L’Église comme lieu de développement de la vie spirituelle I

Extrait Vie et gestion de l'Église

Le titre de cette réflexion a servi de thème à un week-end de l’Église Baptiste de l’avenue du Maine à Paris, animé par le pasteur Louis Schweitzer. La première partie est centrée sur notre relation à Dieu, la seconde sur la dimension communautaire et fraternelle de l’Église.[première partie]

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L’Église comme lieu de développement de la vie spirituelle I

I – LAISSER DIEU ÊTRE DIEU

Le titre choisi peut surprendre. Mais, dans ce premier exposé, je voudrais pouvoir esquisser ce qui me semble sans doute à la fois l’essentiel et le point de départ. Nous croyons que Dieu est Père, qu’il est Fils en Jésus-Christ et présent et actif parmi nous par le Saint-Esprit. Nous le croyons tous et nous sommes certainement capables, les uns et les autres, de dire là-dessus des tas de choses justes et intelligentes. La question est de savoir si nous prenons tout ce que nous disons au sérieux; en d’autres termes, si nous prenons Dieu au sérieux. Je suis persuadé que le développement de notre vie spirituelle, qu’elle soit personnelle ou communautaire dépend largement de cela. Ce que nous pensons sur Dieu, le pensons-nous vraiment? Bien sûr, il y aura ensuite des conséquences pratiques sur lesquelles nous reviendrons; elles concernent notre approche de l’Écriture comme de la prière par exemple. Mais elles sont directement liées à cette question première: laissons-nous Dieu être Dieu, prenons-nous au sérieux ce que la Bible dit et ce que nous croyons sur Dieu?

Le modèle trinitaire

Rassurez-vous, je ne veux pas faire de la haute théologie, mais simplement rappeler des choses essentielles. Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit. Cette Trinité est l’idée la plus haute que nous pouvons nous faire de Dieu. Or, elle est avant tout relation entre le Père, le Fils et l’Esprit, et relation d’amour. Et cette relation en Dieu même est le modèle de notre propre relation avec lui et entre nous. «Ce n’est pas pour eux (les disciples) seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un; comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous afin que le monde croie que tu m’as envoyé» (Jn 17.21). Nous allons essayer de creuser un peu ces questions et il faut que nous gardions à la mémoire qu’elles présentent toujours une dimension verticale (notre relation avec Dieu) et une dimension horizontale (les conséquences pour notre relation fraternelle).

Laisser Dieu être un Père pour nous

Il ne s’agit pas de refaire le catéchisme, de vérifier ce que nous sommes censés penser sur Dieu. Mais de nous examiner intérieurement pour savoir ce que nous pensons vraiment. Qu’est-ce que «penser vraiment»? Au fond, c’est tout simple. Si je pense et dis que je n’ai pas peur de l’orage, mais que je me cache dès que le premier coup de tonnerre retentit, est-ce que je pense vraiment ce que je dis? Probablement pas… Reconnaissons que le mot Dieu est pour nous difficile à concevoir. Nous disons qu’il est le créateur des cieux et de la terre, c'est-à-dire de l’univers tout entier.

Imaginez l’univers tel que vous pouvez l’entrevoir à travers ce que vous savez de l’astronomie ou l’astrophysique. Dieu est le créateur de tout, c'est-à-dire qu’il est au-delà, bien au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir. Il est aussi le créateur du temps qui est une des dimensions de l’univers. Et quand je dis qu’il est au-delà, nous ne savons en rien combien il peut l’être, ni sérieusement ce que cela veut dire. Notre imagination ne peut que balbutier devant cette perspective infinie. Pourquoi est-ce que je vous dis tout cela, alors que vous attendiez des choses pratiques? Pour vous rappeler, pour nous faire comprendre que nous ne pouvons pas mettre Dieu dans une petite boîte. Et pourtant, c’est souvent ce que nous faisons. Nous imaginons un Dieu sympa qui nous protège plus ou moins (je dis plus ou moins car nous savons bien que cela ne marche pas à tous les coups). En gros, il ne nous embête pas trop, nous laisse mener assez tranquillement notre petite vie et nous espérons qu’il répondra quand nous aurons besoin de lui. Il le fait d’ailleurs de temps en temps. Certains en rendent témoignage le dimanche au culte. Mais nous savons bien que parfois il ne répond pas. Et nous ne faisons donc appel à lui qu’en désespoir de cause. Je caricature certainement, mais je reconnais parfois ces choses-là en moi. Difficile, dans ce cas, de dire que Dieu représente effectivement quelque chose d’important pour nous… Nous savons bien que ce que la Bible dit, ce qui est prêché à l’Église, ce que nous sommes censés penser, mais ça n’a au fond que peu d’importance. Nous n’y croyons pas tout à fait.

