la plus manifeste et où notre pratique ne peut pas se soustraire à la réflexion théologique.

L’idée que les enfants sont l’avenir de l’Église a fait son chemin. Elle a convaincu qu’il fallait les enseigner et les accompagner dans leur vie de foi. Depuis quelques années, on préfère revendiquer que les enfants sont l’Église d’aujourd’hui, comme si c’était antinomique. Cette réaction manifeste que le statut des enfants dans l’Église est une préoccupation importante. Si, intuitivement, nous leur avons fait une place grandissante, nous devons aussi travailler notre réflexion théologique là où elle est mise en question par notre pratique en Église.

Loin de prétendre épuiser le débat, nous espérons que ce document aidera à poser les éléments d’une réflexion théologique pour nos vies d’Églises locales et pour notre unité fédérative. Ensemble, soumis à l’autorité de l’Écriture, et en cohérence avec notre compréhension de l’Église, nous chercherons à vivre l’Église conformément à la volonté divine.

B. Le développement de la foi chez l’enfant : un dialogue avec les sciences humaines

Le regard adulte porté sur le monde des enfants est sans aucun doute très différent selon les périodes historiques, les civilisations, les milieux socioculturels ou les croyances. Ces dernières années, l’évolution des sociétés occidentales a conduit l’Église à se poser de nouvelles questions ainsi qu’à poser un regard nouveau sur l’enfant, sa personne, son statut et sa place dans son environnement social. Il est loin le temps où l’enfant devait être vu, mais pas entendu. Aujourd’hui, on cherche à le comprendre, à l’écouter. Les limites de sa liberté sont de plus en plus repoussées (concept de l’enfant-roi). Mais dans le même temps, on prend conscience de sa fragilité et de l’importance de le protéger. Les lignes qui suivent tentent de faire le point sur quelques évolutions notables, avec l’appui des sciences humaines et dans une perspective biblique.

1. L’enfant comme personne « en devenir » ?

Une réflexion biblique sur l’enfance, comme se référant à une période précise du développement du petit d’homme, amène d’abord à poser un constat : la Bible ne s’intéresse qu’assez peu à l’enfance en tant que telle. Par ailleurs, les termes employés pour désigner « l’enfant » sont relativement vagues pour délimiter précisément les contours de cette période. Ainsi l’hébreu « nahor » dans l’Ancien Testament peut désigner l’enfant, du nourrisson non encore sevré (1 S 1.24) jusqu’au jeune homme déjà nubile comme Ismaël (Gn 21.12), Isaac (Gn 22.5 et 12) ou encore Joseph (Gn 37.2 : il a dix-sept ans). On retrouve une variation semblable avec les termes grecs παῖς (génitif παιδός) : enfant, garçon ou fille, s’applique plus souvent aux garçons, exprime l’enfance et la jeunesse, mais peut aussi s’appliquer à l’adolescence (exemple, en Marc 5.39 il s’agit d’une fille de douze ans, âge nubile pour les Juifs). De même, brephos (le petit d’animal encore dans le sein de sa mère) désigne le plus souvent un nouveau-né (Luc 18.15 : on peut remarquer que le verset suivant utilise le terme παῖδia), mais peut également viser un âge plus avancé comme semble le suggérer l’expression que l’apôtre Paul emploie à propos de Timothée « Depuis ton enfance tu connais les saints écrits… » (2 Ti 3.15)

Étymologiquement, le mot « enfant » dérive du latin « infans » qui désigne celui qui ne parle pas encore, ne maîtrise pas encore le langage, et dont le temps est celui de l’infantia (l’enfance). D’une manière générale, on peut remarquer que l’enfance est surtout perçue comme une période d’inachèvement, d’immaturité, à laquelle s’ajoutent les caractéristiques de dépendance et d’inexpérience participant de cette idée, bien représentée dans l’Antiquité, que l’enfant ne serait qu’un balbutiement d’existence, et l’enfance « une sorte de passage obligé où la nature n’est qu’en puissance et l’humanité que virtuelle(6). » Le passage de Jérémie 1.6 est à cet égard très intéressant : le grec traduit avec νεώτερος = je ne suis qu’un tout petit débutant et l’adjectif grec νέος insiste quant à lui sur la jeunesse et l’inexpérience par opposition à l’expérience des anciens.

Nous développerons ici deux thèses bibliques que nous souhaitons tenir ensemble : premièrement, la Bible considère l’enfant comme une personne à part entière devant Dieu. En second lieu, la Bible n’ignore pas que l’enfant est une personne en développement. Cette seconde thèse sera étayée par les apports de la psychologie du développement.

Une question préliminaire à notre première thèse mérite d’être soulevée : qu’est-ce qu’une personne ?

a. Qu’est-ce qu’une personne ?

L’origine étymologique communément admise nous apprend que le mot « personne » dérive du latin persona (de per-sonare, parler à travers) qui traduit le grec prosopon (visage) qui, lui-même, semble provenir de l’étrusque phersu, masque. C’est un terme qui fait référence au masque de théâtre aussi bien qu’au rôle que tient son porteur. La personne désigne donc par extension l’individu qui prend la parole dans une assemblée, et y tient un rôle (le personnage).

Les développements de la théologie trinitaire et les débats christologiques de l’Église ancienne ont joué un rôle important dans l’approfondissement de la notion de personne, en distinguant, d’une part, ce qui serait la substance (au sens de ousia) et ce qui serait la personne (au sens de relation substantielle) et en refusant, d’autre part, une identification de la notion de personne avec un sujet concret, conscient de soi, selon ce que l’on l’entend communément aujourd’hui. Ce qui amène Olivier Riaudel à affirmer que : « Ne pas définir la personne par l’identité à soi de la conscience, c’est ultimement, pour la théologie chrétienne, ne pas définir l’homme à partir de lui-même, mais devant Dieu, coram Deo […] Il n’est donc pas si étonnant que ce propos ne soit pas vraiment reçu par une vision délibérément séculière de l’être humain, surtout si celle-ci tend à réduire l’humanité de l’être humain à sa capacité de poser des actes conscients(7). » Lydia Jaeger abonde dans le même sens : « La distinction de la notion de personne par rapport à celle de la nature est un acquis majeur de la réflexion théologique élaboré en réponse à l’enseignement biblique sur l’unité-pluralité divine et sur l’homme-Dieu, Jésus-Christ. La conception que l’on peut avoir de l’être créé en image de Dieu s’en trouve profondément impactée(8). » :

  • La personne est une catégorie ontologique fondamentale qui ne se laisse pas réduire à une description de ses traits. Chaque personne est unique, à la fois comme exemplaire individuel de l’espèce humaine et comme sujet doté d’une individualité incommunicable et d’une dignité inaliénable ;
  • Dès lors, l’humanité d’un individu ne s’épuise dans aucune des caractéristiques généralement tenues pour décisives : « L’homme n’est pas homme simplement parce qu’il serait raisonnable, doté d’une conscience de soi, du langage, d’une capacité spécifique à entrer en contact avec autrui, d’assumer des choix moraux… Toute personne humaine porte en elle un mystère, une profondeur personnelle qu’aucune description en termes de traits assumés ne peut embrasser dans sa totalité(9). »  ;
  • Et ainsi, il devient pensable que l’identité de la personne soit conservée, même en absence de traits qui la manifestent habituellement. Par-là, s’ouvre la voie pour reconnaître le statut de personne à ceux qui ne manifestent pas les caractéristiques relationnelles souvent retenues dans les définitions de ce qu’est un être humain : les embryons(10) et les très jeunes enfants, les handicapés mentaux, les individus souffrant de déficience mentale en fin de vie, etc.

Penser la personne humaine à partir de la personne de Jésus-Christ, Dieu fait homme, nous amène à voir, par le prisme de l’Écriture, la réelle humanité et l’intrinsèque dignité de la personne humaine dès le commencement de sa vie.

b. L’enfant est une personne devant Dieu

Dans une perspective biblique, le don de la vie, s’inscrit dans le registre de la bénédiction divine comme en témoignent les premières paroles de bénédiction que nous rapporte la Bible (cf. Ge 1.22,28 ; 9.1). Cette bénédiction dont l’horizon est le foisonnement de la vie s’incarne tout particulièrement, pour le couple humain, dans la naissance d’un enfant. L’enfant accueilli est reçu comme un présent de Dieu.

Aussi, à l’occasion de la naissance d’un enfant, les parents font souvent mention de l’Éternel. Il est celui qui donne la vie, et/ou celui avec l’aide de qui des parents ont donné la vie. À la naissance de Caïn, Ève exprime sa gratitude en ces termes : « J’ai donné vie à un homme avec l’aide de l’Éternel. » (Gn 4.1) Et quand vient au monde Seth, le fils qui « remplace » Abel : « Dieu m’a donné un autre fils pour remplacer Abel que Caïn a tué. » (Gn 4.25)

Dans l’épisode des retrouvailles de Jacob et Ésaü, voyant les femmes et les enfants qui accompagnaient Jacob, Ésaü demanda à son frère : « Qui sont ceux-là pour toi ? », Jacob répondit : « Ce sont les enfants que Dieu a accordés à ton serviteur. » (Gn 33.5) C’est la même réponse que Joseph fit à Jacob quelques décennies plus tard, à propos de Manassé et Éphraïm : « Ce sont mes fils. Dieu me les a donnés. » (Gn 48.9)
Que les enfants soient un don et une bénédiction du Seigneur, pour les femmes et les hommes de la Bible, ne fait donc aucun doute. Cette conviction se traduit jusque dans le choix de certains noms donnés aux enfants : Nathanaël, Jonathan… Dieu a donné ! Aussi, le psalmiste peut chanter : « Voici, des fils sont un héritage de l’Éternel. Le fruit des entrailles est une récompense. » (Ps 127.3)

Lorsque la Bible atteste que « Dieu créa l’être humain à son image… » (Gn 1.27), elle souligne la valeur inaliénable de toute vie humaine, marquée de manière indélébile d’une valeur et d’une dignité inviolables. Cette dignité de la personne humaine n’est pas d’abord une question de stade de développement ni de capacité d’autonomie ou d’utilité sociale, mais elle est une donnée ontologique qui confère à toute vie humaine sa dignité intrinsèque.

L’enfant, devant Dieu, et dès le plus jeune commencement de sa vie, est une personne que Dieu connaît intimement. Émerveillé, le psalmiste s’écrie :

« C’est toi qui as formé mes reins, qui m’as tissé dans le ventre de ma mère. Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse. […] Je n’étais encore qu’une masse informe, mais tes yeux me voyaient et sur ton livre étaient inscrits tous les jours qui m’étaient destinés avant qu’un seul d’entre eux n’existe. » (Ps 139.13s,16)

Le récit de la grossesse gémellaire de Rébecca dévoile, entre autres, la mystérieuse sagesse de Dieu qui connaît la destinée de chaque personne humaine, dès avant sa naissance (Gn 25.19-26). L’enfant est une personne humaine dont la vie est protégée, au même titre que celle des adultes, par l’interdit divin du meurtre. Ainsi l’exprime le livre de la Genèse : « Si quelqu’un verse le sang de l’homme, son sang sera versé par l’homme, car Dieu a fait l’homme à son image. » (Gn 9.6) Les sages-femmes égyptiennes qui avaient la crainte de Dieu refusèrent d’obéir dans le même sens aux ordres machiavéliques du Pharaon qui avait ordonné de commettre des infanticides à l’égard des nouveau-nés hébreux de sexe masculin. Le narrateur souligne : « Dieu fit du bien aux sage-femmes […] parce que les sages-femmes avaient eu la crainte de Dieu, Dieu fit prospérer leur famille. » (Ex 1.20-21)

Né pécheur en Adam, l’enfant n’est pas exempt de la corruption du péché(11) (Ps 51.7). Henri Blocher rappelle à juste titre que même les enfants de croyants ne sont pas exempts du péché originel :

« La Bible ne considère pas que les enfants des fidèles soient exemptés de ce péché originel ou qu’ils soient régénérés du fait de leur filiation charnelle. […] Même des parents pieux dans l’alliance de Dieu n’engendrent pas des enfants qu’on puisse considérer comme régénérés, qui seraient épargnés par le jugement pesant sur tous les pécheurs(12). »

Dès l’enfance, la pensée de l’éternité est aussi inscrite dans le cœur de l’homme (Ec 3.11). L’enfant est capable de recevoir la Parole de Dieu même s’il est encore inexpérimenté comme le jeune Samuel (1 S 3), et il peut être touché par l’Esprit (même in utero, comme Jean-Baptiste(13)) et cheminer avec foi vers le royaume de Dieu. Jésus n’a-t-il pas rappelé à ses disciples que le royaume de Dieu n’est pas qu’une affaire d’adultes, mais qu’il est aussi offert aux enfants qui viennent à lui ? (Mc 10.13ss).

L’Écriture, nous le voyons, ne considère jamais l’enfant comme un simple balbutiement d’existence. Elle atteste clairement sa réelle et entière humanité. Elle n’attend pas qu’il soit adulte pour le regarder et le traiter comme une personne à part entière. Pour autant, elle n’ignore pas que cette personne se développe tout au long des différentes phases de sa vie. C’est la seconde thèse qu’il nous faut tenir avec la première.

c. L’enfant, une personne en développement : l’absence d’autonomie individuelle et de discernement moral

Qu’est-ce qui distingue qualitativement l’enfant de l’adulte dans une perspective biblique ? Selon Henri Blocher : « Pour la conception biblique, l’enfant se caractérise par un stade encore germinal de la vie personnelle. La formule clé, c’est qu’il ne discerne pas le bien et le mal. Il ne les connaît pas, par opposition à l’adulte(14) (Dt 1.39 ; cf. Es 7.15s) ».

La condition de l’enfant est marquée par une grande dépendance à ses parents. Il est placé sous leur responsabilité civile et religieuse. Sa subsistance, son éducation, ses interactions sociales sont étroitement liées à la vie de ses parents, jusque dans la pratique de la spiritualité. C’est qu’il y a, « de génération en génération », un lien de solidarité qui unit l’enfant à ses parents, à sa famille, et l’Écriture elle-même le valorise (cf. Ex 20.5).

Henri Blocher, à propos de cette réalité d’une solidarité familiale écrit :

« Le croyant se présente devant Dieu avec ses enfants qui sont comme ses satellites, son prolongement, l’extension de son être ; ils sont sous sa responsabilité. […] Un enfant de parents croyants participe tout à fait normalement à l’expression de la foi familiale. C’est la foi familiale, c’est la foi commune, et dans la mesure où l’enfant n’est pas encore lui-même individuellement, parce que sa personne individuelle n’a pas encore émergé, ne s’est pas encore constituée avec ses moyens de fonctionnement, dans la mesure donc où son existence est familiale, il est normal qu’il exprime la foi de la famille. […] La considération vaut d’une façon évolutive, parce que la constitution, l’émergence de l’individualité se fait au fil des ans ; la part d’appartenance à l’unité familiale décroît progressivement et la part d’affirmation individuelle croît de manière corrélative(15). »

L’exemple même du Seigneur Jésus est à ce titre instructif. Ce n’est pas sous les traits d’un adulte en miniature (comme aiment à le représenter certains tableaux) que l’Écriture nous dépeint le Seigneur. Luc souligne à plusieurs reprises le fait que l’enfant Jésus grandissait en stature et en sagesse : « Or l’enfant grandissait et se fortifiait. Il était rempli de sagesse et la grâce de Dieu était sur lui. » (Mention faite aussi à propos de Jean-Baptiste en Luc 1.80 et qui reviendra en Luc 2.52 au sujet de Jésus). On peut remarquer que ce développement de l’enfant Jésus est accompagné, à chaque étape, de « rites religieux » accompagnant sa socialisation, son développement et son cheminement religieux. Ainsi Luc nous rapporte le rite de circoncision suivi du don du nom, intervenant au huitième jour après la naissance de Jésus (Lc 2.21). Par ce rite, l’enfant Jésus est inscrit dans le cadre de l’alliance abrahamique et reçoit son nom (qui signifie « sauveur »). Celui-ci, comme souvent dans la Bible, est déjà évocateur du rôle qu’il va tenir dans l’histoire de notre rédemption, de sa personne et de son œuvre.

