Aidants, les grands oubliés de notre société

Complet Réflexion

On choisit de devenir bénévole, mais pas d’aider nos proches.


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Pasteur Mamy Aidant de mon épouse

À partir de 2018, Niarintsoa a commencé à éprouver des troubles de la vision qui se sont rapidement accrus au point qu’en 2020 elle a été considérée comme malvoyante. Elle a suivi une formation pour circuler avec une canne blanche et elle a dû acquérir un matériel spécifique conséquent et onéreux : loupe, lunettes, ordinateur, téléphone adapté…
Du coup, les tâches domestiques m’incombent désormais. Sans parler de tous les rendez-vous médicaux où je dois l’accompagner.
Malgré tout, mon épouse suit un cursus de formation professionnelle basée sur la Bible pour l’accompagnement des personnes.
Autant dire que son handicap a bousculé notre vie professionnelle et de couple.

Mamy-Niarintsoa, Pasteur

Aidants de notre fille

Notre fille est née en 2002 avec un nœud aux intestins. Ceci a nécessité une intervention chirurgicale et un long suivi hospitalier. Isaline avait 14 mois quand elle a enfin pu rejoindre le nid familial. Nous lui avons alors cédé la chambre parentale que nous avons équipée d’un appareillage médical approprié. Nathalie et moi avons dû suivre une formation pour utiliser tous ces appareils et surtout lui brancher le cathéter pour l’alimenter.
C’était un bébé fragile. Au moindre accès de fièvre et quelle que soit l’heure, c’était direction l’hôpital. Chez nous, il fallait la brancher 12 heures la nuit avec tout le cérémonial de désinfection matin et soir.
Que de nuits avons-nous été réveillés en sursaut quandune alarme d’appareil sonnait !
Que de mois passés à surveiller sa prise de poids !
Que de vacances passées dans les couloirs de l’hôpital pour les examens de contrôle !
Que d’années à attendre une greffe du foie qui ne s’est finalement plus révélée nécessaire.
On a connu un soulagement quand, à l’âge de 14 ans, Isaline a été dotée d’un appareil portatif qui lui a permis de prolonger la soirée en famille, entourée de ses deux frères aînés ou même chez des amis.
Elle a suivi une scolarité entrecoupée d’absences fréquentes mais elle a pourtant gravi les classes jusqu’à l’obtention du Bac.
À 20 ans aujourd’hui, elle poursuit des études pour être orthoptiste.
Nous remercions Dieu de lui avoir permis d’accéder à une vie d’apparence normale et de nous avoir soutenus dans la traversée de ces multiples moments difficiles.

Jean et Nathalie

Les aidants ont besoin d’aide

Souvent, les aidants ne savent pas qu’ils le sont et c’est bien dommage.

Quelques situations
Si votre enfant a un handicap, vous allez lui accorder plus de temps et d’énergie. Vous en ferez donc pour lui plus que la majorité des parents.
Même chose si vous vous occupez d’un parent malade. Vous ne saurez pas quand vous serez devenu « aidant ».
La question prend encore plus d’acuité entre les époux. À partir de quand devient-on aidant de sa femme ou de son mari ? Pas facile d’y répondre.
De fait, le proche qui va donner beaucoup de temps et d’énergie au détriment de son travail, de ses loisirs ou de son repos, est un « aidant ».

Des exemples concrets
Les aidants s’épuisent souvent car ils pensent qu’ils sont dans leur rôle. Du coup, il est difficile de leur proposer de l’aide. Jeanine est un exemple de refus. Elle a décliné l’aide de « jeunes femmes » pour laver son mari prétextant qu’il fallait que ce soit des hommes qui interviennent.
Le risque peut devenir extrême. Je pense à ce vieux monsieur entré à l’hôpital pour une grosse bronchite alors qu’il était à un stade avancé d’Alzheimer. Quand il a pu rentrer chez lui, son épouse a refusé car elle n’en pouvait plus de gérer seule la situation depuis des années. Ce qui est terrible, c’est que Rose est décédée le jour où son mari devait retourner chez lui. Je reste persuadée qu’elle était tellement angoissée (ou peut-être rongée par un sentiment de culpabilité ?) à l’idée qu’il revienne que son cœur a lâché.
Je pourrais aussi citer Colette, guettée par la dépression car aux prises avec un mari violent et exigeant qui refuse d’aller en accueil de jour. Cela la soulagerait pourtant beaucoup. Or, elle-même se drape dans sa dignité et son devoir d’épouse.

Des facteurs aggravants
Dans une maladie neurodégénérative comme Alzheimer, la personne passe par plusieurs stades. Elle peut devenir méchante, violente même, cruelle. Un homme qui a toujours été courtois et poli peut, par exemple, commencer à parler crûment et à s’exhiber. Du coup, les proches sont tellement choqués qu’ils ne veulent pas que des personnes extérieures viennent à la maison. L’entourage se replie sur lui-même.
J’ai remarqué aussi que l’on attend beaucoup plus des femmes dans ce domaine que des hommes. Ces préjugés très profondément ancrés en nous, nous font penser qu’il est plus naturel pour une femme d’aider. Du coup, les femmes reçoivent ou demandent moins d’aide.

Une prise de conscience nécessaire
L’aide que l’on apporte par amour à son proche est essentielle. Mais il est important aussi de prendre conscience des conséquences pour l’entourage. Or, la société n’a pas toujours vraiment envie de savoir comment cela se passe.

Valérie Roques, ancienne assistante sociale hospitalière. Administratrice d’un service pour les personnes âgées (CLIC).

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Pour en savoir plus sur le statut d’aidant : www.aidants.fr


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