Et justement, qu’est-ce que la Bible dit? Elle nous dit, vous le savez aussi bien que moi, que ce Dieu tout-puissant, inimaginable, au-delà de tout ce que nous pouvons penser, connaît, et d’une certaine manière dirige toutes choses dans ce monde. Je dis «d’une certaine manière», car il n’est pas responsable du péché ni du mal. Et c’est là que la perspective devient effectivement extraordinaire. Dans les choses dont il s’occupe, il y a les galaxies les plus lointaines, les trous noirs et toutes ces choses que nous ne comprenons pas très bien pour la plupart d’entre nous, mais qui nous fascinent quand nous entendons des spécialistes nous parler de l’univers. Il y a aussi l’histoire des hommes, bien que d’une manière plus compliquée car nous, les hommes, nous ne lui facilitons pas la tâche. Mais le plus extraordinaire, c’est encore autre chose, c’est qu’il s’intéresse à nous. Je ne veux pas dire à l’Église en général, partout dans le monde. Bien sûr qu’il s’intéresse à elle. Je ne dis pas non plus l’Église de l’avenue du Maine. Bien sûr qu’elle l’intéresse. Non, je veux parler de nous, de moi, de toi, de chacun d’entre nous en particulier. C’est ça le plus extraordinaire: ce Dieu qui est au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer et penser, s’intéresse à ma vie, à mes joies et mes souffrances. Ma vie, il la connaît mieux que personne et bien mieux que moi. Il en sait les tenants et les aboutissants et il connaît par cœur tout ce que nous voudrions cacher même à nos meilleurs amis, tout ce que nous essayons même de nous cacher à nous-mêmes. Et ce Dieu là veut entrer avec nous dans la relation d’un Père avec son fils. Il veut prendre soin de nous et nous guider dans la réalité de notre existence. Est-ce que nous y croyons? Plus précisément, pour nous aider à répondre: nous comportons-nous en fonction de cela ou non? Nous comportons nous en enfants de Dieu, en enfants de ce Père qui nous aime et qui dit que nous pouvons lui faire confiance? Si nous sommes honnêtes, la plupart d’entre nous devraient répondre la plupart du temps (vous entendez que je laisse la porte ouverte): cela nous arrive parfois, mais rarement. Le plus souvent, nous vivons comme s’il n’existait pas (sans pour autant douter consciemment de son existence) et nous ne revenons vers lui que dans des circonstances particulières comme les moments de culte personnels ou communautaires, et puis, bien sûr, quand rien ne va plus. En un mot, nous ne pensons sérieusement à lui que quand nous avons besoin de lui. Nous avons là la première des raisons qui font que l’Église ne favorise guère la croissance spirituelle. C’est que l’Église, ce n’est pas l’institution, c’est vous, c’est moi, ce sont les gens qui la composent. Si eux ne croient pas vraiment, comment voudriez-vous que l’Église soit en forme? Et rappelez-vous: c’est la paternité de Dieu, la présence du Père qui fonde la fraternité des fils.

Laisser Jésus être le Fils de Dieu

Nous avons certainement beaucoup d’affection pour Jésus. Nous la chantons de temps en temps. Nous savons qu’il est le Fils unique de Dieu. Unique, oui, mais qui veut être le premier d’une multitude de frères. Et je vous rappelle que nous sommes censés être un petit bout de cette multitude. Qu’est-ce que cela veut dire?