Puis en Luc 2.22 nous est rapporté un autre moment de la vie de l’enfant Jésus, celui de sa présentation au temple, environ quarante jours après sa naissance. Et c’est bien le petit enfant Jésus que Siméon prend dans ses bras, et présente au Seigneur en signe de consécration et à propos duquel la prophétesse Anne loue Dieu (cf. Ex 13.2 ; Nb 3.12). Cette étape de la toute petite enfance du Seigneur fait ressortir le statut de dépendance de l’enfant Jésus et la responsabilité de l’éducation qui incombe à ses parents, appelés à remplir leurs « devoirs » religieux.

Les années passent, et le petit enfant s’autonomise, comme nous le voyons en Luc 2.41-52 qui nous rapporte la présence de Jésus à douze ans au temple. Dans cet épisode, Jésus est capable de décider de rester à Jérusalem sans prévenir ses parents, puis affirmer la conscience qu’il a de sa responsabilité à s’occuper d’abord des affaires de son père. Cependant, cette prise d’autonomie est encore relative puisque Luc souligne : « Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth et il leur était soumis. » (Lc 2.51) Cette soumission implique que Jésus a dû observer le cinquième commandement qui prescrit aux enfants d’honorer leurs parents et de leur obéir. Il est donc retourné avec ses parents, en attendant d’être l’adulte que l’Écriture nous dépeint, libre de la tutelle de ses parents terrestres, pleinement conscient de son identité singulière (le recours à l’expression « je suis » dans les évangiles en est un indicateur), libre des conventions et des représentations messianiques de son temps, pleinement responsable des orientations de sa vie, de son temps, de ses priorités, quitte à bousculer les prétentions du groupe familial à le contrôler.

Mais, même adulte, Jésus se positionne volontairement comme Fils, dans son rapport filial au Père. En tant que Fils de Dieu, nous le voyons entièrement dépendant et volontairement soumis à la volonté de son Père. L’auteur de l’épître aux Hébreux aura cette phrase remarquable : « Il a appris, bien qu’il fût Fils, l’obéissance par les choses qu’il a souffertes. » (Hé 5.8) L’auteur de l’épître aux Hébreux médite ici sur l’humilité de celui qui, bien que Fils de Dieu, au-dessus des anges, s’est volontairement soumis au Père, en manifestant une entière obéissance, en dépit de la souffrance qu’il a dû endurer pour accomplir le salut de ses frères.

d. Éclairages de la psychologie du développement de l’enfant

L’apport des sciences humaines, et en particulier les travaux du psychologue Jean Piaget (1896-1980) au cours du 20ème siècle ont fourni les bases de la psychologie du développement de l’enfant. Nous savons que Piaget s’est beaucoup intéressé à la genèse de l’intelligence chez l’enfant. Il est le père d’une théorie du développement mettant en évidence six stades au cours desquels l’enfant passe d’une intelligence sensori-motrice (stade réflexe) à une intelligence plus élaborée, capable d’abstraction (stade des opérations intellectuelles abstraites)(16).

  • La période du nourrisson (de 0 à 2 ans) antérieure à l’acquisition du langage est caractérisée par les trois premiers stades suivants :

1. le stade des réflexes, ou montages héréditaires, ainsi que des premières tendances instinctives (nutritions) et des premières émotions ;

2. le stade des premières habitudes motrices et des premières perceptions organisées, ainsi que des premiers sentiments différenciés ;

3. le stade de l’intelligence sensori-motrice ou pratique : c’est une intelligence toute pratique qui porte sur la manipulation des objets et qui n’utilise, à la place des mots et des concepts, que des perceptions et des mouvements organisés en « schèmes d’action ».

  • La période de la « petite enfance » (2 à 7 ans) :

4. le stade de l’intelligence intuitive, des sentiments interindividuels spontanés et des rapports sociaux de soumission à l’adulte.

  • La période de l’enfance (de 7 à 12 ans) :

5. le stade des opérations intellectuelles concrètes (début de la logique), et des sentiments moraux et sociaux de coopération.

  • La période de l’adolescence :

6. le stade des opérations intellectuelles abstraites, de la formation de la personnalité et de l’insertion affective et intellectuelle dans la société des adultes (adolescence).

Olivier Houde synthétise ainsi la théorie piagétienne :

« Piaget propose une théorie intermédiaire, dite "constructiviste” : les structures intellectuelles, c’est-à-dire nos pensées, nos opérations mentales, ont une genèse qui leur est propre (l’ontogenèse cognitive). De la naissance à l’âge adulte, elles se construisent progressivement, stade après stade (comme on monte les marches d’un escalier), dans le cadre de l’interaction de l’individu et son environnement. […] Dans cette interaction, ce qui est essentiel pour Piaget, c’est l’action de l’enfant sur les objets qui l’entourent (exploration, manipulation et expérimentation), conception opposée à l’idée d’un apprentissage passif (association et habitude) propre à l’empirisme(17). »

Dans le même sillage, le psychologue Henri Wallon (1879-1962) collègue de Piaget, a également élaboré une théorie du développement de l’enfant en termes de stades. Un premier découpage général propose les stades suivants : impulsif (0-6 mois), émotionnel (3-10 mois), sensori-moteur (10-18 mois), projectif (18 mois-3 ans), du personnalisme (3-6 ans), catégoriel (6-11 ans) et de l’adolescence. Un second découpage, en six étapes, concerne les stades de sociabilité. En résumé, Wallon a formulé une conception du développement affectif et social dont l’idée majeure est que c’est par les interactions avec ses différents milieux que se construit la personne de l’enfant. Autrement dit, la connaissance de soi est inséparable de la connaissance d’autrui. La totale dépendance du petit d’homme vis-à-vis de l’adulte renforce la confusion initiale moi-autrui, et c’est au cours des trois premières années de sa vie que l’enfant apprendra peu à peu à faire la distinction entre ce qui lui est propre et ce qui revient à l’autre. Dans le même temps, l’évolution de la sociabilité rend compte de la nature des échanges avec autrui. C’est cette évolution que Wallon a décrite en termes de stades qui marquent le passage de la symbiose à la différenciation en passant par le syncrétisme indifférencié puis différencié et le stade des personnalités interchangeables. Grâce à Wallon, des conduites comme l’émotion, l’imitation, la jalousie, traditionnellement connotées de façon négative, retrouvent un statut adaptatif et s’avèrent jouer un rôle constructif dans l’évolution de la personnalité de l’enfant(18).

Toutefois, au regard des données actuelles, ces théories doivent être questionnées. Olivier Houde estime que la théorie piagétienne (linéaire et cumulative), ne permet pas de rendre précisément compte de la complexité du développement de l’intelligence chez l’enfant. D’une part, il existe déjà chez le bébé des capacités cognitives assez complexes ignorées par Piaget et non réductibles à une fonction strictement sensori-motrice ; d’autre part, la suite du développement de l’intelligence – jusqu’à l’âge adulte compris – est jalonnée d’erreurs, de biais perceptifs, de décalages inattendus et d’apparentes régressions cognitives. Plutôt que de suivre un modèle en escalier qui mène du sensori-moteur à l’abstrait, « l’intelligence avance de façon tout à fait biscornue(19) ! »

Le développement de l’imagerie cérébrale(20) et son rôle dans l’étude des réseaux neuronaux qui sous-tendent les fonctions cognitives permet aujourd’hui de mettre en évidence l’activité intellectuelle des nourrissons dès la vie intra-utérine. Aujourd’hui on sait par exemple que le fœtus entend (autour de la 35ème semaine de gestation) et est capable, après la naissance, de discriminer des sons perçus au cours de la vie intra-utérine. Des expériences scientifiques ont pu établir que les nourrissons, très précocement (vers 2 mois) activent dans leur hémisphère droit la même région du cerveau que celle connue chez l’adulte pour la perception des visages. En outre, ils activent des régions de l’hémisphère gauche qui, chez l’adulte, sont associées au langage (le langage articulé ne survenant chez l’enfant que vers 2 ans) ce qui démontre que le développement cognitif repose très précocement sur l’activation fonctionnelle de régions cérébrales interconnectées alors même que ces régions n’ont pas encore atteint leur pleine maturation.

Lorsque Wallon parle de symbiose physiologique, il réduit les manifestations expressives de l’enfant à sa seule sensibilité organique. Or, aujourd’hui on ne peut plus considérer que les trois premiers mois de la vie sont privés d’une dimension psychologique et affective ni que le bébé n’a aucune conscience de lui en raison de sa dépendance fusionnelle à l’adulte qui prend soin de lui :

« Le bébé ne naît pas dans un état de confusion entre ce qui relève de lui et ce qui relève du monde qui l’entoure. Dès les premiers jours, il a un sens implicite de son propre corps, qu’il vit et meut comme une entité active, organisée et différenciée des choses dans l’environnement(21). »

e. Conclusion

L’enfant est une personne humaine unique, douée de la conscience de soi et appelée par son créateur à choisir la vie. Les différentes théories formulées comme autant de tentatives de compréhension du développement de l’enfant éclairent sous des jours différents, opposés et/ou complémentaires, la complexité de la personne humaine. Elles nous aident à mieux accéder à la compréhension du développement cognitif et psycho-affectif de l’enfant comme personne humaine unique, douée de la conscience de soi. Celle-ci émerge et se développe à travers les différentes interactions qui relient l’enfant à son environnement social.
En attendant le mûrissement de la conscience qu’il a de lui-même et sa capacité à choisir de manière relativement autonome et distinguer le mal du bien, l’enfant n’est cependant pas incapable de saisir Dieu. Il a une spiritualité certes dépendante de celle de ses parents, mais elle est présente et importante(22).

2. Outil/modèle : l’échelle de Westerhoff

Au terme d’une étude sur la spiritualité de l’enfant, Nathalie Perrot conclut par deux certitudes qui, nous semble-t-il, doivent être maintenues ensemble et en tension. La première, c’est que « le développement de la foi de l’enfant est un processus complexe sur lequel de multiples facteurs peuvent avoir une influence ». Pas de simplifications outrancières ou d’idéalisation, donc. La deuxième : « un attrait naturel pour le spirituel se trouve au fond de chaque enfant(23) ». Pas de minimisation de l’expérience de foi de l’enfant(24).

L’échelle de Westerhoff est un outil qui permet à notre sens de tenir ensemble ces deux affirmations. Celle-ci, développée par un professeur de théologie et d’éducation religieuse du même nom, distingue quatre stades dans le développement spirituel de l’enfant à l’adulte(25).

  1. La première étape est la foi « d’expérience » ou foi « induite ». Ce stade est marqué par l’imitation de la foi des parents et par une acceptation totale des croyances de la famille. L’enfant y expérimente tout de même la relation à Dieu.

  2. Le deuxième stade, celui de la foi « grégaire » ou « d’affiliation », est marqué par le sentiment d’appartenance et par l’identification à la foi du groupe d’amis de l’adolescent (ce stade ne correspond donc déjà̀ plus tout à fait à celui de l’enfance).

  3. Grandit ensuite la foi dite « en recherche » au cours de laquelle l’individu confrontera sa foi à d’autres systèmes de pensée.

  4. Et enfin la foi « personnelle », aboutissement du processus marqué par l’appropriation personnelle de la foi ainsi que par la capacité́ à s’affirmer face au groupe, voire contre, s’il le faut.

Pour Westerhoff, la conversion – comprise comme appropriation personnelle de la foi –, intervient donc entre les stades de la foi « en recherche » et de la foi « personnelle ». Elle nécessite des aptitudes d’adulte, comme la capacité à prendre des décisions (qui peut cependant se manifester bien avant l’âge adulte). Pour autant, la foi vécue aux deux premiers stades (foi « induite » et foi « grégaire ») n’est pas négligée. « À chaque stade correspond une foi pleine et entière, bien qu’elle soit vécue différemment(26). » Cette vérité́ se fonde sur le regard de Jésus qui reconnaît une foi authentique dans la louange des enfants (Mt 21.15s ; voir aussi Mt 18.6) et invite à ne pas les empêcher de venir à lui (Mt 19.14 et par.).

L’échelle de Westerhoff permet en tout cas de comprendre que le développement de la foi chez l’enfant issu d’une famille chrétienne sera donc un processus au long cours, et qu’ainsi le discernement de sa conversion se fera davantage par la recherche du stade où se situe l’enfant plutôt que par l’identification d’un radical « avant/après » dans sa vie.

Dans le maintien de la tension précédemment évoquée, il s’agira donc pour l’Église de mettre en valeur la foi réelle de l’enfant, lorsqu’elle existe, et quel que soit son stade de développement, tout en évitant la confusion entre foi personnelle, foi induite ou grégaire. En conseil ou en Église, on se demandera notamment quel stade de développement de la foi est attendu pour la participation à tel ou tel moment cultuel (voir plus bas).

Excursus : Comment Dieu appelle ? Une « typologie » biblique des conversions

Dans la Bible, il n’y a pas d’uniformité en la matière, on constate même une grande diversité. En étant un peu schématique, il est possible de regrouper les diverses expériences d’appel en trois grands types, reprenant trois grandes figures du Nouveau Testament : Paul, Pierre et Timothée.

L’apôtre Paul : le changement radical

C’est l’appel, la conversion la plus spectaculaire, mais sans doute aussi la plus rare statistiquement ! Souvenez-vous comment, sur le chemin de Damas, Dieu se révèle à Paul, ou plutôt à Saul, le persécuteur des chrétiens, dans une lumière éclatante qui le rendit aveugle pendant trois jours (Actes 9). Saul comprend alors qui est Jésus et se met aussitôt à le servir. Dans le cas de Paul, on pourrait faire comme dans certaines publicités « avant »/«  après » et ce serait flagrant !

Rappelons tout de même que malgré cette fulgurance, plusieurs années lui seront cependant nécessaires pour mettre en adéquation son « chemin de Damas » et sa pensée théologique. Si sa vie bascule en un éclair (dans les deux sens du terme), il a besoin d’un certain temps pour se construire une nouvelle façon de penser et d’être. Il y a débat sur le temps qui s’est écoulé entre cette conversion et son retour à Jérusalem d’où il commence ses voyages, mais sans doute au moins trois ans où il est allé en Arabie puis à Damas.

Qu’est-ce que Paul a fait pendant ces années passées en Arabie ? Certains ont dit qu’il évangélisa. Peut-être. John Stott, dans son commentaire sur l’épître de Paul aux Galates, avance de manière intéressante que Paul y médita les Écritures et son expérience de conversion. Et bien sûr, ces trois ans de Paul font penser aux trois ans d’enseignement que Jésus donna à ses disciples. Un temps de structuration de son message, pour aller au-delà de l’émotionnel de son expérience.

Mais la conversion de Paul, son appel n’est pas le seul modèle proposé dans les Écritures.

Pierre : le feu ranimé

L’engagement de Pierre correspond à une accélération d’un processus déjà présent. Ce juif pieux, qui avait sans doute connu et suivi Jean Baptiste avec son frère André, ne connaît pas encore Jésus comme le Christ lorsque son frère André lui dit avoir trouvé le Messie. Il le conduit alors à lui et Jésus appelle Pierre avec ces mots : « Suis-moi et ce sont des êtres humains que tu pécheras. » (Matthieu 4.19 et Jean 1.40ss) Cet appel n’est pas une transformation radicale, mais la confirmation d’une foi déjà présente. Quand des braises couvent sous les cendres, il suffit de jeter un fagot et de souffler pour que le feu soit ravivé. Ainsi de nombreuses personnes ont fait un premier pas vers Dieu dans l’enfance puis le feu semble s’éteindre.

Un jour, un événement, une rencontre, une épreuve les ramènent à lui. L’Esprit souffle alors sur la foi déjà présente dans leur vie et les conduit à de nouveaux engagements. Notons combien Paul et Pierre auront certaines difficultés à se comprendre plus tard, avec leurs expériences d’appel si différentes.

Timothée : la continuité

Notre cher Timothée aurait sûrement du mal à préciser la date anniversaire de sa conversion ou de son appel ! En effet c’est sa grand-mère Loïs puis sa mère Eunice qui lui ont transmis la foi, la foi au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (2 Tm 1.5). Il a toujours baigné dans cet environnement. Il ratifie cette foi par un engagement concret, lorsqu’il suit l’apôtre Paul. Mais sa foi, son engagement pour Dieu sont la continuation de ce qu’il a toujours entendu. Peut-être le jeune Timothée se sent-il complexé par rapport à la conversion de Paul… L’un a été conduit à la foi et à l’engagement grâce au témoignage fidèle de sa famille tandis que l’autre a dû être désarçonné par Dieu, rendu aveugle. Mais malgré l’absence d’appel fracassant, brutal et radical de changement de vie, Timothée est bien lui aussi un « vrai chrétien », appelé par le Christ à le suivre.

