8 juin 1797. Albertine de Broglie chantée par Lamartine

publié le 8 June 2023 à 02h01 par José LONCKE

8 juin 1797. Albertine de Broglie chantée par Lamartine

Albertine Ida Gustavine de Broglie (née : de Staël- Holstein) naquit le 8 juin 1797. Elle était la fille de Madame de Staël et de Benjamin Constant.

Elle avait reçu une solide instruction religieuse du pasteur Jen-Isaac Cellerier. C'était une revivaliste convaincue.

Elle s'était mariée le 20 février 1816 avec Achille Léonce Victor Charles, Duc de Broglie (1804-1870), qu'elle entraînera souvent à la Chapelle Taitbout.

Elle porta un intérêt particulier à l'oeuvre naissante des Missions protestantes outre-mer.

Elle est décédée le 22 septembre 1838, à l’âge de 41 ans. Voici sa dernière profession de foi, écrite à un ami non-croyant  :

« Non seulement je reconnais la voix de Dieu dans l’Évangile, mais je reconnais Dieu dans Jésus-Christ... Je crois donc en lui comme je crois à la parole d’un ami... Je me crois, je me sens condamnée par mes œuvres, Jésus-Christ m’apporte son pardon complet, gratuit. Son sacrifice... me rétablit dans la paix et l’amour de Dieu... L’Esprit de Dieu, en changeant mon cœur, me rend capable d’un bonheur saint et pur. »

Et ce qu'on pouvait lire d'elle dans les journaux :

« Une des plus ardentes zélatrices du calvinisme »...

Lamartine, écrit à Saint-Point, le 15 novembre 1838 son « Cantique sur la mort de la Duchesse de Broglie » qui paraîtra dans le recueil « Recueillements poétiques » en 1839. Dans sa « Lettre à Monsieur Léon Brys d’Ouilly » servant de préface, il écrit :

« La première pièce de ce recueil est un cantique sur  la mort de Mme la duchesse de Broglie, fille de la  femme immortelle qui a fait du nom de Staël un des  grands noms français. J'ai appelé ces strophes un cantique, parce que la  pureté et la sainteté de la mémoire de Mme de Broglie  ne pouvaient inspirer qu'une véritable religion d'accents au poète qui la célébrait. Je voulais que ma vénération et ma reconnaissance point cette noble, belle et grande femme, retentissent de ma faible voix  jusqu’au delà de son tombeau.

Voici comment j'avais eu le bonheur de la connaitre... J'étais, depuis ma tendre enfance , un admirateur exalté du génie et du caractère de Mme de Staël... Hélas ! il n'y avait plus d'elle à Paris que son nom ; elle venait de mourir.... Mais je désirais au moins voir cette fille de Mme de Staël, incarnation féminine de ce génie viril de sa mère, la beauté de ses rêves, la vertu
de ses conceptions.

Je priai Mme de Saint-Aulaire, son amie, de me présenter à Mme de Broglie. Elle voulut bien y consentir. Dès que j'eus aperçu la fille, je ne regrettai plus  de n'avoir pas connu la mère. Elle effaçait tout. Elle fut pour moi pleine de grâce, d'indulgence, d'accueil.  Elle avait une de ces beautés religieuses dont le vrai  cadre est un sanctuaire ; toutes les pensées qui traversaient ses beaux yeux semblaient venir directement  du ciel, et s'adoucir seulement en regardant les choses d'ici-bas pour ne pas les consumer et les pulvériser du  regard. Son âme, en effet, habitait les tabernacles  d'en haut : c'était la mère de famille telle que Raphaël
aurait pu la peindre, si la Vierge avait eu d'autres  enfants qu'un Dieu !

... Mme de Broglie avait en religion le caractère que sa mère, Mme de Staël , avait en génie : l'enthousiasme contenu, actif et éloquent. C'était la statue grave de  la prière, la femme de Dieu, pour lui appliquer cette belle et simple expression des hommes de bien par  excellence : « C'est un homme de Dieu ».

Quand j'appris sa mort prématurée...  ma première pensée fut un cantique de glorification et non de larmes. On ne pleure pas ce qu'on invoque. Son souvenir, pour tous  ceux qui l'ont connue, ressemble moins à un deuil qu’à une transfiguration... »

Quelques extraits de ce long poème : où nous tropuvons un témoignage de l'influence spirituelle d'Albertine de Broglie (sa prière, sa foi, la Bible dont elle se nourissait, son souci de partager sa foi, sa persévérance dans les épreuuves...)