Nous avons parfois tendance à penser que Jésus est venu uniquement pour nous sauver en prenant notre péché sur la croix. C’est un peu comme si sa vie, son enseignement, n’avaient pas d’intérêt véritable. La croix suffit, elle nous sauve et comme nous nous rappelons bien que nous ne sommes pas Jésus, nous avons l’humilité de ne pas nous comparer au Christ. Or, Dieu est venu en Jésus-Christ pour que nous devenions nous aussi des fils. Nous sommes appelés à suivre Jésus afin de devenir à notre tour des fils et des filles de Dieu. Cela veut dire que l’enseignement de Jésus, celui des évangiles comme de la Bible tout entière est un enseignement concret. Il ne s’agit pas d’une idée séduisante que nous pourrions caresser de temps en temps sans trop y croire vraiment, mais d’un mode de vie effectif, d’une manière extrêmement pratique de vivre notre relation avec les autres et avec Dieu. Ne croyez-vous pas que, bien souvent nous prenons l’Évangile pour une belle histoire et que le mot spirituel a un petit côté éthéré? Vous savez, un peu comme lorsqu’on dit que quelque chose s’est passé «par l’opération du Saint-Esprit»…

Or, ce que l’Évangile nous propose relève de ce que j’appellerais un réalisme spirituel. Réalisme parce que, justement, Dieu s’est incarné en Jésus-Christ. Lui qui était Dieu est devenu vraiment homme. Et cela n’a pas juste pour conséquence ce que nous croyons du Christ. Si Jésus, lorsqu’il était parmi nous, était vraiment Dieu et vraiment homme, cela veut dire que cet homme qu’il était, c’est celui que nous sommes appelés par Dieu à devenir. Non qu’il faille «singer» la vie de Jésus et vivre comme il a vécu il y a 2.000 ans. Vivre comme lui, c’est se demander, s’il était un homme ou une femme, dans les conditions qui sont les miennes, avec la situation et l’âge qui sont les miens, comment il se comporterait. Comment vivrait-il la même fidélité envers son Père et le même amour envers les hommes? Et la réponse que nous trouverons si nous la cherchons n’est rien d’autre que notre feuille de route. Voilà exactement ce que nous devrions vivre. Je ne dis pas cela pour nous culpabiliser. Je sais bien que nous n’y sommes pas encore, mais sommes-nous sûrs que c’est bien notre chemin? Et cette question concerne aussi bien ma vie que, par extension, celle de la communauté.

Le Christ est-il au centre de ma vie, au centre de notre communauté? Ou ne l’est-il que dans les discours?

Laisser l’Esprit prendre sa place

C’est peut-être là que nous allons commencer à toucher non seulement les choses pratiques, mais aussi ce qu’il y a de pratique dans tout ce que nous venons de dire.

La première chose, c’est que l’Esprit n’est pas quelque entité de vague et de flou. L’Esprit, c’est la présence de Dieu en nous et au milieu de nous. Ou, autrement dit, c’est Dieu, le Père et le Fils, tout proche, présent avec nous, au milieu de nous et en nous. «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera; nous viendrons vers lui et nous ferons notre demeure chez lui» (Jn 14.23).

Nous parlions d’accepter Dieu comme Père. C’est l’Esprit en nous qui nous permet d’appeler Dieu notre Père. «Vous avez reçu un esprit d’adoption par lequel nous crions: “Abba, Père”. L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu» (Rm 8.15-16).

Nous parlions de devenir fils derrière le Fils et grâce à lui. C’est l’œuvre de l’Esprit de Dieu en nous. Nous oublions trop souvent que c’est cet Esprit qui opère tout en tous. Or, cet Esprit est agissant en nous. «L’Esprit de vérité vous conduira dans toute la vérité» (Jn 16.13); «il vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que moi (Jésus) je vous ai dit» (Jn 14.26). Ces paroles sont dans l’évangile de Jean, mise dans la bouche de Jésus. Et Paul, dans l’épître aux Romains, ne dit pas autre chose: «tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu» (8.14). Donc l’Esprit est là pour nous enseigner, nous conduire, nous transformer en enfants de Dieu. Est-ce que nous vivons cela? Dans l’Église de Jésus-Christ, certains mettent tellement l’accent sur l’Esprit que les autres en arrivent parfois à en avoir peur. Et le risque, c’est de ne quasiment plus en parler. On parle bien de la Trinité, mais pour tout dire, le Père et le Fils nous suffiraient bien…

Or, il me semble que nous sommes là sur un point qui est aussi essentiel pour notre vie personnelle que pour une vie d’Église. Pourquoi est-ce aussi important? C’est parce que l’Esprit est précisément ce qui fait la différence entre un Dieu confessé mais seulement formel et le Dieu vivant!

