Le sociologue et philosophe Jean-Pierre Le Goff évoque sa stupéfaction face à l’étonnement de tous ceux qui ont été surpris par Vladimir Poutine. Il écrit : « Ancrée dans des schémas préconçus et cherchant à se rassurer à tout prix, une partie des élites et de l’opinion a refusé de croire jusqu’au dernier moment à une invasion de l’Ukraine. Ce n’est pas une simple affaire de méconnaissance. Il y a eu un refus d’affronter le réel, mécanisme semblable à celui que l’on a connu avec la montée de l’islamisme avant que les premiers attentats produisent leurs effets de sidération. »
Des yeux pour ne pas voir ?
Ce qu’il déclare n’est-il pas valable pour un grand nombre de situations (géopolitiques, sociologiques, éthiques, sociétales…) ? N’est-il pas souvent bien tard quand nous prenons conscience des conséquences de tel changement discret, de telle déclaration trop vite oubliée, de telle décision ou loi adoptée lorsque notre attention était fixée ailleurs ?
Des oreilles pour ne pas entendre ?

Alors que les agents malfaisants sont actifs, nous sommes des enfants de chœur, incapables d’affronter lucidement la réalité, trop timides pour dénoncer les manigances, trop naïfs pour croire que les orgueils peuvent faire taire les consciences. L’enfer, déjà pavé de bonnes intentions, est aussi envahi de mauvaises ; notre surdité est affligeante.
Dormez, bonnes gens
L’affliction est de constater que la fiction est plus acceptée que la réalité. Netflix a plus d’audience que le 20 h et les influenceurs plus de crédit que les analystes. Combien de temps a-t-il fallu au monde entier pour découvrir...