Paul, Pierre, Timothée : trois manières différentes de se savoir appelé. Peu importe la façon dont cet appel a eu lieu. Aucune forme n’est meilleure qu’une autre, c’est la direction vers laquelle ils marchent qui compte…
Et pourtant, quelles formes de témoignage valorisons-nous dans nos Églises ? Nous réjouissons-nous assez pour la vie de foi de Timothée ou ne mettons-nous pas en valeur trop souvent, seulement, que les expériences « à la Paul » ? Les jours de baptême, insistons-nous surtout sur le témoignage de vie, le vécu (conformés souvent au témoignage des « Paul ») ou sur la profession de foi (avec laquelle un « Timothée » sans vécu avant/après sera à l’aise) ?

3. Une taxonomie historique dans les Églises baptistes

Les Églises baptistes n’ont jamais réellement considéré la relation des enfants de croyants à l’Église de façon uniforme. Comme le remarque Thomas Halbrooks dans un survol historique très instructif(27), les baptistes ont, à travers les périodes et de façon plus ou moins chronologique, considéré ces enfants soit comme 1) non-membres ; 2) « prospects » (client potentiel) ; 3) disciples potentiels ou 4) participants en voie de maturation.

Dès l’origine, la question épineuse de la destinée éternelle des enfants décédés en bas âge animait les débats. Les positions arminiennes des General Baptists, et calvinistes des Particular Baptists (en Angleterre)(28)  s’affrontaient déjà sur la question. Mais au-delà des considérations sotériologiques, le statut de ces enfants dans l’Église n’était pas résolu ni, semble-t-il, véritablement pensé. Chacune des parties protégeait la notion de membre de l’Église pour les seuls régénérés (on baptisait généralement vers vingt-et-un ans au plus tôt), sans apparemment expliciter de lien structurel entre les enfants de croyants et l’Église.

Les choses ont changé petit à petit avec l’émergence de l’école du dimanche en 1816. Les baptistes commencèrent dès lors à penser l’instruction religieuse de leurs enfants au sein de l’Église, mais en faisant très attention de ne pas encourager des professions de foi prématurées. Or, si au début les enfants n’étaient pas autorisés à professer leur foi et devenir membres, assez rapidement, certains le furent néanmoins et devinrent membres. Comme par effet de jurisprudence, la porte était ouverte pour que la pratique évolue dans ce domaine.

Au sein du Revivalisme baptiste (cf. Charles Finney et al.), on proposa que les enfants devraient certainement être considérés comme moralement responsables devant Dieu plus tôt que ce que l’on pensait jusqu’alors. Ils pouvaient donc assez jeunes être considérés comme de véritables « prospects » (client potentiel) pour la conversion et la participation à l’Église en tant que membre. Le regard sur l’enfant non encore converti était tranchant : « On ne doit pas s’adresser aux enfants comme à des croyants, mais comme à ceux qui doivent le devenir », selon John Broadus. Dans l’enseignement de l’école du dimanche, l’emphase était clairement mise sur l’évangélisation, dans l’espoir d’une conversion, avec les abus évidents que ces pratiques pouvaient engendrer (tentation de faire du chiffre, notamment). À partir de là, l’âge de la conversion et du baptême commença à descendre drastiquement, jusqu’à ce que dans les années 1960, chez les Southern Baptists américains, l’âge normatif pour une telle expérience soit entre 6 et 8 ans.

Sous l’influence des sciences humaines (notamment de la psychologie), les Églises baptistes étasuniennes commencèrent à réévaluer leur approche de l’enfant dans l’Église. On commença à moins placer l’emphase sur la conversion et l’entrée dans l’Église que sur la capacité ou non des enfants à s’engager dans la foi. En considérant les enfants comme « des disciples potentiels », la conversion fut élevée au statut d’engagement total au Christ. Celle-ci pouvait être vécue graduellement ou à un moment plus précis, mais nécessitait toujours la décision de devenir disciple de Jésus. Or, selon cette approche, une telle décision ne peut avoir lieu qu’à partir du moment où la personne est capable de comprendre des idées abstraites, de penser indépendamment de ses parents, qu’elle possède une certaine maturité sociale, etc. (env. 13-15 ans). Certes, avant la conversion l’enfant doit bien être nourri/enseigné dans l’Église comme un disciple potentiel, mais toujours avec en ligne de mire sa conversion.

Finalement, une approche plus récente (l’article de Halbrooks date de 1983) est de considérer les enfants comme des « participants en maturation » dans l’Église. Cette approche déplace l’emphase de la conversion vers l’enseignement ou l’édification des enfants dans le cadre de l’Église. Ceux-ci ne doivent plus être considérés comme extérieurs à l’Église avant leur conversion, mais reliés à l’Église comme les catéchumènes pouvaient l’être dans l’Église primitive. Ils sont donc inclus comme participants dans la communauté, étant instruits, nourris dans la foi, pour devenir membres à part entière lors de leur profession de foi/baptême. Un lien spirituel profond unit donc déjà les enfants de croyants à l’Église avant même un engagement public par les eaux du baptême. C’est la position de théologiens tels Dale Moody et G. R. Beasley-Murray(29), mais surtout de William E. Hull, qui proposa un « plan » liant l’enfant à l’Église en trois stades(30) :

  • Petite enfance : l’Église appuie l’idée d’un héritage religieux, avec par exemple un acte de présentation de l’enfant, considéré comme « saint de par sa solidarité avec son foyer chrétien » ;
  • Enfance : l’Église donne aux enfants l’opportunité d’affirmer leur héritage et leur engagement dans la foi ;
  • Adolescence : l’Église offre au jeune plus de responsabilités en son sein et l’aide à développer son autonomie.

Pour Hull, le baptême et l’accession au rôle de membre peuvent intervenir entre 9 et 12 ans. Il semble donc que sa perspective sur les enfants de croyants (moins à évangéliser qu’à édifier dans le cadre de l’Église) élève leur statut tout en abaissant (pour eux seulement ?) le niveau d’exigence de la conversion et du baptême. Sur ce point, l’échelle de Westerhoff est probablement plus aidante dans son explicitation d’une progression de la foi de l’enfant, sans nier non plus à l’enfant une foi véritable et authentique avant sa conversion et son baptême.

C. Perspective théologique : quels avantages pour les enfants de chrétiens grandissant dans l’Église ?

Dans notre ecclésiologie professante, nous affirmons que ceux qui font profession de leur foi sont membres de l’Église(31). Comme nous l’avons vu, l’enfant, par son irresponsabilité et son incapacité au discernement, est dans une position qui ne lui permet pas de faire profession de foi. Dès lors, nous avons constaté, dans le dossier historique, combien leur place dans l’Église fut source de débat et de circonvolutions. Il est effectivement difficile de ne considérer les enfants que comme de simples « non-chrétiens ». Leur présence dans l’Église, dès leur plus jeune âge, ainsi que leurs liens familiaux (leur parenté croyante) font d’eux une catégorie à part, à « traiter » distinctement. Qualitativement, ces enfants ne sont pas « comme » des enfants de non-croyants ni comme des adultes non-croyants d’ailleurs. Ont-ils pourtant des « avantages » vis-à-vis des autres, et comment les exprimer théologiquement ?

L’enfant, rappelons-le, est pleinement une personne, capable de spiritualité. En cela, il a déjà une place dans la communauté des croyants. Cependant, il est aussi une personne en développement, développement qu’il faut accompagner vers la maturité dans la foi, élever en responsabilité pour qu’il professe un jour sa foi propre.

1. Un « déjà » : le cadre de solidarité

a. Solidarité familiale

Lorsqu’il est question du statut de l’enfant d’un croyant, il est impossible de faire l’impasse sur l’argumentaire de Paul en 1 Corinthiens 7.14 :

« Car le mari non croyant est consacré par la femme, et la femme non croyante est consacrée par le frère ; autrement, vos enfants seraient impurs ; or ils sont saints. »

Comment comprendre ce que Paul veut dire en utilisant les mots hagiazo (sanctifier/consacrer) et surtout hagios (saint) dans ce verset ?

D’habitude, Paul utilise cet adjectif pour parler des frères et sœurs chrétiens qui ont accueilli le Christ comme sauveur et Seigneur. Dès lors, certains y ont vu une allusion aux conversions de maisonnée qui sous-entendent que l’enfant aurait déjà ce statut de chrétien. Mais notons que cela s’accorde moins à ce qui est dit du mari qui, lui, est clairement qualifié de non-croyant (apistos).

D’autres voient, dans ce terme de sainteté, la notion de légitimité. Selon les rabbins juifs, le mariage avec un incroyant n’est pas valable. Cela permettait, lors d’un retour à l’alliance, de rompre les mariages avec les conjoints païens (Esd 10.17 ; Né 13.23-27). En le qualifiant de saint, Paul affirme que le mariage avec des païens est totalement valable (comment pourrait-il être autrement pour l’apôtre des païens ?). Pour défendre ce sens, la bible du Semeur décide de traduire ce terme par « légitime ». Ainsi, en rappelant que les enfants sont légitimes, il affirme que le mariage est légitime et qu’il ne doit donc pas être rompu pour ce prétexte.

Calvin s’oppose à cette compréhension(32). Pour lui, « [Paul] enseigne que les enfants sont séparés des autres par une manière prérogative : en sorte qu’ils sont réputés saints dans l’Église(33) ».

Remarquons, avec Calvin, que le sens premier de saint est « mis à part ». Il en était bien ainsi du peuple dans l’ancienne alliance. L’annonce de leur mise à part (sainteté) était accompagnée d’une injonction à se comporter conformément à ce statut (« soyez saints ! » Lv 19.2). Dans la nouvelle alliance, la même exhortation demeure (1 P 1.16). Cette mise à part n’était pas une garantie de foi ni de salut, mais une vocation. Sans trancher cette question exégétique ici, nous pourrions éventuellement suivre Calvin jusque-là.

Cependant, le baptisme s’est écarté de la théologie de l’alliance réfutant que, par privilège vocationnel, « la malédiction de la nature est effacée : tellement que ceux qui étaient profanes de nature sont consacrés à Dieu par grâce(34). » Nous ne suivons donc pas Calvin lorsqu’il en conclut :

« Or, si les enfants des fidèles sont exemptés de la condition commune du genre humain, pour être consacrés au Seigneur, pourquoi leur dénierons-nous le signe(35) » (le baptême).

Notons aussi que la sainteté du peuple était liée à la présence de Dieu. C’est aussi parce que Dieu s’est choisi un peuple qui lui appartient pour se manifester que celui-ci est qualifié de saint. Ainsi, la sainteté correspond aussi à un environnement habité par Dieu lui-même. Comme sa présence rendait les abords du buisson ardent saints, sa présence manifeste au milieu du campement rendait de la même manière le campement saint. Ainsi, cette réalité perdure avec le peuple. C’est cette notion de la sainteté que la bible « Nouvelle Français Courant » (NFC) rend par la traduction « proche de Dieu » dans ce verset.

Nous pouvons de cette manière entendre que la sainteté du peuple est non seulement vocationnelle, mais aussi « environnementale ». Et nous pourrions dès lors assumer que ces deux aspects se retrouvent dans un environnement familial dont un membre appartient à Dieu(36).

Ainsi, si les enfants sont déjà saints, comme le peuple, ils le sont par prédisposition vocationnelle et par leur environnement familial. Cadre que Paul appelle justement à ne pas rompre en éclatant la famille. Ils appartiennent à une structure solidaire habitée par un chrétien qui appartient à Dieu et qui manifeste sa présence.

Tout en adhérant à l’interprétation de la légitimité, Henri Blocher rappelle que, dans les Écritures, Dieu tient compte des liens familiaux qui font de la famille une communauté. L’enfant, dans l’âge du non-discernement (dans son irresponsabilité), compte tenu de l’importance du lien charnel aux yeux de Dieu, est solidaire spirituellement de sa famille. Il fait sienne la foi commune de la famille puisqu’il n’est pas autonome et qu’il est lié à sa famille. « [La foi] n’est pas forcément sienne individuellement, car son individualité n’est pas émergée, mais elle est la foi de la famille dont il est(37). »

Pour lui, par exemple, les baptêmes de maisonnées « ne nous montrent personne venant au salut sans une foi personnelle, mais ils décrivent une bienfaisante contagion, et de la grâce et de la foi ; l’Esprit a fait jouer pour le salut la solidarité des petites communautés domestiques » (voir également 2 Timothée 1.5). Et si cette « bienfaisante contagion » ne garantit en rien la conversion à venir des enfants de croyants, elle la rend néanmoins assez « naturelle », dans le sens où l’on peut s’y attendre.

b. Solidarité ecclésiale

Cette solidarité familiale conduit aussi à une solidarité ecclésiale. C’est par sa présence dans une famille pratiquante que l’enfant s’attache déjà à l’Église et vit déjà une vie ecclésiale. L’enfant appartient à une famille et, par transfert légitime, « l’Église de ses parents est la sienne comme la maison de ses parents est la sienne(38) ». Elle ne l’est pas en propre, mais par appartenance à une structure sociale solidaire. Par ce fait, tant qu’il est dans cette position de dépendance à sa famille, l’enfant est solidaire de l’Église. Qu’il appartienne ou non à l’Église, c’est « son » Église !

Dans le Nouveau Testament, la présence des enfants dans l’Église est indiscutable. Les « tables domestiques » (codes de lois pour les maisonnées) des épîtres en sont le témoin le plus incontestable. Paul et Pierre s’adressent directement à eux dans une lettre qui est lue à l’Église. Ils sont donc présents dans les rassemblements et participent à la vie communautaire jusque dans l’enseignement. L’accueil des enfants par Jésus, même s’il sert d’exemple pour les disciples, n’en reste pas moins un accueil présent des enfants par Jésus, qu’il bénit déjà !

Même empreinte de mimétisme, la foi des enfants ne doit pas être raillée (cf. l’échelle de Westerhoff, supra). L’enfant vit déjà, dans ce cadre qui est le sien, les éléments d’une piété communautaire pratiquée sincèrement et sans hypocrisie(39) avec la foi qui est la sienne, même induite.

c. Au bénéfice des promesses ?

Dans l’ancienne alliance, les enfants sont les bénéficiaires de l’alliance conclue par Dieu avec leurs pères. Cependant, à plusieurs reprises, les prophètes mettent en garde contre la fausse sécurité que cela pouvait procurer pour certains (Ez 13.8 ; Am 5.18 ; Mi 2.7 ; So 1.4 ; Jl 1.14-15, etc.). Ils insistent sur l’aspect conditionnel parfois implicite (2 S 7) que la promesse de Dieu revêtait : « si tu restes fidèle à mon alliance », et prêchent un retour à l’Éternel. Dernier représentant de ces prophètes, Jean-Baptiste, le précurseur de la nouvelle alliance le rappelle :

« Produisez donc un fruit digne du changement radical ; et ne pensez pas pouvoir dire : "Nous avons Abraham pour père !" Car je vous dis que de ces pierres Dieu peut susciter des enfants à Abraham. » (Mt 3.8-9)

Il ne s’agit donc pas d’appartenir au peuple des promesses pour en être les bénéficiaires, il faut encore manifester une conversion, une orientation intime du croyant vers Dieu qui se manifeste dans toute sa vie.

Dans la nouvelle alliance aussi, une promesse est faite aux enfants, aux générations futures :

« Pierre leur dit : Changez radicalement ; que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don de l’Esprit saint. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur, notre Dieu, les appellera. » (Ac 2.38-39)

Toutefois, là encore, une condition est exprimée. Nous devons donc nous garder d’une idée « d’automatismes » dans la portée de cette promesse aux enfants de chrétiens. Cependant cette promesse est radicalement différente. Elle est dépendante de l’appel de Dieu. Dans une économie de la grâce, c’est l’appel du Seigneur qui est la condition d’appartenance à son peuple (et il pourrait même appeler des pierres). Mais l’appel et l’appartenance à une famille dont les responsables sont déjà au Christ ne sont pas antithétiques. Au contraire, comme le dit Henri Blocher :

« C’est parce que la grâce n’est pas l’antithèse de la nature, parce que le Rédempteur est aussi le Créateur, parce que la nouvelle création est aussi restauration, que Dieu se plaît à confirmer les grâces de cette vie dans l’économie de la vie éternelle(40). »

Il n’y a donc pas lieu d’opposer l’appel de Dieu qui adviendra selon son plan et son projet de faire naître, naturellement, cet appel dans le cadre d’une famille qui vit déjà dans les promesses du rédempteur.

d. Une place légitime

Ces différents cadres de solidarités permettent à l’enfant qui grandit en maturité de déjà vivre des éléments d’une foi authentique, déjà vivre une piété, déjà participer à l’Église.

