En considérant d’une part l’extrême pauvreté qui existe pour plus d’un milliard de personnes dans le monde aujourd’hui et d’autre part ce qui est communément désigné sous le nom de « nouvelle pauvreté » en France, il est intéressant pour des chrétiens d’étudier ce que la Parole de Dieu enseigne et décrit sur ce sujet.
La Bible est riche en enseignements, exhortations et conseils concernant les pauvres, les démunis, les délaissés, aussi bien dans la loi, la littérature sapientiale ou les prophètes de l’Ancien Testament, que dans les évangiles, les actes des apôtres ou les épîtres destinées à l’église primitive.
Une étude de l’ensemble de ces textes serait par trop prétentieuse pour un tel article(1), aussi la présente étude se limitera au livre des Proverbes, appartenant à la littérature de sagesse de l’Ancien Testament.
LES MOTS HÉBREUX UTILISÉS DANS LES PROVERBES POUR DÉSIGNER LE PAUVRE OU LA PAUVRETÉ
1- « Rosh », « rash » (24 fois) = « pauvre, pauvreté » (Pr 6.11 ; 10.4,15 ; 13.7,8,18,23 ; 14.20 ; 17.5 ; 18.23 ; 19.1,7,22 ; 20.13 ; 22.1,2,7 ; 24.34 ; 28.3,6,27 ; 19.13 ; 30,8,9).
Mot général pour désigner la pauvreté, sans coloration morale particulière. Le pauvre par rapport au riche, le dépossédé, le démuni.
2- « Ebyon » (4 fois) = « pauvre, inassouvi, quémandeur » (Pr 14.21 ; 30.14 ; 31.9,20).
Le nécessiteux, celui qui a besoin de délivrance des exigences matérielles, du péché. Le pauvre manifestant un désir, donc le pauvre qui quémande, le mendiant (cf. Ex 23.6 ; Dt 15.11)(2).
Une partie des produits du sol, en l’année sabbatique, devait lui être réservée (Ex 23.11 ; Dt 15.9), il fallait le rassasier de pain (Ps 132.15) et avoir compassion de lui (Pr 14.31). És 14.30 nous montre des gens n'ayant pas de lieu où reposer la tête, et Ps 40.15 ; 69.34 ; 86.1 appliquent ce terme à l’homme qui implore le secours de Dieu. L’ébyon est donc celui qui, dans sa misère physique, morale ou spirituelle, implore la charité et, notamment, celle de Dieu.
Souvent, c’est aussi celui qui souffre sous l’occupation étrangère et qui considère avec tristesse sa pauvreté, contrastant avec l’insolence et l’opulence des occupants(3).
3- « Dal » (14 fois) = « indigent, faible, chétif » (Pr 10.15 ; 14.31 ; 19.4,17 ; 21.13 ; 22.9,16,22 ; 28.3,8,11,15 ; 29.7,14).
Le pauvre plutôt dans l’ordre de l’état physique et de la santé, l’infirme, le maigre, le faible, par opposition au gras et bien nourri (Gn 41.19 : « des vaches chétives »).
Dans les Proverbes, « dal » n’est jamais employé pour désigner les personnes devenues pauvres par leur propre faute (par paresse, négligence ou extravagance. Ce terme « exprime déjà une responsabilité sociale »(4), particulièrement dans la raison emphatique de Proverbes 22.22 de « ne pas dépouiller l’indigent (« dal ») parce qu’il est indigent (« dal ») ».
4- « Ani » et « anawim » (11 fois) : « malheureux, humble » (Pr 3.34 ; 14.21 ; 15.15,33 ; 18.12 ; 22.4,22 ; 30.14 ; 31.5,9,20).
L’abaissé, l’opprimé par les riches (És 3.14 ; Am 2.7), ou le pieux affligé par les méchants (Ps 10.2). Celui qui courbe la tête sous le coup du sort, de la misère et de l’affliction(5). C’est le plus courant des noms du pauvre dans l’A.T.