Dieu se fait proche de nous par l’Esprit. Plus intime à moi-même que mon propre cœur. Et c’est cette proximité qui change tout! D’ailleurs, si vous avez la curiosité de revenir un peu sur les réveils qui ont émaillé l’histoire de l’Église, dans toutes les confessions, qu’est-ce qui «fait» le réveil? C’est généralement cette conviction qui vous tombe dessus que Dieu est là et que cette présence à laquelle tous les chrétiens croient, d’une certaine manière, elle est «pour de vrai».

Pensez donc! Si vous croyiez vraiment que Dieu est en vous, au plus profond de votre cœur, qu’il veut vivre avec vous et vous conduire effectivement dans les chemins de votre vie, est-ce que cela ne changerait pas tout? Et quand je parle des chemins, je ne parle pas des grandes questions spirituelles, mais de notre réalité quotidienne, notre vie de famille, de couple, notre manière de vivre au travail, les choix que nous sommes appelés à faire dans notre existence…

Et si nous croyons que notre Père s’occupe effectivement de nous, si nous croyons que le Dieu de l’Univers s’intéresse à nos problèmes, est-ce que cela ne va pas changer notre manière de les voir? «Ne vous souciez pas de ce que vous mangerez ou boirez pour vivre, ni de quoi vous serez vêtus, ni de toutes ces choses qui nous pèsent et nous angoissent, ce sont les païens qui se font ces soucis. Non seulement l’inquiétude ne sert à rien, mais surtout votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez premièrement le Royaume de Dieu et tout le reste vous sera donné en plus» (d’après Mt 6.24-34).

Imaginez votre vie si vous faisiez effectivement complètement confiance en notre Père! Et imaginez la vie de l’Église si cette confiance était considérée comme la chose la plus naturelle… Pourquoi notre absence de confiance est-elle si handicapante? Justement parce qu’elle nous empêche de chercher avant tout le Royaume de Dieu. Nous cherchons souvent à faire la volonté de Dieu dans la limite de nos loisirs. Il y a les choses les plus importantes et le service de Dieu qui vient après.

Si nous sommes attentifs à la vie de l’Esprit en nous, nous devenons attentifs à la présence de notre Père et nous commençons à savoir par expérience que nous pouvons lui faire confiance; nous sommes attentifs à la présence de Jésus notre Seigneur et à la manière dont il veut nous conduire.

Je voudrais maintenant esquisser deux points qui sont essentiels dans notre vie avec Dieu comme dans notre vie d’Église, mais qui peuvent être perçus un peu autrement à la lumière de ce dont nous venons de parler.

La méditation de l’Écriture

Si nous devions dire quels sont les accents principaux de la spiritualité évangélique, je pense que nous nous retrouverions facilement autour de la méditation de l’Écriture et de la prière. Cela me semble juste et je voudrais m’attarder un peu sur certains aspects de ces deux approches de Dieu.

Nous savons tous qu’il est bon de lire la Bible parce que c’est ainsi que nous pouvons connaître Dieu. Mais qu’en est-il dans la réalité? Il faut bien reconnaître que la lecture biblique a fortement diminué dans toutes les Églises protestantes, y compris évangéliques. On en parle bien plus qu’on ne la lit. Soyons honnêtes, statistiquement, on peut dire que beaucoup d’entre nous ne la lisent que rarement.

Et quand on la lit, comment la lit-on?

Il me semble que parfois nous lisons la Bible pour soigner notre culpabilité. Une sorte de lecture rapide avant de passer à la prière. D’accord, c’est mieux que rien. Encore que… Ça peut avoir un petit côté vaccin qui nous dispense d’une vraie lecture. Qu’est-ce que j’appelle une «vraie lecture»?

Il y a bien sûr beaucoup de manières de lire la Bible. Je voudrais citer trois approches qui sont complémentaires et qui me semblent indispensables pour grandir dans la vie spirituelle. Trois approches qui peuvent se vivre en Église car c’est elle le lieu de l’apprentissage.

D’abord la lecture suivie. Nous ne connaissons souvent de la Bible que des morceaux choisis. Quelques grands textes par-ci par-là et bien souvent toujours les mêmes. Apprenons à lire les livres de la Bible comme des livres pour en comprendre le sens global. La Bible en un an par exemple; mais quand on n’a pas le temps, lecture simplement suivie de temps en temps de tel livre, exactement comme nous lirions un roman. C’est une magnifique ouverture au «monde biblique» dans son ensemble. On apprend ainsi à connaître la Bible.

