J’ai récemment entendu cette phrase : « Prêche à partir de tes cicatrices, pas de tes blessures ». Je l’ai trouvée intéressante et, ô combien, pertinente, tant pour mon ministère que pour celui de nombreux pasteurs et responsables d’Église.
Les cicatrices, en effet, ne sont pas, ne sont plus, des blessures. Elles ont été des blessures mais elles sont aujourd’hui réparées et guéries. Ces blessures ont néanmoins laissé une marque permanente. Si vous avez une cicatrice sur votre corps, c’est que vous êtes guéri, mais force est de constater que vous n’êtes plus le même : vous êtes marqué. Ainsi, quand vous prêchez à partir de vos cicatrices, vous pouvez refléter et partager quelque chose des différentes difficultés que vous avez rencontrées – vos souffrances, vos épreuves, vos échecs – mais d’une manière qui montre à ceux qui vous écoutent que Dieu sait et peut guérir ces blessures. Vos auditeurs sont alors invités, à travers votre expérience, à réfléchir et méditer sur une vérité similaire pour leur propre vie. Dieu les a-t-il déjà guéris de certaines blessures ? Dieu est-il en train de les guérir ? Eux-mêmes sont-ils disposés à laisser Dieu agir, selon sa volonté et son timing ?
Les blessures, nous le savons tous, sont des plaies ouvertes, ensanglantées. Elles font mal ! Alors, quand on prêche à partir de ses blessures, on ne voit pas clairement, on n’a pas le recul nécessaire sur notre douleur et sur la guérison que Dieu est peut-être en train d’opérer. Du coup, dans de telles prédications, on parle de souffrances, de difficultés et d’échecs de façon à attirer l’attention sur nous et non sur Dieu. Et dès lors, les gens répondent peut-être par un « Je suis désolé de ce qu’il vous arrive » ou « J’aimerais tant faire quelque chose pour vous aider »… Oui, dès lors le prédicateur devient l’objet de la prédication, celui à qui la communauté auditrice veut répondre. Il n’est plus le véhicule par lequel Dieu peut apporter la transformation et la guérison dans la vie de tous ceux qui sont à son écoute.
C’est avec des mains encore empreintes des blessures de la croix que Jésus a envoyé ses disciples annoncer la bonne nouvelle de sa résurrection. Mais la souffrance avait disparu, la vie avait vaincu la mort ! Alors oui, j’apprécie cette phrase : « Prêche à partir de tes cicatrices, pas de tes blessures ». Celle-ci me rappelle qu’en tant que prédicateur, je ne prêche pas une parole désincarnée, une parole lisse comme une peau de bébé. Non, je prêche la Parole incarnée, Jésus-Christ lui-même, mort et ressuscité ! Et cette Parole a trait à mon existence et à celle de tous ceux qui l’écoutent. C’est une Parole qui s’applique à la vie concrète, et parfois douloureuse, de chacun. Mais c’est une Parole qui « élève », une Parole qui dirige les regards vers le Dieu qui la communique, une Parole qui enjoint à l’espérance en un Dieu qui guérit, qui relève, qui soutient et qui accompagne… C’est une Parole qui envoie, qui encourage, qui exhorte.
Les différents articles reflètent tous à leur manière cette Parole, une Parole nourrissante et engageante pour l’Église, une Parole qui la rejoint dans ce qu’elle est présentement pour l’amener à réfléchir à l’action de Dieu dans sa vie pour mieux marcher avec lui. En effet, nous avons décidé, dans ce numéro, de laisser une grande place aux différentes interventions prononcées lors du synode de l’Union des Églises Évangéliques Libres (UEEL) et du congrès de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France (FEEBF) qui se sont déroulés lors du même week-end de l’Ascension 2015. Chez les « libristes », c’est le pasteur Louis Schweitzer qui était invité à traiter de l’opportunité et de la pertinence d’une prise de parole publique d’Église, ainsi qu’à évoquer les différents sujets qui pourraient mériter, aujourd’hui ou à l’avenir, une telle parole. Un sujet difficile, mais ô combien important pour toutes les communautés et unions d’Églises chrétiennes. Chez les baptistes, la thématique retenue était « Sauvés par l’Esprit ». L’occasion pour les congressistes de faire le point et de réfléchir ensemble à leur théologie du Saint-Esprit (pneumatologie), en lien avec leur théologie du salut (sotériologie) et leur théologie de l’Église (ecclésiologie). Ces thématiques, en particulier les deux premières, ne faisant pas toujours l’unanimité, elles méritaient effectivement d’être revisitées. Les interventions du pasteur Thierry Rouquet et de moi-même ont donc proposé quelques pistes et réflexions bibliques et pratiques allant dans ce sens.
Bonne lecture à chacun(e) !
Quelques abréviations utilisées dans ce numéro
CNEF : Conseil National des Évangéliques de France
EPUDF : Église Protestante Unie de France
FEEBF : Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France
FLTE : Faculté Libre de Théologie Évangélique (Vaux-Sur-Seine)
IBN : Institut Biblique de Nogent Sur Marne
UEEL : Union des Églises Évangéliques Libres