Cela, non par anticipation, puisque nous ne pouvons garantir son choix à venir, mais déjà en vertu de sa dépendance qui le rend solidaire des siens. Son « irresponsabilité », qui ne lui permet pas de faire profession encore, le rend dépendant, et donc solidaire de la structure sociale dans laquelle Dieu l’a placé, d’abord sa famille, mais aussi « son » Église.

L’enfant est donc déjà membre d’un corps social par solidarité, mais pas encore par choix autonome. Il vit déjà une foi authentique, mais il n’est pas encore en capacité de faire profession de foi.

2. Un « pas encore » : un cadre de croissance

Le « pas encore » implique un cheminement qui reste à faire. Il faut « que la foi de l’enfant grandisse ». Pour cela, il doit encore grandir, devenir adulte, et donc responsable. Or c’est précisément le devoir des adultes qui ont la charge d’un enfant d’en faire un adulte autonome et responsable, « capable de discerner le bien et le mal ». Cet accompagnement dans la croissance s’appelle l’éducation. Ce cadre familial et ecclésial doit alors aussi être un cadre de croissance (éducatif) pour l’amener à la pleine maturité. L’objectif étant qu’il puisse assumer en autonomie son appartenance à l’Église en professant sa foi en Jésus Christ comme Seigneur et sauveur.

Si l’enfant pratique déjà sa foi, il s’agit de lui donner les clés pour comprendre ce qu’il vit déjà, tel Samuel orienté par Éli dans sa relation à Dieu pour se mettre à son service. Nous devons mener nos enfants à répondre à l’appel de notre Dieu, pour qu’à leur tour ils répondent : « Parle, ton serviteur écoute. »

Conscient que l’objectif est de mener à la profession de foi de l’enfant, l’environnement familial et ecclésial doit le conduire sur un chemin d’appropriation de la foi. Pour que, comme pour Jacob, le Dieu de son père (Gn 27.20) devienne son Dieu (Gn 28.21 et 33.20). Cela implique un processus éducationnel, une instruction qui permet de former à l’intelligibilité de la foi, en vue de dire la foi.

a. Cadre de cette transmission

Regardons, dès lors, comment l’Écriture décrit ce processus.

  • La transmission est d’abord médiatisée par la famille

Dans l’ancienne alliance, le peuple de Dieu est constamment appelé à transmettre à la génération suivante « l’œuvre de Dieu, les prodiges et ses lois » (Ps 78). C’est explicitement aux parents que l’ordre de « faire connaître » est donné pour chaque génération (Ps 78.5). Chacun doit témoigner à ses enfants de ce que Dieu a accompli devant eux (Ex 10.2). Le livre des Proverbes, écrit comme l’instruction d’un père à son fils, témoigne aussi d’un enseignement éthique lié à la piété dans le Dieu révélé dans la sphère familiale. Dès le don de la loi au Sinaï, le cadre de sa transmission est défini : elle devait être enseignée aux enfants. La confession de foi shema Israel est immédiatement suivie de l’ordonnance d’instructions aux enfants (Dt 6.7). La transmission de la foi dans le cadre familial est un impératif explicite de la loi (Ex 12.26-27 ; Ex 13.14), et les prophètes le rappellent (Jl 1.3 ; Es 38.19).

Dans le Nouveau Testament, il n’y a certes pas de rappel de ce type(41), mais on est en droit de penser que c’est un acquis qui demeure, comme une habitude maintenue dans la nouvelle alliance. L’exemple de Timothée (2 Tm 3.15) nous montre tous les avantages d’un homme « préparé » par l’instruction de sa mère et de sa grand-mère. Il « connaît » les Écritures et il est donc « équipé » pour son ministère grâce à cela. Si cela concerne essentiellement la transmission doctrinale, on est en droit de penser implicitement à l’exemple de la piété de sa grand-mère.

Dans le registre de la discipline ou de l’éthique, les tables domestiques montrent que les parents ont bien toujours ce rôle d’enseignant (Ep 6.4).

On remarque donc que la famille est le cadre privilégié de la transmission. L’enseignement et l’éducation sont d’abord le rôle des parents, responsables directs de l’enfant.

  • La transmission est aussi médiatisée par les rassemblements cultuels

Cependant, la participation des enfants à la vie religieuse est aussi indispensable. Dans l’ancienne alliance, elle est explicitement demandée. Les fêtes et les commémorations sont aussi l’occasion d’instruire la génération suivante (Ex 13.8).

Dans la nouvelle alliance, tout atteste que les enfants de tous âges sont présents lors des célébrations et au bénéfice du même enseignement. Les conversions de maisonnée en témoignent. Mais surtout, sachant que les épîtres étaient lues à toute l’Église qui se rassemblait pour écouter le lecteur, remarquons que Paul s’adresse aussi directement aux enfants pour leur rappeler leurs devoirs moraux (Ep 6.1-2). Cela démontre que les enfants étaient rassemblés avec les adultes et recevaient dans la même célébration, la même instruction.

  • Articulation Église – famille

Il y a donc une articulation entre les instructions parentale et ecclésiale que nous ne devons pas négliger. Il n’y a pas d’exclusivité absolue des rôles, mais complémentarité et parfois prédominance. Ces articulations seront développées par la suite. (cf. chapitre D). Il est à noter déjà que la distinction entre famille et Église pourrait être une question très contemporaine liée à notre culture qui distingue fortement nos sphères sociales…

Pour l’Ancien Testament, l’exposé de Ronald Bergey(42) est éclairant : « la famille se compose de ceux qu’unissent à la fois la communauté de sang et la communauté d’habitation(43). » Et pour ce qui concerne le monde gréco-romain, les familles « sont des unités sociales, domestiques compris, d’abord les serviteurs et les esclaves. Ce n’est pas le lien du sang qui forme ces unités de maison, mais plutôt un lien de type juridico-économique, social globalement. La mention de la maisonnée ne comprend pas d’accent particulier sur la filiation et sur le statut des petits enfants(44). » Donald Cobb le remarque également(45). La maisonnée de Corneille ou de Lydie inclut tout l’environnement social et pas seulement les quelques enfants de la maison.

De plus, Jésus nous apprend à nous considérer comme de la même famille si nous partageons la foi en son père. Les premiers chrétiens l’ont pleinement vécu allant jusqu’à vivre cette dimension en communauté de bien, formant par-là une unité sociologique similaire à la solidarité familiale.

La distinction que nous faisons entre les liens familiaux resserrés autour des parents et une Église institutionnalisée n’est donc pas une distinction si claire dans le Nouveau Testament et encore moins dans l’Ancien Testament où l’appartenance au peuple était, en premier lieu, une appartenance à une famille.

b. Un processus éducatif

Toutes ces données scripturaires indiquent que cette transmission couvre plusieurs domaines de la vie de foi (et non pas seulement la doctrine). Nous pouvons les regrouper en trois grands thèmes dont les contours demeurent poreux(46) :

  • La doctrine, connaissance objective de Dieu (y compris ses œuvres passées) ;
  • La piété et religiosité (la vie de prière, le culte personnel, etc.), exemple de vie ;
  • L’éthique, la discipline, l’instruction civique, ce qui relève de l’éducation.

S’il est utile de distinguer ces catégories dans la pratique, force est de constater que la Bible ne les sépare pas nettement. Les maximes ou les discours des Proverbes mêlent à la fois l’instruction spirituelle, religieuse, éthique et des conseils de réussite. Tous les aspects de la vie se mêlent pour aboutir à un tout cohérent qui a pour fondement la « crainte de l’Éternel » (reconnaître son autorité ; Pr 1.7). Dans le NT, l’enseignement apostolique n’est pas seulement doctrinal, mais couvre aussi la piété, la vie communautaire, l’éthique, etc.

Ainsi l’enseignement des enfants ne doit pas se limiter à certains aspects de la vie. La vie chrétienne est toute la vie. La transmission se vit dans un contexte où l’Évangile ensemence toute la vie. Mais il sera intéressant dans la pratique de voir comment l’Église et la famille peuvent collaborer dans chacun de ces domaines(47).

  • Enseignement ordinaire

L’auteur du livre des Proverbes décrit l’instruction ordinaire d’un père et d’une mère à son fils. C’est le mécanisme didactique ordinaire d’une éducation donnée dans le contexte familial classique commun à toute l’humanité. Cette transmission circule donc dans les canaux des structures sociales qui permettent aussi bien à l’humanité de faire du feu, des roues, et des fusées. Mécanisme par lequel un parent apprend à son enfant à faire la cuisine ou de la guitare. Les structures sociales s’organisent aussi dans la société séculière pour enseigner les mathématiques et la littérature à l’école. Ainsi en est-il de l’instruction de la foi : déjà vécue dans le cadre familial et aussi instituée et organisée dans le cadre de l’Église qui se soucie, avec les parents, de transmettre la foi aux enfants. Ainsi Dieu se plaît à habiter de sa grâce les structures qu’il a lui-même créées, la famille d’abord et l’Église.

  • Influence positive

Si les transmissions générationnelles se font par un processus didactique de l’enseignement, l’éducation se vit aussi par un processus d’influence plus ou moins positive que les parents ont sur leurs enfants.
Dès le quatrième chapitre de la Genèse, deux lignées distinctes sont décrites avec des influences différentes, celle de Caïn qui mène à toujours plus de violence, et celle de Seth qui honore Dieu.
L’histoire des patriarches nous montre l’influence que les parents ont sur leurs enfants. Malheureusement, dans une humanité déchue, nous voyons aussi que cette influence n’est pas toujours que positive.
Les gloses successives sur les rois qui suivent (ou non) l’exemple de leurs parents nous montrent un mécanisme d’influence générationnelle. Remarquons d’ailleurs que cette imitation n’est pas automatique, et qu’il est de la responsabilité du roi en question d’imiter le bon et de se désolidariser du mauvais.

Nous avons vu que l’enfant participe de manière légitime à la vie de piété des parents et la vie ecclésiale. Le mimétisme des enfants est un élément indiscutable de leur éducation. Que la foi de l’enfant soit induite ou grégaire(48), son mimétisme est un élément positif de transmission d’habitus de foi par le mécanisme naturel et créationnel d’influence.

Cette influence peut être positive. Elle est alors du registre du témoignage. Ainsi, nous devons assumer que l’environnement de foi familial et ecclésial est un lieu où peuvent être prises les « bonnes habitudes » de piété. Cela nous impose d’être de véritables témoins vivant de la sanctification opérée par le Christ vivant. Inutile de prêcher le pardon à des enfants qui n’en perçoivent pas le fruit chez leurs parents (cf. Dt 6.6-7).

c. Une catéchèse

  • Un accompagnement d’une foi qui chemine

Nous l’avons vu, la foi évolue aussi vers la foi en questionnement(49). Un environnement pratiquant peut être occasion de débat, de réflexions, fort utile dans la construction de convictions personnelles. Exode 12.26 et Deutéronome 6.20 indiquent que les questionnements des enfants sur la pratique des parents sont des occasions d’instruction. Ces temps pédagogiques ne sont pas à négliger. Cela impose aux parents et à l’Église de prendre du recul sur des piétés parfois formatées davantage par l’habitude que par le sens profond d’une relation au Christ.

Jésus a bien fini par demander à ses disciples : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? ». Il faut lancer ce défi à ceux qui grandissent dans l’Église et qui connaissent les « bonnes réponses » de s’approprier réellement la foi en Jésus-Christ. Il faut alors leur donner les éléments pour qu’ils puissent répondre d’eux même à cette question.

Nous l’avons vu, les enfants qui grandissent dans un environnement chrétien vivent déjà une vie de piété avant d’en comprendre pleinement tous les éléments. L’enjeu est, dès lors, de permettre à l’enfant qui grandit de mettre des mots sur ce qu’il vit déjà. Verbaliser sa foi permet d’en comprendre mieux l’objet : l’œuvre et l’identité de notre Seigneur Jésus-Christ. Cela permet aussi d’aller plus loin dans des questionnements toujours plus profonds et pertinents. Former à l’intelligibilité de la foi est indispensable pour professer sa foi. Traditionnellement, ce cheminement vers la profession de foi et le baptême s’appelle le catéchuménat. C’est un parcours qui prépare le catéchumène à la vie de disciple.

Cette intelligibilité est aussi indispensable pour mener à une foi mature, celle qui ne se laissera pas ébranler par les épreuves de la vie comme par des questions dérangeantes ou des discours qui entreront en contradictions avec ses convictions. Par exemple, celui d’un professeur qui déstabilisera ceux qui n’ont pas approfondi leurs compréhensions de ce qui fonde leur foi.

  • Une formation anticipée

Si la profession de foi est une étape essentielle dans le parcours de transmission, nous sommes aussi invités à regarder au-delà de cette étape. Ainsi, nous avons vu, avec l’exemple de Timothée, qu’une part de ce qui est enseigné a une utilité future, pour l’équiper en vue de son appel futur (2 Tm 3.17). Telle une graine qui germera en son temps, une partie de l’enseignement est donnée en attendant l’adhésion.

Une part de l’enseignement donné aux plus jeunes est destinée plus aux adultes qu’ils deviendront qu’aux enfants qu’ils sont. Rien d’exceptionnel à cela. Tous les pédagogues le savent : tant de choses sont enseignés dont l’importance n’est saisie que des années plus tard. Et Jésus lui-même instruisait dans la vérité ses disciples avant même qu’ils puissent pleinement la comprendre (Jn 13.7).

Nous pouvons ainsi assumer que les enfants sont les adultes de demain et, dans l’ignorance des choix qu’ils poseront à l’âge de leur autonomie, nous pouvons les équiper à être des chrétiens accomplis et mûrs dès leur plus jeune âge.

Excursus : Débat sur la nature de la transmission

Pour répondre à certaines interrogations sur la transmission de la foi, certains auteurs distinguent la « foi objective » et la « foi subjective »(50). La foi objective, appelée fides quae creditur par les théologiens, est le contenu objectif de la foi, « ce que je crois ». Il concerne la doctrine, la compréhension que nous avons de l’œuvre du Christ, de son identité, etc. La foi subjective, fides qua creditur, est le fait même de croire, l’action de croire comme une réalité intime. C’est la foi qui est mise au crédit de celui qui croit en Jésus, même imparfaitement.

Cette distinction permet à des pédagogues(51) de réfléchir la catéchèse comme principalement le lieu de la transmission des connaissances objectives sur Dieu. Cette connaissance est d’une importance capitale pour professer la foi en Jésus-Christ. Il faut connaître celui qui est l’objet de notre foi. En ce sens, la catéchèse en elle-même ne pourrait amener l’enfant à faire le « pas de foi », à croire intimement. En effet, nous n’avons pas les clés du for intérieur des individus. Il faudrait donc s’en remettre à l’Esprit qui fait son œuvre en chacun pour croire de manière personnelle.

Cette distinction met en évidence ce qui est de la responsabilité des accompagnants (Église et familles) et ce qui appartient au mystère de l’œuvre de l’Esprit dans le secret du cœur de chacun.

Cependant, si la distinction peut être utile, il est dommageable d’en faire des réalités séparées. Déjà, l’Écriture ne semble pas distinguer fortement ces notions(52). En effet, l’objet de la foi n’est pas distinguable de la foi subjective. Le chrétien n’est pas croyant comme un autre croyant. Ainsi Olivier Riaudel met en garde contre cette distinction dans la catéchèse(53). « Ce qu’un chrétien nommera “croire” est inséparable de ce en quoi il croit, de ce qu’il connaît, de ce en quoi il met sa confiance, de celui à qui il se donne : du Christ. »

De plus, Paul enseigne bien que « la foi vient de ce qu’on entend » (Rm 10.17), dans le contexte, il parle bien de foi subjective, celle qui est mise au crédit de celui qui croit. Il n’en fait donc pas une réalité seulement pneumatologique. Inversement, Jean nous rapporte les paroles du Seigneur qui annonce l’œuvre de l’Esprit qui nous enseigne, nous rappelle les enseignements. Ainsi l’œuvre de l’Esprit n’est pas non plus limitée à la foi subjective seulement.