Ensuite l’étude un peu sérieuse de la Bible. Nous risquons souvent de rester à la surface, avec toujours les mêmes textes et les mêmes idées que nous avons dans la tête avant même de lire le texte. Jamais les chrétiens n’ont eu à leur disposition autant d’instruments pour faciliter l’étude de la Bible: introductions, commentaires, documents informatiques… Et cette étude, il est bon de la faire ensemble autant que possible. Et cela pour deux raisons. (1) D’une part, nous avons des regards différents et nous ne voyons pas toujours les mêmes choses dans l’infinie richesse du texte. Nous ne comprenons pas toujours de la même manière les textes. Et (2) il y a dans l’Église des dons qui nous sont faits par Dieu. Certains ont eu plus de temps et de moyens pour travailler le texte et ils peuvent aider les autres à mieux y entrer. Ces dons sont précieux et il faut en remercier le Seigneur. Mais cela ne veut pas dire que nous pouvons faire l’impasse de notre réflexion personnelle. Les études de Richard sont, j’en suis sûr, excellentes, mais vous avez certainement le droit de ne pas être d’accord avec lui toujours. On ne cherche plus seulement à connaître la Bible, mais à la comprendre.

Enfin la méditation de la Parole de Dieu. Qu’est-ce que j’entends par là? Connaître la Bible, la comprendre même, peuvent ne pas changer grand-chose. Nous sortons de tout cela satisfaits et un peu plus intelligents, mais c’est tout. Et ce n’est pas assez! Ce dont nous avons besoin, c’est de nous nourrir de la révélation de Dieu. Mais nous en nourrir suppose que nous soyons touchés bien plus profondément que le seul intellect. Méditer, c’est ruminer, c’est laisser un texte, souvent court, tourner et retourner en nous, jusqu’à ce qu’il touche tel ou tel aspect de mon être intérieur. Méditer, c’est s’exposer à la Parole que Dieu nous adresse. Lorsque j’étudie, ma pensée et mon intelligence sont tendues vers la compréhension et j’en retire du profit. Mais lorsque je médite, mon intelligence et mon cœur sont ouverts, disponibles pour ce que le texte pourra me dire que je n’attends pas forcément. Dans la grande tradition des chrétiens d’Orient, à la suite des Pères de l’Église, on met fortement l’accent sur la nécessité pour l’intelligence de descendre dans le cœur. Et je crois que c’est une perspective très juste. Il n’y a pas, comme parfois chez nous, d’opposition entre l’intelligence rationnelle et le cœur affectif. Il y a la nécessité que nous nous ouvrions à la Parole et à l’Esprit pour que nous soyons touchés dans nos profondeurs. Et c’est comme cela que la connaissance peut devenir vraiment utile car elle ne reste plus superficielle. C’est alors la Parole qui est accueillie au cœur de notre être.

La prière d’écoute

La prière est également un élément essentiel de la relation à Dieu. C’est elle qui fait passer d’une relation objective je – il à une relation plus profonde et surtout plus personnelle je – tu.

La prière est un immense sujet et le week-end aurait pu lui être entièrement consacré. Là encore, prions-nous vraiment? Non que je veuille mettre en doute d’aucune manière votre prière. Et cela d’autant moins que nous avons tous notre manière propre, spécifique de vivre notre intimité avec le Seigneur. Enfin, je sais par expérience que nous ne sommes pas parfaits, que nous balbutions et que le Père accueille nos balbutiements avec bienveillance.

Tout cela est vrai, mais il n’empêche. La prière est souvent limitée à quelques demandes qui me concernent directement. Elles sont certainement justifiées (la prière de demande est juste), mais c’est un peu court.

Si nous croyons que Dieu est Dieu et que l’Esprit est bien celui dont nous entendons parler dans le Nouveau Testament, nous croyons qu’il veut nous conduire dans toute la vérité, nous enseigner toutes choses en nous rappelant ce que le Seigneur nous a dit… Il est bon, alors, de temps en temps, et peut-être souvent, de nous mettre à l’écoute de ce que Dieu peut avoir à nous dire. Nous savons que, par l’Esprit, le Père et le Fils ont leur demeure en nous.

N’est-il pas naturel qu’ils veuillent nous parler, non pas pour nous donner de nouvelles révélations extraordinaires, mais pour nous guider et nous aider à avancer? Avez-vous essayé de laisser Dieu parler en nous, dans le silence?

