Les rapports entre chrétiens et juifs ont été et sont encore vécus comme ceux qui unissent deux frères (sœurs) ennemis. Leurs cheminements ont de plus en plus divergé.
L’Église est née d’une division au sein du peuple juif. Les écrits du Nouveau Testament portent les cicatrices de cette déchirure (1). L’Évangile a d’abord été reçu par les Juifs à qui il était naturellement destiné. Mais, par la suite, le refus de la majorité d’entre eux va être douloureusement vécu par les premiers apôtres (2). Cette déception va marquer la mémoire collective du monde chrétien. La persistance de la Synagogue face à l’Eglise va être un rappel constant de cet échec. Le fossé va se creuser, comme on creuse une tombe.
La destruction du temple de Jérusalem en 70 puis la disparition du nom de Judée au profit de celui de Palestine (pays des Philistins) imposé par les Romains va faciliter l’idée de substitution de l’Israël selon la chair (les juifs) par l’Israël spirituel (les chrétiens). L’antijudaïsme va se transformer en antisémitisme. Le péché suprême étant le refus du Messie, le Juif sera assimilé au péché. La sulfureuse accusation de peuple déicide va ensuite dédouaner l’empire romain prétendument devenu chrétien.
Expliquer n’est pas excuser
En devenant religion d’empire le Christianisme dira aux Juifs : « Vous ne pouvez plus vivre parmi nous comme Juifs. » La solution sera alors de les convertir (souvent de force) au christianisme. Au Moyen-âge les chefs séculiers leur diront : « Vous ne pouvez plus vivre parmi nous. » La solution sera de les rassembler dans des ghettos. Puis, quand les Nazis décréteront : « Vous ne pouvez plus vivre », la « solution » sera finale !
Pendant des siècles l’esprit chrétien a été façonné par ce que Jules Isaac a appelé « l’enseignement du mépris. » Il ne faudra pas moins que l’horreur de la Shoah pour que les chrétiens ouvrent enfin les yeux sur ce qui gangrenait leur théologie. Après ce génocide, la permanence même du peuple juif de retour au pays, sera perçue comme signe de la fidélité de Dieu. Permanence du dessein de Dieu dont le but reste le salut de tous.
Retentit à nouveau cette parole de Paul à propos de Jésus le Messie : « Avec les Juifs et les non Juifs, il a fait un seul peuple. En donnant sa vie sur la croix, le Christ a détruit le mur de haine qui les séparait. …Le Christ a créé un seul peuple nouveau en union avec lui, et ainsi, il a fait la paix entre eux. En mourant sur la croix, il a réuni les Juifs et les non Juifs en un seul corps, et il les a réconciliés avec Dieu. Par la croix, il a détruit la haine.» (3)
Dans la Bible, le rassemblement du peuple de Dieu se dit en terme d’association et non pas de substitution. Dommage que tous ceux qui se disent chrétiens n’en aient pas pris toute la mesure.