Cette distinction a l’avantage de rappeler qu’ultimement la conversion d’un homme pêcheur reste un mystère de grâce qui ne nous appartient pas. Mais la fides quae et la fides qua sont intimement liées dans la théologie chrétienne et s’irriguent l’une l’autre. Cette distinction peut être utile pédagogiquement pour nous aider justement à investir ces deux notions à la fois. Le pédagogue se souciera aussi bien de transmettre le « bon dépôt » que sa confiance et sa fidélité au Christ ressuscité.

d. L’insuffisance du processus ordinaire

Nombreux sont les avantages de grandir dans un cadre chrétien, dans une famille de disciples, dans l’Église qui participe à ce processus de transmission. Ce contexte ouvre une voie naturelle à l’accueil de la Parole et à la maturation de la foi. Cependant, il est à noter que cette transmission en Israël a surtout été un échec… Devant ce triste constat que nous livre l’Écriture, comme souvent face à nos défaillances, nous voyons poindre la grâce de Dieu qui nous relève. Une espérance est annoncée.

En effet, pour combler le déficit de l’ancienne alliance, à savoir, la désobéissance chronique du peuple, Dieu mettra sa loi dans les cœurs au point que l’enseignement ne sera plus nécessaire, car « tous me connaîtront ». (Jr 31.31-35). Cette action de Dieu dans le croyant est l’œuvre de l’Esprit.

Donald Cobb résume en ces termes :

« Au lieu d’une fidélité communiquée de père en fils, c’est surtout l’infidélité qui s’est reproduite génération après génération. Or, selon le message prophétique, dans les temps à venir, Dieu fera lui-même don de la foi à son peuple ; mais il veillera en même temps à la susciter chez les enfants de ce dernier(54).  ».

Mais de nos jours, même dans l’économie de la nouvelle alliance, l’importance de la transmission demeure. Donald Cobb l’attribue à l’ordre du « déjà et pas encore(55) ».

Quoi qu’il en soit, la transmission humaine est importante, demandée, mais elle n’est pas suffisante en soi. L’attente de l’œuvre de l’Esprit est essentielle et nous dépasse. Ainsi, puisque tout n’est pas transmissible, l’œuvre de l’Esprit reste à attendre afin que les enfants « connaissent » le Seigneur, dans le sens d’une foi personnelle. Voilà la signification de nos prières : nous en remettre à celui qui appelle tout en faisant ce qu’il nous commande.

3. Chemin naturel irrigué de la grâce de Dieu

Le salut offert par Jésus-Christ est toujours un miracle. Pour les enfants de croyants comme pour tous les autres. Un des enjeux majeurs de nos Églises de professants est de ne jamais dévaluer le témoignage et la foi d’un fils ou d’une fille de croyants qui auraient eu un parcours « non mouvementé » vers le baptême. Bien que cela puisse paraître contre-intuitif, plus on réalisera que de tels parcours sont de l’ordre du miracle, plus on éduquera fidèlement nos enfants sur ce « cheminement normal » vers le salut. Les bénédictions de Dieu, non présumées, mais assumées, nous exhortent à la fidélité et à la consécration. Ce qui est un bénéfice pour nos enfants !

Si avantages il y a, dans cette perspective, c’est dans la cohérence et l’unicité de l’œuvre de Dieu lui-même. Cependant, l’histoire biblique rappelle combien le peuple de Dieu, à trop se focaliser sur ses « privilèges » (son élection), a souvent perdu le sens de sa mission et de ses responsabilités (sa vocation). Un privilège, tout comme un trésor, ne sert à rien s’il est enfoui. Il en est donc de la responsabilité des parents chrétiens, œuvrant main dans la main avec l’Église locale, de prendre soin des enfants en son sein, de les éduquer et, osons le mot, de les édifier dans leur foi pour qu’ils puissent véritablement se saisir de la promesse du salut (Ac 2.38). Non que le salut des enfants de croyants dépende des « œuvres » de leurs parents et de l’Église – on sait combien des enfants, dès leur plus jeune âge, peuvent choisir de rejeter Dieu –, mais qu’une heureuse collaboration entre Dieu et les parents/l’Église pour l’éducation chrétienne des enfants porteront en espérance (mais non automatiquement) du fruit.

D. Le rôle de l’Église dans l’accompagnement spirituel de l’enfant de croyants

Sur la base des considérations précédentes, dans cette partie, nous proposerons des pistes de réflexion pratiques pour accompagner les enfants sur leur chemin de foi, dans la communauté chrétienne.

1. La présentation d’enfants : son sens

La présentation d’enfants est souvent le premier « geste ecclésial » que les Églises de théologie baptiste accomplissent envers les enfants. Ce geste est-il légitime d’un point de vue biblique ? Et quel sens lui donner dans la mesure où il est bien évident qu’il ne s’agit pas d’un baptême ? Avant de répondre à ces questions, présentons quelques éléments sur l’histoire de la présentation d’enfants dans les Églises baptistes.

a. Le dossier historique

La toute première mention d’un rite de présentation d’enfant en lieu et place du baptême d’enfant se trouve, selon Neal Blough, dans un courrier de Balthazar Hubmaier à Oecolampade, daté du 16 janvier 1525 :

« J’aime rassembler la communauté au baptistère et y amener l’enfant. Je commente, en langue vernaculaire, le texte de l’Évangile (Mt 19.13). Dès qu’on lui a donné son nom, la communauté entière, à genou, prie pour l’enfant, le confiant dans les mains du Christ, pour qu’il soit plus près de l’enfant. Ensuite elle prie pour lui(56). »

Cette pratique est à nouveau mentionnée au début du 17ème siècle dans les milieux baptistes naissants. D’après W.M.S. West, on rendait grâce pour la naissance de l’enfant (à une époque où la mortalité infantile était importante, on était bien conscient que la vie représentait une vraie bénédiction divine !) et on prononçait sur lui une prière de bénédiction(57). Au 18ème et jusqu’au milieu du 19ème siècle, la pratique est peu mentionnée ; elle s’est maintenue, mais ne s’est pas généralisée. Certains en effet étaient réticents à mettre en place un rite que la Bible ne commande pas explicitement. Dans les dernières décennies du 19ème et au 20ème siècle, une vraie réflexion sur ce sujet se développe dans les Églises de théologie baptistes(58). Un type de cérémonie se met en place avec trois objectifs :

  • Remercier Dieu pour la vie de l’enfant ;
  • Amener l’enfant à Dieu dans un geste de consécration ;
  • S’engager à élever les enfants dans la crainte du Seigneur(59).

Après la deuxième guerre mondiale, sous l’influence du mouvement œcuménique, la présentation devient aussi le moyen d’affirmer l’importance des enfants pour l’Église et leur entrée dans le statut de catéchumène(60) : l’enfant est confié à l’Église pour l’amener à la connaissance du Christ(61). Certains vont même très loin en conférant au rite une dimension quasi sacramentelle(62).

Il est difficile de savoir à partir de quand le rite est présent dans les Églises baptistes de France. L’Église baptiste de Morlaix (fondée au 19ème siècle) enregistre sa première présentation d’enfant en 1910.

b. Le dossier biblique

Comment se pose la question de la présentation d’enfants dans la Bible ? Plusieurs passages de la Bible ont été invoqués.

  • La présentation de Samuel

Dans l’ancienne alliance, il existait un rite de consécration des enfants mâles premiers-nés (Ex 13.1-2, 11-16). Ce rite était rattaché à la dixième plaie d’Égypte. Les premiers-nés hébreux avaient été épargnés grâce au sang d’un agneau répandu sur le linteau des portes. Ces premiers-nés appartenaient de ce fait au Seigneur et ils étaient rachetés par un sacrifice. Il est bien possible que la présentation de Samuel doive se comprendre sur cet arrière-plan, même si elle revêt un caractère plus complexe : c’est pour la vie (1 S 1.11,22,28) que Samuel est « donné » au Seigneur qui l’a « donné » à Anne (1 S 1.11). De plus, certains pensent que Samuel était consacré comme nazir (1 S 1.11 ; cf Nb 6.1-21).

  • La présentation de Jésus au temple

Le moment de la présentation de Jésus au temple doit aussi se comprendre sur cet arrière-plan (cf Lc 2.23). À l’occasion de cette présentation s’ajoute le rite de purification demandé par la loi (Lv 12 ; cf. Lc 2.24).

On observe donc qu’un rite de rachat des premiers-nés, qui se traduisait par une présentation/consécration, existait bien dans l’ancienne alliance. Mais on doit ajouter qu’il ne concernait que les garçons premiers-nés (comme d’ailleurs tous premiers-nés mâles des animaux ; Ex 13.2,12). On doit aussi relever qu’on ne trouve aucun équivalent de ce rite dans la nouvelle alliance (la présentation de Jésus, fondée sur Exode 13.2, doit se comprendre dans le cadre de l’ancienne alliance). Il faut plutôt penser que ce rite trouve son accomplissement dans le sacrifice unique et parfait du Fils de Dieu. Ces textes ne peuvent pas fonder théologiquement la présentation d’enfant dans la nouvelle alliance. Cependant ils indiquent qu’une présentation d’enfant ne s’oppose aucunement à la volonté divine.

  • Les parents qui amènent des enfants à Jésus

Un autre texte est généralement invoqué : Marc 10.13-16//Matthieu 19.13-15//Luc 18.15-17. Des gens amènent leurs enfants à Jésus pour qu’il les bénisse. Les disciples les rabrouent sans ménagement et Jésus le leur reproche. Voici quelques remarques :

  • Notons tout d’abord les divers acteurs du récit : les parents qui amènent leur enfant, les disciples qui font obstacle, Jésus qui accueille à bras ouverts et évidemment, au centre, les enfants ;
  • Matthieu et Marc parlent de petits-enfants (paidion), Luc de bébés (bréphos) ;
  • Il était normal à cette époque qu’on demande à des personnes importantes (rabbis, anciens…) d’imposer les mains aux enfants pour les bénir, particulièrement, semble-t-il, le soir du Jour des expiations(63) ;
  • Jésus reprend ses disciples (avec indignation en Marc), car ils repoussent les enfants et les empêchent ainsi de venir à lui. Deux raisons au moins à cette indignation de Jésus :
  • Il demande qu’on n’empêche(64) pas les enfants de venir à lui. Cela souligne l’attitude positive de Jésus d’abord envers les enfants, puis, plus globalement, envers les familles (voir le contexte des versets précédents en Matthieu et Marc). Cette attitude positive est reflétée dans la fin du texte chez Marc : Jésus serre les enfants dans ses bras et les bénit en leur imposant les mains ; et dans une moindre mesure chez Matthieu où il est seulement dit qu’il leur impose les mains.
  • « Venir à Jésus » est l’attitude demandée à ceux qui veulent être disciples (Mt 11.28). Jésus veut profiter de cet événement pour donner une leçon aux adultes : « le royaume de Dieu est pour leurs semblables », c’est-à-dire pour les adultes qui sont comme des enfants. Est-ce l’humilité des enfants qui est mise en valeur ? Ou bien le fait qu’ils viennent à Jésus sans aucun mérite à faire valoir(65) ?

L’événement peut donc être interprété de deux manières : comme une parole à celles et ceux qui veulent devenir disciples, ou encore comme un geste qui traduit l’intérêt de Jésus (et donc de Dieu) pour les enfants et leur famille. Il est important de ne pas négliger un sens au détriment de l’autre.

Le passage ne cherche pas à fonder un rite ecclésial. Toutefois, en indiquant de manière très marquée l’attitude accueillante de Jésus, et donc de Dieu, envers les enfants et les parents qui veulent les faire bénir, on peut valablement se laisser guider par lui pour orienter notre réflexion sur la présentation d’enfant.

c. Vers un sens possible de la présentation d’enfants

Pour réfléchir au sens à donner à la présentation d’enfants, nous allons comparer trois textes récents sur le sujet : un texte liturgique de la Fédération des Églises évangéliques baptistes de France, un article de Christophe Paya et un de François-Jean Martin(66). On trouve dans ces trois textes un accord assez large et quelques différences.

D’abord il est généralement rappelé que la présentation des enfants n’a pas de fondement direct dans la Bible. Elle reste donc facultative et l’Église n’a pas à l’imposer.

Ensuite on note une prudence assez marquée par rapport à toute tendance qui survaloriserait le geste. François-Jean Martin rappelle très fortement qu’il ne s’agit en aucun cas d’un baptême. Dans le texte FEEBF on veut être attentif au climat de superstition ambiante en relation avec la notion de bénédiction, à déconnecter de toute pensée de type magico-religieux. On a vu que, dans les évangiles, seul Marc parle de bénédiction. Luc ne mentionne même pas le geste accompli par Jésus ; Matthieu le mentionne « comme en passant ». On peut donc rejoindre cette prudence, veiller à ne pas en faire trop et mettre en garde contre une tendance quelquefois observée d’une surenchère dans les à-côtés de la présentation (vêtement spécial, distribution de cadeaux, grand repas familial…).

Toutefois, les trois textes s’accordent à dire que l’Église doit honorer la demande des parents chrétiens qui vivent un moment fort de leur vie familiale. Il serait incompréhensible que la communauté fraternelle refuse d’accompagner pareil moment.

Pour le texte FEEBF la cérémonie de présentation des enfants est d’abord orientée vers les parents, valorisant leur mariage, leur désir d’enfant, et rappelant que leur rôle éducatif inclut aussi de tout mettre en œuvre pour amener leur enfant dans la présence du Christ, à l’instar des parents du récit évangélique. Christophe Paya ajoute un sens à la cérémonie : rappeler son rôle à l’Église : à la différence des disciples du récit biblique, elle doit tout mettre en œuvre pour favoriser cette rencontre avec le Christ (prière, témoignage bienveillant et positif, catéchèse…). Le moment de la présentation est l’occasion de demander à l’un comme à l’autre un engagement public dans ce sens. François-Jean Martin met aussi en avant ces deux objectifs, mais il en ajoute un troisième qui correspond au geste de Jésus dans le récit.

Il est frappant, en effet, de constater que, sans doute par prudence, les deux premiers textes ne parlent pas d’un sens de cette cérémonie pour l’enfant lui-même. François-Jean Martin est plus explicite à ce sujet : au moment de la présentation, on demande à Dieu de « faire pour cet enfant ce que Jésus a fait pour les enfants autrefois, à savoir leur manifester son amour et les bénir(67) ».

Ce rappel semble opportun. Il ne faudrait pas que, par crainte de confusion avec un baptême ou par peur de donner cours à la superstition ambiante, on occulte complètement le sens que cette cérémonie peut avoir pour l’enfant. A minima, la cérémonie doit affirmer l’importance que Jésus reconnaît aux enfants, sa tendresse particulière (il les serre dans ses bras), et aussi le fait qu’il demande qu’on ne les empêche pas de venir à lui.

Faut-il mettre encore plus de sens ? Il est intéressant que Marc et Luc disent que les parents amènent leurs enfants à Jésus pour qu’il les « touche », ce qu’il fait. Les textes mettent, en effet, un accent très fort sur cet aspect en utilisant un riche vocabulaire : imposer les mains, serrer dans les bras, toucher. Le verbe traduit par « toucher » est aptô. Ce verbe est très majoritairement utilisé dans les synoptiques, soit pour parler de celles et ceux qui veulent toucher Jésus (ou son vêtement) en vue d’une guérison (Mc 3.10 ; 5.27-31 ; 6.56), soit pour dire que Jésus touche une personne pour la guérir (Mc 1.41 ; 7.33 ; 8.22). Avec Mc 10.13, on a ici tous les usages d’aptô chez Marc. C’est dire si, dans cet évangile, le terme a un sens fort : il exprime le contact direct avec Jésus en vue d’un bienfait.

De ce verbe aptô a été tiré le mot haptonomie, cette pratique nouvelle venue des Pays-Bas dont le but est de susciter un début de relations entre les parents et le bébé à naître par des pressions lentes et douces sur le ventre de la maman auxquelles le bébé répond en bougeant. Les premiers contacts, donc, avant que le bébé n’ait la capacité d’entrer en relation personnelle et verbale avec ses parents. Ne pourrait-on pas envisager la présentation d’enfant comme une sorte de séance « d’haptonomie divine » ? Par ce premier « geste ecclésial », on rappellerait non seulement que le Seigneur dit son amour pour cet enfant, mais encore qu’il a déjà commencé à le manifester concrètement en posant sa main sur cette jeune vie, en l’accompagnant de sa présence jour après jour, et ceci dans l’attente d’une rencontre et d’un dialogue personnel et salutaire à venir que les parents et l’Église auraient pour mission de favoriser.