... Tu vois cette âme printanière,
Fructifiant avant l’été,
Répandre en dons, comme en prière,
Son parfum de maturité...

Elle était ce thym des collines
Que l’aurore semble attirer,
Que pour embaumer nos poitrines
Nos lèvres venaient respirer !
Dans cet air froid du monde infecté de nos vices,
Ses lèvres de corail étaient deux frais calices
D’où coulait ta parole en célestes accents.
Combien de fois moi-même, embaumé de ses grâces.
Comme en sortant d’un temple, en sortant de ses traces,
Je sentis mon cœur plein d’encens !

Oh ! qui jamais s’approcha d’elle
Sans éprouver sur son tourment
D’une brise surnaturelle
Le divin rafraîchissement ?
Au timbre de sa voix, au jour de sa paupière,
Amis ! qui ne sentit fondre son cœur de pierre,
Et ne dit en soi-même, en l’écoutant parler,
Ce que disait l’apôtre au disciple incrédule :
« Ne sens-tu pas, mon cœur, quelque chose qui brûle,
Et qui demande à s’exhaler ? »

... Dès qu’un seul mot rompait le sceau de ses pensées.
On les voyait monter, vers le ciel élancées,
Jusqu’où monte au Très-Haut la contemplation ;
Son œil avait l’éclair du feu sur une armure,
Et le son de sa voix vibrait comme un murmure
Des grandes harpes de Sion.

Elle montait ainsi jusqu’où l’on perd de vue
L’âme contemplative à son Dieu confondue,
Perçant avec la foi les voiles de la mort ;
Et revenait, semblable à l’oiseau du déluge,
Rapporter un rameau de paix et de refuge
Aux faibles qui doutaient du bord !

... Ce grain qu’elle cherchait comme la poule gratte
Le froment ou le mil sur une terre ingrate,
C’était, Seigneur, c’était les lettres de ta loi ;
C’était le sens caché dans les mots du saint livre,
Dont le silence parle et dont l’esprit fait vivre
Ceux qui se nourrissent de foi !

... Elle échappait rêveuse et tendre
Par ce divin recueillement
Qui fait silence pour entendre
Le vol de l’ange au firmament !
Grâce au bras que son Christ lui prête,
Elle marchait sur la tempête
Sans tremper ses pieds au milieu ;
Et cette figure céleste,
Esprit et corps, n’était qu’un geste
Qui foulait l’onde et montrait Dieu !

... Ton amour, ô Seigneur ! est dans l’amour suprême !
L’amour de ces enfants en qui le chrétien t’aime ;
Sur leurs cœurs ulcérés cette huile de ta foi ;
Ces aumônes d’esprit en pages de ta Loi ;
Ces pains multipliés pour nourrir leurs misères ;
Ces conversations la nuit avec ses frères,
Pour charmer leur exil en se parlant de toi ;
Ces cœurs fertilisés se fondant en prières
Aux hymnes du prophète-roi :
C’étaient là de ses nuits les voluptés sévères.

...Elle n’est plus ! Le jour a pâli de sa perte !
Où son cœur comblait tout, que la place est déserte !
Berceau de ses enfants, maison de son époux.
Seuils des temples sacrés où pliaient ses genoux.
Prisons dont sa clef d’or écartait les verrous,
Porte des malheureux par son aumône ouverte,
Comment vous consolerez-vous ?
Et nous, cœurs ténébreux dont la lampe est couverte,
Nous ses amis, que ferons-nous ?
Remplirons-nous les deux du cri de nos alarmes ?
Nous inonderons-nous de cendres et de larmes ?
Répandrons-nous notre âme en lamentations,
Comme ceux qui n’ont pas l’espoir dans leurs calices.
Et qui ne mêlent pas le sel des sacrifices
A l’eau de leurs afflictions ?

...Un jour elle disait à celui qui la pleure :
« Le monde n’a qu’un son, la gloire n’a qu’une heure ;
Suspendez votre harpe aux piliers du saint lieu !
Mélodieux écho des accords prophétiques,
Chantez aux jours nouveaux les éternels cantiques !
Dieu donc n’est-il pas toujours Dieu ? »

 

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