Introduction
« Antioche et Alexandrie représentent deux paradigmes herméneutiques distincts. Antioche s’intéressait, par une approche littérale, au message explicite délivré par le texte, ainsi qu’à ses qualités spirituelles. Alexandrie tirait du texte son sens spirituel, en le replaçant dans l’ensemble du savoir théologique. »
Cette citation de Werner Jeanrond dans son Introduction à l’herméneutique théologique (1995) (1) résume bien la façon généralement admise de présenter l’histoire de l’herméneutique chrétienne à l’époque patristique. En effet, dès la fin du 2 e siècle, apparait à Alexandrie le premier courant d’herméneutique chrétienne que l’on pourrait qualifier « d’école » d’interprétation (2) . Cette école d’Alexandrie se caractérise par son interprétation allégorique du texte biblique. Un peu plus tard à Antioche, un autre courant d’interprétation, plus littérale dans son approche du texte biblique, vint faire contrepoids à la tradition herméneutique d’Alexandrie. Ainsi, dès les premiers siècles de l’Eglise, deux schémas herméneutiques s’affrontent, chacun d’eux représenté par une école différente avec une lecture différente. C’est, du moins, la façon traditionnelle de présenter les choses. Mais cette dichotomie a récemment été remise en question (3) .
Certes, ces deux approches peuvent sembler contradictoires. Elles illustrent les tensions qui existaient déjà dans l’Eglise des premiers siècles concernant la question de l’interprétation de la Bible. Mais peut-on vraiment placer ces deux paradigmes herméneutiques en opposition l’un avec l’autre, comme on le fait habituellement ? Ces deux schémas d’interprétation sont-ils contradictoires ? Leurs approches sont-elles si différentes ?
Pour pouvoir donner quelques pistes de réflexion sur le sujet, il convient tout d’abord de replacer ces deux écoles dans le contexte de leur développement historique. Nous insisterons d’abord sur les différences qui opposent ces deux écoles, avant de voir comment les deux modèles convergent dans le temps. Pour chaque partie, un auteur représentatif sera rapidement évoqué. Bien entendu, dans l’espace restreint qui est le notre, nous ne ferons que dresser un portrait à grands traits, afin de donner un cadre de réflexion global qui ne prétendra pas être exhaustif. En dernier lieu, nous exposerons quelques-uns des arguments qui viennent remettre en question la présentation traditionnelle de ces deux écoles d’interprétation chrétiennes, cela dans le but d’appeler à un dépassement du schéma antagoniste qui opposerait radicalement Antioche et Alexandrie.
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