On pourra alors facilement expliquer aux parents et à l’Église que cette cérémonie aura le plus de chances de produire son meilleur fruit :

  1. Si elle traduit le désir durable et non ponctuel des parents d’amener leur enfant à Jésus et dans le cercle des disciples. On rappellera l’importance du rôle des parents, non seulement comme éducateurs, mais aussi comme premiers témoins du Christ ressuscité ; l’importance de prier avec lui, de lui faire connaître le Seigneur ; l’importance de s’appuyer sur la communauté chrétienne, l’école du dimanche…

  2. Si elle traduit le désir durable et non ponctuel de l’Église de ne pas empêcher de quelque façon que ce soit cet enfant de venir à Jésus. Ce sera l’occasion de redire le rôle de témoins joué par les membres de l’Église, l’importance de la prière, l’importance aussi de laisser de la place aux enfants dans l’Église, dans le culte ; l’importance du ministère des moniteurs et monitrices d’école du dimanche et l’importance que l’Église tout entière soit une communauté accueillante, aimante, investie dans ce ministère…

d. Un geste offert à tous ?

François-Jean Martin insiste fortement sur le fait que cette cérémonie doit être réservée aux familles chrétiennes, compte tenu de l’engagement qui est demandé aux parents, et même aux familles de l’Église locale, compte tenu de l’engagement qui est demandé à l’Église, et encore à des parents dûment mariés, compte tenu de la nécessité que les parents soient en phase avec l’enseignement de l’Église. Si un parent seulement est chrétien, la présentation peut se faire sur la base de 1 Corinthiens 7.14(68).

Christophe Paya reconnaît que le refus de présentation d’un enfant de parents qui seraient éloignés de l’Église peut se justifier. Toutefois, du fait qu’il n’y a pas de norme biblique précise, il admet qu’on peut faire preuve d’une certaine souplesse, en tenant compte à la fois de l’exigence de vérité (rencontre et explication aux parents pouvant aboutir à un refus ou à une simple prière pour l’enfant), mais aussi du fait que Jésus n’a mis aucune condition parentale à sa prière pour les enfants.

Le sujet est évidemment délicat. L’exigence de vérité ne peut pas être mise sous le boisseau. Toutefois il faudra veiller à ce que cette exigence ne prête pas le flanc au reproche de Jésus : « Ne les empêchez pas de venir à moi(69) ». Lorsqu’on discerne la foi sincère d’un parent au moins et son désir que son enfant connaisse le Christ, lorsqu’on lui/leur rappelle que ce geste a les meilleures chances de produire son plus beau fruit s’ils prennent au sérieux et dans la durée l’engagement qui est attendu d’eux, on ne contrevient pas à l’exigence de vérité.

2. Pistes pratiques pour une transmission fructueuse

Les besoins de l’enfant changent à chaque étape de sa croissance. Il est important pour les familles et les Églises locales d’en tenir compte.

a. L’Importance du lien Église/famille

Pour que les enfants concernés bénéficient pleinement du privilège de grandir dans une famille chrétienne, les adultes chrétiens qui les entourent doivent être intentionnels dans le partage de la foi(70). Ceci nécessite un partenariat entre la famille et l’Église. S’il y a beaucoup de recoupements entre le rôle de la famille et le rôle de l’Église, l’Église amène un niveau de spécialisation (connaissances théologiques et bibliques, réflexions systématiques) qui ne sont pas/peu possibles dans le cercle familial(71). Très souvent, les familles se sentent démunies face à leur responsabilité. Elles ont donc besoin d’un soutien actif. Nos Églises accompagnent bien les jeunes couples qui préparent leur mariage. Pourquoi ne pas proposer aussi un accompagnement pour les futurs parents et parents (groupes de parole, personnes-ressources, ouvrages, etc.) ?

Une réflexion partagée entre les responsables de l’Église et les responsables des activités pour enfants est nécessaire pour favoriser leur accueil, leur croissance et leur épanouissement dans la foi, et pour cultiver chez l’enfant un sentiment d’appartenance à la communauté sociale qu’est l’Église locale. Le fruit de cette réflexion et la vision qui en ressort doivent être partagés avec clarté avec les familles pour que l’ensemble des acteurs se sentent impliqués. Ainsi l’Église pourra compléter ce qui est vécu dans le cercle familial, par un travail de qualité conçu pour accompagner l’enfant vers un engagement libre avec Christ à son tour. Ceci donne une importance aux programmes et activités d’enfance et jeunesse, qui, loin d’être du simple baby-sitting, peuvent être comparés au catéchuménat de l’Église ancienne :

  • en offrant un enseignement structuré et structurant des bases de la foi, animé par des moniteurs formés(72) ;
  • en invitant, de façon intentionnelle, l’enfant à une participation active dans la vie de la communauté, y compris au culte (temps des enfants, culte inter-âge, participation aux lectures) en fonction de là où il en est ;
  • en encourageant une dynamique de groupe, environnement vital pour le développement de la foi grégaire. C’est dans ce contexte que les activités dédiées aux enfants trouvent leur sens.

b. La toute petite enfance

La toute petite enfance, âge de la foi induite, est un temps de découverte de la vie à travers les sens et les expériences. Le comportement des adultes qui entourent l’enfant est primordial. L’enfant n’ayant pas encore les capacités intellectuelles pour les analyser et les comprendre, nous allons chercher à modeler les choses, plutôt que de les expliquer. Par exemple, l’enfant qui expérimente l’amour, le pardon, l’acceptation et la confiance intègre des repères qui l’aideront à mieux comprendre les notions de la repentance et de la grâce plus tard dans la vie.

Pour encourager la pose des bonnes bases, l’Église doit encourager les familles à inclure l’enfant dans leur pratique de la foi au quotidien : raconter des histoires bibliques dans la perspective du grand récit biblique, en priant à divers moments de la journée (repas, coucher, etc.), en entretenant un dialogue ouvert. Les bénéfices de ces pratiques s’inscrivent en deux temps : l’enfant expérimente la réalité de la foi au présent et met en place de bons réflexes pour l’avenir.

Pour cette même raison, il faut aussi veiller à inclure les très petits enfants dans la vie de nos Églises. Sur le modèle de Jésus(73), l’accueil et l’acceptation des tout-petits dans les moments de culte sont importants pour leur développement spirituel, car c’est en vivant ces temps, à sa manière qu’ils vont commencer à prendre leur place au-delà de la sphère familiale dans la communauté de l’Église. À chaque famille et chaque Église locale de trouver l’équilibre juste qui permet l’épanouissement de chacun.

c. L’enfant de l’âge scolaire

Chaque personne grandissant à son rythme, on ne peut pas parler d’un âge fixe pour passer de la foi induite à la foi grégaire. Mais à partir de l’entrée à l’école primaire, la relation aux pairs prend une place importante, propice au développement de cette foi.

Il est donc vital de favoriser une dynamique de groupe au sein de l’Église : groupes du dimanche matin, activités en semaine, colos et clubs peuvent être pertinents. C’est aussi le moment de profiter de la curiosité naturelle des enfants pour explorer la foi ensemble. Il faut donc veiller à donner leur juste place à la prière, à la méditation biblique et aux actes de service divers.

Si les groupes dédiés sont importants, une présence et une participation au culte restent nécessaires. Les cultes inter-âge peuvent être particulièrement parlants pour ces enfants.

d. La (pré)adolescence

À l’approche de l’adolescence, les jeunes vivent un temps de transformation sur tous les fronts, leur capacité pour la pensée abstraite se développe, et la quête spirituelle y trouve naturellement sa place. La transmission de la foi de génération en génération n’étant pas automatique, il est normal qu’ils remettent en question ce qu’ils ont appris dans le domaine de la foi et qu’ils questionnent leur adhésion personnelle à la foi chrétienne.

Pendant cette étape charnière, la vie de groupe reste très importante. Les jeunes ont le besoin d’échanger avec d’autres jeunes et avec d’autres adultes sur les questions épineuses de la vie – et de trouver une écoute bienveillante et sans jugement au sujet de leurs questions, leurs doutes et leurs contestations, sans que leur questionnement soit stigmatisé à tort comme rébellion. Un engagement pratique au niveau de l’Église locale peut aussi être formateur dans ce contexte et renforcer leur sentiment d’appartenance. L’adolescence aussi est un temps pour élargir leurs horizons et les aider à explorer la foi au-delà du cercle intime de la famille et du « cocoon enfance » de leur Église locale – d’où l’intérêt des rencontres inter-Églises (que ce soit au niveau local, régional ou national) et la participation aux activités du type para-Église (scoutisme, camps, mouvements de jeunesse chrétiens, etc.).

Les jeunes développent des capacités de lecture en analyse grandissantes, ce qui rend possibles des temps d’étude biblique et des temps d’échange et de débat autour des thèmes qui les interrogent. À l’école ils découvrent d’autres points de vue, d’autres systèmes de valeurs. À l’Église de les accompagner, en encourageant un esprit critique et en veillant à ce qu’il n’y ait pas d’écart de niveau entre ce qu’ils étudient à l’école et ce qu’on leur enseigne à l’Église.

Quand cette phase de recherche se vit bien, le jeune arrive au point où on peut parler d’une foi personnelle, assumée, avec une compréhension plus complète de l’évangile. Ce type de foi est rare avant l’adolescence. Mais si on ne veut pas pousser les enfants à aller trop loin trop vite, il faut aussi éviter l’erreur inverse – celui de laisser entendre aux jeunes qu’ils sont trop jeunes pour s’engager avec le Seigneur.

Excursus : la question des appels à la conversion

La question de la légitimité (ou non) de faire des « appels à la conversion » dans le cadre du ministère parmi les enfants se pose dans le contexte évangélique français actuel. Les enfants des familles chrétiennes ont tendance à avancer petit à petit vers l’engagement ferme et définitif avec le Seigneur, par plusieurs « petits pas » pendant l’enfance et l’adolescence. Cet engagement se vit souvent dans la continuité, et non pas dans la rupture courante parmi les personnes converties à l’âge adulte (voir l’excursus sur les typologies biblique des conversions). Il nous semble qu’il est parfaitement légitime de proposer des occasions aux enfants de « faire (encore) un pas vers le Seigneur », mais qu’il faut bien réfléchir à cette pratique et comprendre ce qui se passe. Si toute tentative de manipulation est évidemment à bannir, il faut être particulièrement attentif aux facteurs qui pourraient faire ressentir une attente ou une pression à l’enfant. Pour éviter ces écueils, il peut être judicieux de se poser la question : comment se sentira l’enfant s’il choisit de ne pas répondre positivement à cet appel ? Plus le contexte est marqué par la confiance, plus l’enfant se sentira libre de répondre, ou non, selon ses besoins et l’état de sa compréhension de ce que le Seigneur a fait pour lui. L’enfant qui répond positivement fait un choix actif et peut vivre cette transition de manière marquante. De telles étapes sont donc à accueillir avec joie et à prendre au sérieux, tout en prenant en compte que l’enfant manifeste très probablement la foi grégaire et doit donc continuer à cheminer en adéquation avec son propre développement. Aux adultes de reconnaître et accueillir de telles expressions de la foi – car la foi grégaire est une vraie foi, la foi de l’enfance, prévue par Dieu – sans pousser ces enfants à devenir des adultes avant l’heure. Un enfant chrétien reste un enfant. Au-delà d’un temps spécifique d’appel à la conversion, le choix peut être de présenter, rappeler, chanter, prier, régulièrement la possibilité de cette conversion, de choisir de suivre Christ et de l’accueil joyeux du Père, laissant la possibilité à l’enfant d’exprimer sa foi en son temps, de la manière qu’il le souhaite.

3. Le baptême, quand, pourquoi ?

Dans la perspective professante, ont accès au baptême les personnes qui confessent personnellement leur foi. On dit parfois que nous pratiquons le baptême d’adulte, mais l’expression n’est pas complètement appropriée. En effet, la condition pour être baptisé n’est pas d’être adulte, mais d’être né de nouveau (Jn 3.3) et ainsi de confesser Jésus-Christ comme Seigneur et sauveur personnel. On devrait alors parler de position « credobaptiste » (baptême de croyants) plutôt que de baptême d’adultes. Nous pratiquons en effet un baptême sur profession de foi, et non sur « témoignage ». L’insistance sur le témoignage personnel pourrait pousser les futurs baptisés à « caricaturer » le récit de leur parcours de vie autour d’un « avant/après » qui ne correspond pas toujours au vécu(74). Or, le sens du témoignage au moment du baptême est plutôt de montrer comment le croyant s’est personnellement approprié la foi qu’il confesse.

Baptême de croyants donc. Nigel Wright parle même de baptême de disciples(75), car la problématique de l’accès au baptême est plus large que la seule question de la foi. Il s’agit aussi de vouloir accepter les exigences du discipulat et de l’obéissance à l’enseignement du Christ (voir le lien entre la notion de disciple et le baptême en Matthieu 28.19 ; voir aussi la notion d’engagement en 1 Pierre 3.21). Attention tout de même à ne pas faire du baptême la couronne que l’on reçoit à la fin de la course. Le baptême est plutôt un acte d’obéissance de celui qui s’engage sur le chemin, « la première œuvre exemplaire de sa foi(76) ».

Un enfant pourrait donc recevoir le baptême si l’on discerne chez lui cette confession personnelle et cet engagement. Autrement dit, et pour reprendre l’échelle de Westerhoff, un enfant que l’on situerait au stade de la foi personnelle pourrait être baptisé. Si l’on veut être plus précis et fixer l’âge approximatif à partir duquel le développement psychologique de l’enfant lui permet d’être (potentiellement) au stade de la foi personnelle, la question se complique. Rappelons simplement que, toujours selon Westerhoff, ce quatrième stade du développement de la foi nécessite une décision et un positionnement personnel, qui correspond davantage à l’adolescence et à l’âge adulte. Mais à quel âge l’adolescence commence-t-elle ? Et certains enfants ne présentent-ils pas des aptitudes d’adultes quant à leur capacité de décision ? De plus, n’accepter de baptiser que des personnes ayant passé l’adolescence constitue très certainement un écueil à éviter. Le caractère nécessaire de la « crise d’adolescence » ne fait pas consensus en psychologie, et certains sociologues, comme Michel Fize, parlent même de construction sociale à son propos… Comme l’écrit Nathalie Perrot, « tout adolescent ne passe pas de facto par cette période que l’on aime à qualifier de "crise d’adolescence"(77). » Face à une demande de baptême d’un jeune, voire d’un enfant, la question ne devrait donc pas tant être « a-t-il déjà fait sa crise d’adolescence ? », mais plutôt « a-t-il la maturité suffisante pour être considéré comme responsable de son choix ? »

4. La cène, quand, pourquoi ?

Puisque les enfants peuvent vivre une forme de foi authentique à tous les stades de leur développement psychologique et spirituel, puisqu’ils apprennent par imitation, et puisque Jésus nous a demandé de les accueillir (Mt 18.5), il faut affirmer avec force que les enfants ont leur place dans le culte(78). Mais quelle place ? Et en particulier lors de la célébration de la cène, comment intégrer les enfants ?

L’apôtre Paul, en 1 Corinthiens 11.27 29, pose comme condition de participation à la cène le fait de manger d’une manière digne, c’est-à-dire en discernant le corps. Sans entrer dans le débat d’interprétation de la notion de corps ici(79), il est largement admis dans les Églises évangéliques que la cène est destinée à celles et ceux qui confessent personnellement leur foi en Jésus-Christ comme Seigneur et sauveur. La tradition chrétienne, et ce (au moins) depuis la Didachè (9.5), a précisé l’exigence en affirmant que la participation à la cène était réservée aux baptisés. Alain Nisus exprime cet ordre logique ainsi :

« La disposition traditionnelle met en lumière la logique des signes et la relation qu’entretiennent entre eux les deux signes commandés aux disciples, baptême et cène. En effet, le baptême qui signifie la naissance à la foi (nouvelle naissance) devrait, la logique des signes étant respectée, précéder la participation à la cène qui signifie l’alimentation ou l’entretien de la foi(34). »

Nombre d’Églises évangéliques maintiennent encore aujourd’hui cette règle dans leur culte(80). Dans ce cas, on se rapportera à ce qu’on a dit plus haut concernant l’accès des enfants au baptême.