Le mot hébreu « anaw » est sans doute la forme aramaïsante de l’hébreu « ani », souvent confondu par les copistes. Dès le 6ème siècle av. J.-C. il a davantage pris un sens religieux (humble devant Dieu, So 2.3 ; 3.12), surtout au pluriel : les « anawim » = « les pauvres de Dieu ». L’anaw est donc celui qui, par souci d’humilité, de douceur et de justice, préfère supporter l’injustice que de la commettre(6). Il pourrait même être assimilé au « pauvre d’esprit » de la première béatitude (Mt 5.3 ; cf. Ps 10.17). Ce mot prendra une connotation morale, et désignera le doux, l’humble. Le Messie annoncé par Zacharie est présenté comme un « ani » dans Zacharie 9.9 (cf. Mt 21.5 ; Jn 12.15). Dans les Proverbes, ce mot ne se rencontre que sous la forme substantivée : « anawa », Proverbes 22.4 : « La conséquence de l’humilité, de la crainte du Seigneur, c’est la richesse, la gloire et la vie » ; ainsi que Proverbes 15.33 et 18.12 très connu : « L’humilité précède la gloire ».
5- « Machesor » (9 fois) : « privation, disette » (Pr 6.11 ; 13.25 ; 14.23 ; 21.5,17 ; 22.16 ; 24.34 ; 28.22,27).
Signifie le besoin, la disette, la privation, le manque.
COMPORTEMENTS ET ACTES ENTRAÎNANT LA PAUVRETÉ
1- La paresse
« La main nonchalante appauvrit, mais la main active enrichit » (10.4-5 ; cf. 6.9-11; 13.4,25 ; 19.15 ; 20.13 ; 21.5 ; 24.33-34). Dans ces textes, la pauvreté n’est pas une honte, mais la fainéantise oui(7). L’important, ce sont les conséquences : c’est la main nonchalante qui conduit à la pauvreté(8), c’est la paresse qui rendra quelqu’un affamé.
2- L’amour des plaisirs
« Celui qui aime les plaisirs tombera dans l’indigence, celui qui a un faible pour le vin et la grande vie ne sera jamais riche » (21.17). Ce n’est pas le fait d’être joyeux qui est critiqué ici - ce serait contraire à d’autres enseignements de l’Écriture (Ph 4.4 par ex.) - mais celui de faire des plaisirs matériels et temporels de ce monde l’objet et le but de notre joie, alors que la joie est une conséquence de notre attachement à Dieu.
3- Le rejet de l’instruction
« Celui qui ne veut pas se laisser corriger tombera dans la misère et la honte, mais celui qui accepte les critiques sera honoré » (13.18). Le thème de l’instruction revient souvent dans les Proverbes (cf. 1.8 ; 3.1-2…). Tenir compte de l’enseignement d’autrui et de l’instruction de la part de Dieu sont des preuves de sagesse (2.1-5) ; le rejet, le dédain de l’instruction entraînent, entre autres, la pauvreté et le mépris.
4) Le don au riche
« Celui qui opprime le pauvre pour réaliser un gain, ou qui fait des cadeaux aux riches, finira dans la pauvreté » (22.16). C’est un mauvais calcul de prêter ou de donner au riche, car on s’appauvrit, sans pour autant l’enrichir(9). Les deux parties de ce verset décrivent deux manières de comportement. Celui qui opprime le pauvre le fait dans le but de s’enrichir. Un tel acte est aussi stupide, car que pourrait-on encore prendre à un pauvre qui de toute façon ne possède rien ? Il est également insensé de donner au riche, ceci peut-être avec l’espoir d’obtenir sa faveur, car le riche y sera indifférent, n’ayant pas besoin de tels dons. Ainsi ces deux comportements ont ceci en commun, c’est qu’ils décrivent un non-sens, une stupidité(10).
...
...