Si Dieu veut nous conduire et nous parler, encore faut-il que nous nous taisions pour l’écouter. Il nous faut donc du silence pour distinguer en nous-mêmes le son doux et subtil de la voix de Dieu (1R 19.12). Nous devons faire taire ces préoccupations, ces idées si diverses qui se bousculent dans notre esprit.

Le recueillement est la prise au sérieux du dialogue avec Dieu. Si nous connaissons sa volonté par l’Écriture, l’Esprit est aussi sa présence entière et vivante avec nous et en nous (Jn 14.23; 1Co 3.16…). Et il est là pour nous conduire et nous guider (Jn 16.13-15; Ac 16.6-10…). Le Seigneur peut nous parler de mille manières, par un texte approprié, par une personne, souvent inconsciente de la portée que sa parole peut avoir pour nous, par un événement, mais aussi par une conviction intérieure ou encore par un sentiment qui vient de nos profondeurs. Il faut donc être prudent pour ne pas appeler volonté de Dieu ce qui n’est que le produit de nos craintes ou de nos désirs. L’expérience nous apprendra le discernement, mais l’enracinement dans la Parole et le partage avec les frères sont les plus sûres protections.

• Pour le recueillement aussi, il faut du temps. Nous sommes si pleins de nous-mêmes et de nos soucis qu’il nous faut atteindre un silence attentif vrai, au-delà de notre brouhaha intérieur. Attention! Nous ne cherchons pas le silence pour lui-même mais pour écouter l’Esprit de Dieu. Nous ne «faisons pas le vide»; nous nous taisons simplement pour écouter un autre nous parler. Commençons donc par être simplement devant Jésus, nous attachant à sa présence en nous et avec nous. Que notre être intérieur silencieux soit d’abord empli du Christ. Peu à peu, nous deviendrons aussi attentifs à ce que sa présence suscite en nous.

• Dieu pourra nous parler de bien des manières. Une idée, une conviction, un sentiment, peuvent naître en nous et s’imposer. Parfois, nous prendrons conscience de choses à changer en nous-mêmes, d’un pardon à demander, de quelque chose à faire. Cela pourra concerner de toutes petites choses ou les grandes décisions qui engagent notre vie. Dieu pourra répondre aux questions que nous nous posons ou mettre le doigt sur tout autre chose. Encore se peut-il que, par là aussi, il nous réponde. Mais Dieu est libre de parler ou non et, si je n’entends rien, c’est peut-être qu’il n’a rien à me dire pour le moment. La parole qu’il adresse suffit souvent pour une bonne partie du chemin. J’aurai cependant passé du temps devant lui et avec lui et ma journée en gardera la marque.

Un crayon? Pourquoi pas, pour noter ce qui peut nous venir dans ce temps d’écoute? Il n’est pas anti-spirituel de tenir un crayon en main pendant le recueillement. Par contre, notre mémoire est faible et notre «vieil homme» s’empresse d’oublier ce qui ne lui convient pas. Par ailleurs, noter libère l’esprit pour lui permettre d’être attentif à d’autres choses.

Comment savoir? Comment distinguer ce qui vient de Dieu et ce que produit notre imagination ou notre inconscient? Au fond, c’est plus simple qu’il n’y paraît. Bien souvent, nous distinguons clairement ce qui vient de notre peur ou de nos désirs. D’autant plus que l’Esprit nous enseigne et nous rappelle ce que Jésus a dit (Jn 14.26). Bien souvent, il applique à notre situation personnelle ce que l’Écriture elle-même enseigne. Il se peut qu’être attentif à Dieu n’introduise pas en nous quelque chose de nouveau, mais mette en place et harmonise des éléments dispersés de nous-mêmes. La Parole de Dieu est la norme à laquelle nous devons mesurer tout ce qui nous vient. Sa méditation attentive est donc nécessaire pour donner à notre recueillement un fondement solide. Mais l’Écriture ne me dira pas si je dois partir en mission ou non, ni le chemin que je dois prendre entre plusieurs, tous aussi bons les uns que les autres. Le partage avec les frères est alors utile pour confirmer ou remettre en cause ce que je crois avoir perçu de la volonté de Dieu.

Questions pour les groupes

• Dans quel domaine Dieu a-t-il besoin de reprendre sa place dans ma vie ou dans nos vies? • Quelle est ma vraie manière de lire et de méditer l’Écriture? • Écouter Dieu. Est-ce que cela évoque quelque chose dans mon expérience?

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