D’autres Églises, dont certaines de notre fédération, pratiquent la cène dite « ouverte ». Celui ou celle qui préside rappelle alors l’exigence de la foi pour la participation au repas, puis liberté est laissée à chacun de participer ou non (« Que chacun s’examine plutôt lui-même » ; 1 Co 11.28). Peuvent ainsi manger le pain et boire la coupe ceux qui ont placé leur foi en Jésus sans avoir encore été baptisés. Dans certaines de ces Églises, est élargi le cercle des participants aux enfants croyants (même non baptisés). Il s’agit pour elles de reconnaitre l’authenticité de leur foi (lorsqu’elle est discernée), quel que soit son stade de développement, ainsi qu’une opportunité offerte pour nourrir cette même foi et l’accompagner vers une plus grande maturité.

Même si l’ouverture proposée nous semble ouvrir des pistes intéressantes pour l’intégration des enfants croyants dans la communauté chrétienne, elle doit être approfondie et ne pas être mise en œuvre à la légère. Il faut aussi prendre en compte qu’elle pose certaines difficultés quant à sa mise en pratique. Tout d’abord, l’accord des parents ou responsables légaux serait nécessaire. Il faudrait donc veiller à l’avoir en amont, ce qui n’est pas toujours si simple. Ensuite survient la difficulté de discerner le stade de développement de la foi de l’enfant. À partir duquel permet-on la participation à la cène ? Et qui est responsable de ce discernement ? Si l’on poursuit la logique de la cène ouverte, ce serait à l’enfant lui-même et à ses parents qu’incombe ce discernement, mais faudrait-il alors laisser tous les enfants qui le souhaitent, sans discernement de l’Église, accéder à la cène ? De plus, il faudrait réfléchir à une pédagogie adaptée aux enfants pour justifier que certains d’entre eux ont accès à la cène et d’autres non (ce qui n’est pas nécessaire pour les adultes, qui raisonnent différemment et ont une autre perception de leur identité, moins liée à celle du groupe). Toutes ces difficultés, ainsi que l’ordre logique suivi par la tradition, rendent à notre avis cette idée difficile à mettre en pratique.

On peut encore ajouter qu’il n’est pas anormal de demander aux enfants de s’abstenir de participer à un événement auquel les « plus grands » (adolescents et adultes) participent. C’est le propre de l’enfance d’attendre de grandir pour pouvoir boire du café ou des boissons alcoolisées, conduire une voiture, voter, donner son sang, etc.(81)

Une autre manière d’inclure les enfants dans le temps de célébration de la cène, et qui évite ces difficultés, serait d’intégrer un temps de bénédiction des plus petits parmi nous. Ceux qui distribuent la cène pourraient poser leur main sur la tête des enfants et prononcer une parole de bénédiction de la part du Christ à leur égard. La parole sera spontanée, ou bien inspirée de textes bibliques comme la bénédiction aaronique (Nb 6.24-26). Il est aussi possible que le pasteur ou une autre personne soit dédié spécialement à cela, et que les parents puissent lui amener leurs enfants. Pour plus de simplicité, on pourrait aussi prier collectivement pour les enfants. La plupart de nos Églises le font déjà lorsqu’on envoie les enfants dans leurs groupes d’école du dimanche, mais le faire ne serait-ce que de temps à autre, au moment de la cène, permettrait d’inclure les enfants à ce temps particulier d’union à Jésus-Christ, et ainsi d’obéir à l’exhortation du Seigneur de laisser venir à lui les petits enfants (Mt 19.14 et par.). L’inconvénient de cette pratique c’est qu’elle ne distingue pas enfants croyants et enfants non-croyants et qu’elle ne permet donc pas la prise en compte de la foi des premiers. Ceux-là pourraient alors être encouragés par d’autres moyens, en les incluant lors d’autres moments du culte ou de la vie d’Église.

D’ailleurs, le temps de cène ne se limite pas à manger le pain et boire la coupe. Selon le degré d’élaboration de la liturgie suivie, on lira le récit de l’institution, on redira le sens de la mort et de la résurrection du Seigneur, on priera de manière spontanée et/ou avec le « Notre Père », etc.(82) Que l’on ouvre le repas lui-même aux enfants croyants ou non, on pourra donc réfléchir à l’intégration des plus jeunes à ce moment cultuel en les faisant participer à la lecture ou à la prière par exemple. Et la simple assistance des enfants à ce temps de cène (pas si courante dans nos Églises, puisqu’ils sont généralement à l’école du dimanche lors du partage du pain et du vin) peut susciter de leur part cette question : « Que signifie pour vous ce rite ? » (Ex 12.26) et devenir ainsi l’occasion d’une transmission de la foi.

E. Conclusion : les enfants comme catéchumènes

Pour l’apôtre Paul, tous les croyants participent à leur mesure à l’édification du corps du Christ, qui est l’Église (Rm 12.3 8 ; 1 Co 12 ; Ep 4.11 16), et l’apôtre Pierre montre par sa manière de parler que tout croyant a reçu un don de Dieu (1 P 4.10). Cela pose, au terme de ce parcours de réflexion, la question de la participation des enfants croyants à l’édification de l’Église en lien avec celle de leur statut dans l’Église.
Il faut le dire d’emblée, les enfants croyants dont on a discerné le caractère personnel de la foi et qu’on a baptisés sont pleinement membres du corps du Christ, remplis du Saint-Esprit et ainsi pleinement équipés pour participer à l’édification de l’Église (ceci bien sûr en fonction de la maturité et des compétences de l’enfant). Dans la pratique, les choses sont souvent plus compliquées. En effet un mineur peut légalement devenir membre d’une association cultuelle, mais sous des conditions qui rendent cette adhésion difficile dans les faits (et ainsi déconseillée par le site juridique du CNEF(83)). Pour devenir membre, le mineur doit notamment disposer d’une autorisation expresse de ses parents ou responsables légaux, et il ne peut pas participer aux décisions et actes qui engagent le patrimoine de l’association (achat, vente, etc.). Cependant, même si le mineur baptisé ne devient pas membre, il faut se rappeler que le vote en Assemblée générale n’est qu’une manière de sanctionner un discernement communautaire, et le fait est que l’action du Christ sur la communauté s’exerce plus largement que par le simple vote. Il est donc de la responsabilité de la communauté d’écouter les enfants baptisés sur profession de foi considérant que le congrégationalisme implique la recherche de la volonté du Christ (et non la recherche par chacun de son propre intérêt). L’Esprit peut parler par ces enfants comme il peut parler par n’importe quel membre.

Que penser en revanche du cas des enfants croyants non baptisés (chez qui l’on discerne une foi induite, grégaire ou en recherche, mais pas encore une foi personnelle) ? Les textes de Paul déjà cités (voir 1 Co 12.13) lient ensemble régénération par l’Esprit et participation à l’édification de la communauté. Sans nier qu’une régénération intérieure puisse éventuellement intervenir avant le stade de foi « personnelle », le seul moyen que la communauté a de discerner une telle régénération est d’entendre la confession de foi personnelle « Jésus est le Seigneur ! » (1 Co 12.3). La prudence est donc de mise et mieux vaut, nous semble-t-il, ne pas considérer les enfants non-baptisés comme étant « l’Église d’aujourd’hui ». Ceux-ci sont pourtant d’ores et déjà présents à la vie communautaire, et font donc ainsi partie du présent de l’Église. Cependant, ils ne seront l’Église qu’à partir de leur profession de foi. Comment rendre compte de ces différents aspects de leur relation à l’Église ?

Le statut de catéchumène, introduit plus haut dans l’article, permet, nous semble-t-il, de bien articuler cette tension entre la participation des enfants de croyants au présent de l’Église et leur intégration officielle à l’Église lors de leur profession de foi. Comme catéchumènes, ces enfants sont exposés à l’enseignement de l’Église par leur présence au culte et par leur participation aux différents groupes d’enseignement des enfants. Ils sont confiés, en lien avec leur famille, à la responsabilité de l’Église. En ce sens, le catéchuménat des enfants croyants non-baptisés et le catéchuménat des enfants non-croyants (chez qui on ne discerne pas de foi ni induite ni grégaire) ne sont au fond pas très différents. Tous sont en cheminement, mais tous n’en sont pas au même stade. Pour autant, il n’incombe pas à l’Église la responsabilité de discerner avec précision à quel stade en est chacun en vue d’évaluer son degré d’intégration à la communauté des professants. Non, l’Église est, plus modestement, appelée à discerner la foi personnelle, et sur cette base à accueillir en son sein, par le baptême, ceux que Dieu ajoute à son peuple. Lorsqu’elle discernera la foi induite ou grégaire chez un enfant, elle valorisera cette foi et encouragera l’enfant dans son parcours catéchétique. La foi induite ou grégaire peut ainsi être reconnue et encouragée sans qu’elle nécessite de formaliser un changement de statut de l’enfant. Nous pouvons dire également que ce dernier n’est pas « hors de l’Église » non plus. Présent à la vie communautaire, il est relié au corps de l’Église en tant que catéchumène. Par le catéchuménat, les enfants de croyants non-baptisés appartiennent donc dûment au corps sociologique de l’Église. Ils sont les bienvenus « dans la maison ». Contrairement aux catéchumènes adultes, ils ne sont pas catéchumènes par volonté et désir propres, mais par solidarité familiale. Leur appartenance au présent de l’Église n’en est pas moins théologiquement légitime, dans l’attente et l’espérance de leur appartenance au corps ecclésial, dont l’entrée sera manifestée par le baptême. Dans cette perspective, le baptême marque la fin du parcours catéchétique (initié souvent par le signe de la présentation), et le début officiel de la vie chrétienne.

La notion de catéchuménat répond bien, nous semble-t-il, aux différentes questions soulevées au cours de cet article à propos du statut des enfants de croyants. Quels sont les avantages de tels enfants ? Ils sont catéchumènes ! À la fois au sein de leur propre famille, et au sein de l’Église, qui leur permet d’aller plus en profondeur dans l’enseignement qu’ils reçoivent. Le catéchuménat rend aussi compte de la double thèse biblique soutenue plus haut. Les enfants sont des personnes à part entière devant Dieu, déjà « capables » de Dieu, en mesure de recevoir ses instructions, d’apprendre à le prier, etc. Et, dans le même temps, ils sont des personnes en développement, avec des besoins d’accompagnement spécifiques.

En résumé, si le baptême marque l’entrée dans l’Église, les enfants de croyants ne doivent pas être considérés comme extérieurs à l’Église. Un lien spirituel profond les unit déjà à ces communautés locales où ils sont nourris dans la foi et à la vie desquelles ils participent. Ils en sont les catéchumènes. Cette proposition pour le statut des enfants de croyants dans l’Église nécessiterait certainement une réappropriation de la notion de catéchuménat, qui, même pour les adolescents et adultes, n’est pas si développée dans notre culture ecclésiale aujourd’hui(84)

Enfin, si les enfants sont des catéchumènes, nourris par l’Église, on pourrait également les considérer comme des dons que Dieu fait à l’Église. Bien qu’elle ne s’applique pas au cas des enfants, l’idée que les dons que le Christ fait à la communauté pour son édification sont aussi des personnes, et non pas seulement des capacités, n’est pas absente de l’Écriture (Ep 4.11). À la lumière de Mt 18.1 5, on peut plaider que les enfants de chrétiens rappellent aux disciples l’humilité à laquelle ils sont appelés. Les enfants leur rappellent que la question « n’est pas de savoir quel accueil ils recevront bientôt au royaume des cieux, mais quel accueil ils réservent aujourd’hui aux petits de ce monde(85) ». Les enfants, par leur position inférieure aux adultes(86), indiquent à la communauté un chemin spirituel. Dans cette perspective, les enfants ne sont pas au sein de la communauté uniquement pour grandir dans la foi, mais aussi pour faire grandir la communauté dans la foi et dans l’accueil du Christ(87). En ce sens, ils sont dons de Dieu à l’Église, et signes vivants d’une parole que Jésus adresse à ses disciples de tous les temps. Ils sont aussi le rappel, tel un aiguillon, de la mission première de l’Église : annoncer la Bonne Nouvelle du Christ à tous !

ANNEXE : Synthèse des résultats du QCM envoyé aux pasteurs de la FEEBF

Nous livrons ici une synthèse(88) des résultats et des interprétations que nous avons pu en faire à partir des réponses à un questionnaire envoyé aux pasteurs de la FEEBF en octobre 2019 (61 répondants). Dans le questionnaire en question, le terme « enfant » désignait un mineur de moins de douze ans.

Comment les enfants se situent-ils par rapport à l’Église ?

La phrase « les enfants qui fréquentent l’Église gravitent autour de l’Église » reçoit le désaccord le plus net, tandis que la phrase « les enfants qui fréquentent l’Église font partie de l’Église » reçoit l’accord le plus net. La phrase « les enfants qui fréquentent l’Église sont l’Église » est la plus clivante, avec une quasi-égalité entre l’accord total et le désaccord total. On a peut-être là le symptôme le plus frappant du sondage qui révèle que le statut de l’enfant dans l’Église est un sujet globalement impensé de notre théologie baptiste, et qu’on a donc du mal à exprimer.

Les cultes

Les enfants sont généralement présents à la louange, à la prière et à l’offrande. Ils sont généralement absents lors de la prédication, de la cène, des annonces, et de la bénédiction finale.

Il y a très peu d’évolutions de l’implication des enfants dans les différents moments du culte entre les cultes « classiques » et les cultes familles. Cela montre que les cultes familles sont essentiellement des cultes pour les enfants et assez peu des cultes où on implique les enfants.

Dans deux Églises, il y a une participation systématique respectivement de 8 et 10 enfants à la cène (ils y sont donc présents à chaque fois), dont les plus jeunes ont respectivement 9 et 5 ans. Seuls certains d’entre eux sont baptisés.

Enseignement des enfants

Les sondés pensent majoritairement que l’éducation des enfants en matière de foi est le rôle de la famille, accompagnée par l’Église. Le seul domaine d’enseignement qui fait exception est l’enseignement biblique et doctrinal, pour lequel il y a quasiment moitié/moitié entre la famille (accompagnée par l’Église) et l’Église (accompagnée par la famille). Il est intéressant de croiser ces réponses avec le fait qu’en amont de la présentation d’enfants, seulement 41% des pasteurs discutent du rôle des parents selon l’Écriture.

Remarques générales

De manière globale, les courbes des réponses sont des gaussiennes assez hautes, ce qui signifie que la diversité de positions et de pratiques quant au statut de l’enfant dans nos Églises se vit tout de même dans le cadre de tendances globales. Nous n’avons pas affaire à un éclatement des positions et pratiques sur ce sujet.

Il nous a semblé que les résultats du sondage révélaient que le statut de l’enfant est globalement un impensé de la théologie baptiste, et que l’on réagissait davantage sur ce sujet à ce que l’on n’accepte pas plutôt qu’à ce que l’on croit (on n’accepte pas que la foi des parents sauve un enfant ; on n’accepte pas que les enfants ne soient que l’Église de demain, etc.).





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1.
Le Comité de réflexion théologique (CRT) de la FEEBF se compose de : Erwan CLOAREC (directeur de la formation FEEBF) ; Valérie DUVAL-POUJOL ; Paul Achille EFONA ; Nicolas FARELLY (Président) ; Stéphane GUILLET ; Arnaud JEUCH ; Thomas POËTTE.
2.
Ont participé à ce travail de collaboration au titre du Comité enfance et jeunesse : Marjolaine ROUX (présidente) ; Matthieu MOURY ; Alison WYLD.
3.
Sondage réalisé par le CRT auprès des pasteurs de la FEEBF, intitulé : « Questionnaire sur la place des enfants dans vos Églises ». Voir annexe et lien Internet en toute fin de document.
4.
Dans ce sondage, il fallait considérer « les enfants » comme des mineurs de moins de douze ans.
5.
À la question « Les enfants qui fréquentent l’Église sont l’Église de demain », 14,75% ont répondu « pas du tout d’accord » ; 40% « pas vraiment d’accord » ; 31,14% « plutôt d’accord » ; et 14,75% « totalement d’accord ».
6.
Jérôme LAURENT, L’enfant dans l’Antiquité, Centre Sèvres, Archives de philosophie, 2017/4 Tome 80 p.629. L’auteur souligne le statut précaire de l’enfant dans l’Antiquité, il mentionne, entre autres, la pratique courante de l’amphidromie, un rite socio-religieux au cours duquel le père de la maisonnée, quelques jours après la naissance du nouveau-né, devait le porter et courir très vite autour de (l’autel ?) la maison et exposer ensuite le nouveau-né sur l’autel afin d’évaluer en quelque sorte sa vitalité, condition sine qua non en vue de son accréditation pour intégrer le cercle familial.
7.
Olivier RIAUDEL, « La dignité de la personne humaine », Revue d’éthique et de théologie morale, 2008/2 n°249 pp.51-52.
8.
Lydia JAEGER, « Quelques notes historiques sur la notion de personne », Théologie Évangélique vol.18, n°2, 2019, p.46.
9.
Ibid, p.48.
10.
Il faut noter que certains ne vont pas jusqu’à considérer l’embryon comme une personne.
11.
Le comité considère qu’il ne lui appartient pas de se prononcer avec certitude sur le salut des enfants décédés. Comme la majorité des théologiens consultés sur cette question, nous nous en remettons à la grâce et la bienveillance de Dieu pour dire notre espérance que Dieu agira toujours avec justice et amour.
12.
Henri BLOCHER, « Le statut de l’enfant devant Dieu et dans l’Église », Exposé prononcé à la Journée des anciens des AESR, le 22 mars 1997, pp.2-3.
13.
Ibid., p.9.
14.
Ibid., p. 9.
15.
Ibid., pp.10-11.
16.
Jean PIAGET, Six études de psychologie, collection folio essais, n°71, Paris, Denoël, 1964.
17.
Olivier HOUDE, La psychologie de l’enfant, Paris, Que sais-je, 9e éd., 2020, pp.9-10.
18.
Anne BAUDIER & Bernadette CELESTE, Le développement affectif et social du jeune enfant, Malakoff, Dunod, 2019, pp.173-185.
19.
Ibid., p.16
20.
En psychologie de l’adulte, les deux principales techniques d’imagerie utilisées pour étudier les réseaux neuronaux sont la Tomographie par Émission de Positions (TEP) et l’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf).
21.
Philippe ROCHAT, Le Monde, 2006b cité par Anne BAUDIER, Bernadette CELESTE, op.cit., p.184.
22.
Quant à la prise en compte des apports des études consacrées au développement de l’enfant dans le cadre de la transmission de la foi (contenu doctrinal) nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage de Rebecca NYE, La spiritualité de l’enfant. Comprendre et accompagner, Paris, Empreinte temps présent, 2015 ; ou à l’article de Nathalie PERROT, « La spiritualité de l’enfant : comprendre et accompagner », Hokhma 114/2018, pp.47-64.
23.
Nathalie PERROT, « La spiritualité́ de l’enfant : comprendre et accompagner », Hokhma 114, 2018, p.63.
24.
On retrouve la même tension entre l’appréciation de l’enfant comme un adulte en devenir et l’appréciation de l’enfant comme ayant sa valeur propre. Voir aussi Christophe PAYA, « Pour une théologie de l’enfant : réflexions préliminaires », Théologie Évangélique 9/1, 2010, p.8 et Collectif, « Jalons pour une théologie de l’enfant », Théologie Évangélique 9/1, 2010, pp.20ss.
25.
John H. WESTERHOFF, Will Our Children Have Faith?, Harrisburg – New York : Morehouse Publishing, 2012, pp.89-98, cité par Nathalie PERROT, « L’accompagnement spirituel des adolescents », dans Christophe PAYA, et Nicole DEHEUVELS (sous dir.), Famille et conjugalité. Regards chrétiens pluridisciplinaires, Carrière-sous-Poissy/Charols, La Cause/Excelsis, 2016, pp.274-275 et Nathalie PERROT, « La spiritualité́ de l’enfant », op. cit., pp.56-57
26.
Ibid., p.56.
27.
Thomas HALBROOKS, « Children and the Church: a Baptist Historical Perspective », Review and Expositor LXXX/2 (1983), pp.179-88
28.
Étienne LHERMENAULT, Les Églises baptistes ; Un protestantisme alternatif, Paris, Empreinte temps présent, 2009, p.19.
29.
Dale MOODY, Baptism: Foundation for Christian Unity, Philadelphia, Westminster Press, 1967 ; Georges R. BAESLEY-MURRAY, Baptism Today and Tomorrow, New York, Saint Martin’s, 1966.
30.
William E. HULL, « The Child in the Church », in Cyril E. Bryant and Ruby J. Burke, sous dir., Celebrating Christ’s Presence Through the Spirit, Nashville, Broadman Press, 1981, pp.161-69.
31.
Principes ecclésiastiques de la FEEBF, article premier : « L’Église locale est, aujourd’hui encore, une communauté de croyants qui, ayant accepté le message de l’Évangile, ont été baptisés sur profession de leur foi, et sont associés pour vivre, dans la communion spirituelle et fraternelle, à la gloire de Dieu. »
32.
Jean CALVIN, Première Épitre aux Corinthiens, Commentaires de Jean Calvin sur le Nouveau Testament. Tome cinquième, Premier volume, Aix en Provence, Kerygma 1996, pp.121-122.
33.
Ibid. p.122
34.
Ibid.
35.
Ibid..
36.
Pour Gordon D. FEE, The First Epistle to the Corinthians, NICNT, Grand Rapids, MI, Eerdmans, 1987, p.301 : « La "consécration" de la partie, dans le sens d’une "mise à part" pour Dieu, "sanctifie" le tout. Israël n’est pas encore converti, mais parce que les "prémices" et la "racine" étaient saintes, Israël a été ainsi "sanctifié" pour Dieu, l’Israël du temps de Paul, bien que toujours incrédule, était cependant "saint" dans ce sens particulier. »
37.
Henri BLOCHER, Le statut de l’enfant devant Dieu et dans l’Église, op. cit., p.11.
38.
Ibid. p.13
39.
Henri BLOCHER, « La famille, les enfants et le Seigneur », exposé prononcé au Congrès sur l’évangélisation des enfants, 18-24 septembre 1972, Lausanne. p.3. Henri Blocher souligne l’irresponsabilité de l’enfant qui lui permet de participer aux gestes de la piété sans hypocrisie sans foi personnelle.
40.
Ibid. p.3.
41.
Le canon du Nouveau Testament ne couvre que le temps de la première génération de chrétiens, la période apostolique. Cela explique certainement le relatif silence de la transmission générationnelle.
42.
Ronald BERGEY, « L’alliance et la famille au travers de l’Ancien Testament », La Revue Réformée 220, 2002/5, pp.1-12.
43.
Roland DE VAUX, Les institutions de l’Ancien Testament, I, 5e éd., Paris, Cerf, 1989, p. 39 cité par R. BERGEY, op. cit.
44.
Henri BLOCHER, « Le statut de l’enfant devant Dieu et dans l’Église », op. cit., p.8.
45.
Donald COBB, « La place des enfants dans la nouvelle alliance et dans l’Église », La Revue Réformée 220/5, 2002, pp.1-12.
46.
Henri Blocher les nomme enseignement de la Bible, exercice de la discipline et exemple de la vie (in « La famille, les enfants et le Seigneur », pp.4 à 6). Ces catégories sont poreuses chez d’autres auteurs.
47.
Cf. infra.
48.
Cf. supra.
49.
Ibid
50.
Bernard HUCK, « La transmission de la foi aux enfants », dans Christophe PAYA et Nicole DEHEUVELS sous dir., Famille et conjugalités, Charols, Excelsis, p.473.
51.
Denis VILLEPELET, L’avenir de la catéchèse, coll. Interventions théologiques, Paris-Bruxelles, Éd. de l’Atelier/Lumen Vitae, 2003 et Denis VILLEPELET, Les défis de la transmission dans un monde complexe. Nouvelles problématiques catéchétiques, coll. Théologie à l’Université, 9, Paris, Desclée de Brouwer, 2009.
52.
Henri BLOCHER, La doctrine du péché et de la rédemption, Édifac, 2001, p.194, note 2. Henri Blocher relève que « les emplois incontestables de ‘foi’ au sens ‘objectif’, fides qua, sont rares ; en Ep 4.5, Jude 3, probablement Rm 12.3 et 6, Ep 4.13 et quelques autres passages ».
53.
Olivier RIAUDEL, « Fides qua creditur et Fides quæ creditur Retour sur une distinction qui n’est pas chez Augustin », Revue théologique de Louvain, 43, 2012, 169-194. https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2012_num_43_2_4020, consulté le 11/09/2021.
54.
Donald COBB, « La place des enfants dans la nouvelle alliance et dans l’Église », La Revue Réformée 220/5, 2002, pp.1-12
55.
Ibid, p.2.
56.
Neal BLOUGH, Les révoltés de l’Évangile, Paris, Cerf, 2017, pp.128-129.
57.
W.M.S. WEST, « The Child and the Church: a Baptist Perspective », dans W.H. BRACKNEY, P.S. FIDDES & J.H.Y. BRIGGS, Pilgrim Pathways. Essays in Baptist History in Honour of B.R. White, Macon, GA, USA, Mercer University Press 1999, pp.75-110 ; voir en particulier pp.78-79.
58.
W.M.S. WEST, art cit, pp.80ss.
59.
W.M.S. WEST, pp.82. On a d’abord mis l’accent sur l’engagement des parents. Mais très vite on a aussi souligné l’importance de l’engagement de la communauté chrétienne ; Ibid¸ p.83.
60.
George R. BEASLEY-MURRAY, « Church and the Child in the New Testament », Biblical Quarterly 21/1966, p 215, plaide pour le catéchuménat, notion venant de l’Église primitive (cf. 1 Clément 21.6ss). La présentation d’enfant est alors comprise comme l’introduction dans le catéchuménat. La proposition se trouve aussi dans le rapport publié par l’Union Baptiste anglaise, intitulé, The Child and the Church. A Baptist Discussion, London, 1966, où est développée la belle métaphore du jardin dans lequel se trouve une serre où sont préparés les jeunes plants avant d’être mis en pleine terre ; la serre, c’est le catéchuménat ; le jardin, c’est l’Église. La proposition de mettre en place un statut de catéchumène n’a pas eu de suite. Une des raisons est que la notion de catéchuménat était « peu connue pour la plupart des baptistes » (cf. WEST, art cit, p.103).
61.
WEST, p.88, qui cite George R. BEASLEY-MURRAY, « The Church and the Child », The Fraternal (1943), pp.9-13.
62.
WEST, pp.89-90, qui cite H. H. ROWLEY, “The Origin and Meaning of Baptism”, dans Baptist Quarterly 11/1945, pp.309-320.
63.
Georges R. BEASLEY-MURRAY, « Church and Child », p.214 ; I. Howard MARSHALL, Commentary on Luke, NIGTC, Grand Rapids, 1986, p 682 ; P. BONNARD, L’évangile selon Saint Matthieu, CNT 1, Paris, 1963, p 285 ; Richard T. FRANCE, L’évangile de Matthieu, Edifac, Vaux-sur-Seine, 2000, p 91. Le Jour des Expiations (Yom Kippour) était une des grandes fêtes annuelles du peuple d’Israël ; cf. Lévitique 16.
64.
Ce verbe « empêcher » se trouvant plusieurs fois en contexte baptismal (Mt 3.14 ; Ac 8.36 ; 10.47 ; 11.17 ; notamment la question : « Qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? ») de nombreux théologiens (Calvin, Cullmann, Jeremias, voir Bonnard, op cit, p.285, note 2) ont pensé que ce texte reflétait les coutumes baptismales du 1er siècle et pouvait donc être utilisé pour justifier le baptême des enfants. Calvin en faisait un « bouclier contre les anabaptistes ». I. Howard MARSHALL, Commentary on Luke, NIGTC, Grand Rapids, Eerdmans, 1986, p.682, et George R. BEASLEY-MURRAY, Baptism in the New Testament, Exeter, Paternoster, pp.320-329) considèrent à raison que cette proposition est trop spéculative pour être prise en compte.
65.
Dans ce sens, I. Howard MARSHALL, op. cit., pp.682-683 et le contexte dans l’évangile de Luc 18.9-14 ; d’où la mention des bébés chez Luc.
66.
Collectif, Textes liturgiques, Les Cahiers de l’École pastorale, Hors-série n°17, Paris, 2016, pp.9-23 (avec introduction explicative, pp.10-14 ; nous appellerons ce texte : texte FEEBF ; Christophe PAYA, « Actes Pastoraux. La présentation d’enfant », dans Dictionnaire de Théologie Pratique, sous dir Ch. Paya, Charols, Excelsis, 2011, pp.70-71 ; François-Jean MARTIN, « La présentation des enfants », Servir en l’attendant, n°1, janvier-février 2003, et https://www.servir.caef.net/?p=5584, consulté le 13/09/2021.
67.
https://www.servir.caef.net/?p=5584, consulté le 13/09/2021
68.
https://www.servir.caef.net/?p=5584, consulté le 13/09/2021.
69.
Mt 19.14.
70.
On parle volontairement des « adultes » plutôt que des parents, car les grands-parents, beaux-parents, parrains, marraines et autres membres du cercle intime peuvent aussi jouer un rôle important dans cette transmission.
71.
Voir Christophe PAYA, « Les enfants et l’Église », Les Cahiers de l’École pastorale n°91, 2014
72.
Voir par exemple la formation Equip’6 de la FEEBF, la formation CFME de la Ligue pour la Lecture de la Bible, sans négliger le besoin de connaissances bibliques solides.
73.
Mc 10.13-15 et parallèles.
74.
Voir Sébastien FATH, Du ghetto au réseau. Le protestantisme évangélique en France (1800-2005), coll. Histoire et société n°47, Genève, Labor et Fides, 2005, pp.40 42.
75.
Nigel G. WRIGHT, Free Church, Free State. The Positive Baptist Vision, Milton Keynes et Waynesboro, Paternoster, 2005, p.71.
76.
Karl BARTH, Dogmatique, IV/4, p.46.
77.
Nathalie PERROT, « L’accompagnement spirituel des adolescents », dans Christophe PAYA et Nicole DEHEUVELS (sous dir.), Famille et conjugalité́. Regards chrétiens pluridisciplinaires, Carrière-sous-Poissy/Charols, La Cause/Excelsis, 2016, p.278.
78.
Janie BLOUGH, « La place des enfants lors du culte », Les Cahiers de l’École pastorale n°96, 2015, pp.41 52.
79.
À ce sujet, voir Laurent CLÉMENCEAU, Partager la cène, coll. Éclairages, Charols, Excelsis, 2017 ou Ibid., « Prendre la cène en “discernant le corps” ? Qu’est-ce que le “corps” en 1 Corinthiens 11.27 29 », https://point-theo.com/prendre-cene-discernant-corps-quest-corps-1-corinthiens-11-27-29/, consulté le 13/ septembre 2021.
80.
Voir Alain NISUS, « Cène », dans Christophe Paya, sous dir., Dictionnaire de théologie pratique, Charols, Excelsis, 2011, p.169.
81.
Voir Nathalie PERROT, « Culte de Pâques intergénérationnel », Les Cahiers de l’École pastorale n°107, 2018, pp.69 70.
82.
Alain NISUS, « Cène », p.170.
83.
Voir « Les mineurs peuvent-ils être membres d’une association cultuelle ? », https://infojuridique.lecnef.org/association/statuts/131-les-mineurs-peuvent-ils-etre-membres-dune-association-cultuelle?highlight=WyJtZW1icmUiLCJtaW5ldXIiXQ, consulté le 6 juillet 2019.
84.
Voir Alan KREIDER, Catéchèse, baptême et mission. Leçons d’hier pour l’Église d’aujourd’hui, coll. Perspectives anabaptistes, Charols, Excelsis, 2013.
85.
Nathalie PERROT, « La spiritualité de l’enfant : comprendre et accompagner », op. cit., p.51.
86.
Richard T. FRANCE, L’Évangile de Matthieu, tome 2, CEB NT 01, Vaux-sur-Seine : Édifac, 2000, p.79.
87.
Voir Janie BLOUGH, « La place des enfants lors du culte », op. cit., p.47.
88.
Vous trouverez une synthèse exhaustive des résultats du QCM en suivant ce lien : https://drive.google.com/file/d/183J3V-rGFi98I8ptY24xD0TiUwd4pqGb/view?usp=sharing, consulté le 13/09/2021.

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