De l’actu à la personne : prudence, vérité et grâce

Complet Psychologie et vie chrétienne

Comment ne pas penser au débat et aux manifestations autour du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, quand on évoque le sujet de l’homosexualité ? Dans nos oreilles retentissent encore les slogans “Mariage pour tous”, “Tous pour la famille”, “Égalité de droits”, “Un enfant a droit à un père et une mère”. Notre mémoire retient les images des immenses manifestations dans les rues de Paris, passées en boucle sur les chaînes de télévision. Nous entendons encore les protagonistes et les opposants discuter les uns avec les autres, de façon passionnée, dans un débat qui avait l’air d’un dialogue de sourds, d’une passe d’armes parfois, tellement les positions étaient tranchées. Alors, faisons un petit rappel dans le but de discerner les enjeux fondamentaux.

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De l’actu à la personne : prudence, vérité et grâce

MARIAGE ET ADOPTION

La mobilisation contre la loi Taubira, ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe, a surpris par son ampleur et sa durée. En fait, la série de “Manifs pour tous” contre le projet de loi dit “Mariage pour tous”, n’a pas été organisée par un quelconque mouvement politique. Si certains hommes politiques ont eux aussi manifesté, leurs partis n’ont pas pu (ou voulu) récupérer le mouvement.

Dirigeants catholiques romains, protestants et évangéliques, juifs et musulmans se sont exprimés pour dire leur inquiétude. En dépit de leurs divergences confessionnelles, des croyants de tout bord sont descendus dans la rue, bientôt rejoints par des gens ne se réclamant d’aucune religion. Ensemble, ils ont défendu une institution qui leur est chère à tous : le mariage entre un homme et une femme. Au “Droit à l’enfant”, revendiqué par des associations de gays et de lesbiennes, ils ont opposé le “Droit de l’enfant”, à savoir le droit de connaître son père et sa mère biologiques et de grandir avec eux dans un cadre familial.

Nous avons vu dans les cortèges beaucoup de jeunes qui n’avaient jusque-là pas l’habitude de s’engager dans l’action politique. Nous avons vu des parents défiler avec leurs enfants pour dire leur attachement à la famille comme unité structurante de la société. 

Si quelques groupes d’extrême-droite ont essayé de s’y infiltrer, les organisateurs des manifestations ont bien réussi à les tenir à l’écart.

La protestation a surgi de la société civile, des communautés religieuses en particulier. Ensuite, certains élus sont montés au créneau, eux aussi, sans pour autant pouvoir récupérer le mouvement pour tel ou tel parti politique. De ce côté, on note les divergences d’approche de l’UMP, et la stratégie gouvernementale de présenter les manifestants comme des conservateurs qui font bloc à ce que l’on appelle, à gauche, le “progrès” en matière d’égalité de droits civils.

Le projet de loi et les manifestations ont alimenté un débat de société vif et souvent véhément. On ne peut refuser le mariage à des personnes de même sexe qui s’aiment, disaient les uns. La question n’est pas celle de la capacité des sujets homosexuels à s’aimer, rétorquaient les autres. Elle est celle de l’institutionnalisation, c’est-à-dire de la codification par la loi, d’une structure familiale nouvelle(1).

Il faut noter que le sujet qui faisait débat n’était pas l’homosexualité en soi. La grande majorité de la population ne semble pas se poser de questions sur ce phénomène. De plus, beaucoup d’opposants au “Mariage pour tous” approuvaient l’idée d’un statut légal pour les couples homosexuels comme le pacs, ou une union civile comme en Allemagne. Mais, et c’est là le cœur du débat, ils insistaient pour que l’on ne change pas l’institution du mariage entre un homme et une femme, cadre unique de filiation et de parentalité. Voilà le nœud du débat, ouvrir ou pas le mariage et l’adoption aux couples homosexuels.

LE DÉBAT DE SOCIÉTÉ CONTINUERA

La loi a été votée, signée et promulguée. Est-ce que la messe est dite ? On dirait que oui, pour ce qui est de la législation sur le mariage homosexuel. 

Après sa publication dans le Journal Officiel, il n’a fallu que quelques semaines pour que le premier couple homme/homme obtienne le statut de mariés, devant Madame le maire de Montpellier, sous le regard de la presse nationale et internationale, venue exceptionnellement nombreuse. Mais il est fort à parier que le débat de société continue. Au fond, la question suscitée par la loi Taubira n’est pas seulement celle du statut civil d’un couple de même sexe, mais celle du lien entre les générations, et donc de la cohérence de la société tout entière. Les questions concernant les enfants dans toute cette affaire sont loin d’être résolues : adoption par des parents de même sexe, procréation médicalement assistée, gestation pour autrui. Les sigles PMA et GPA font désormais partie du débat. Il faut bien le savoir…

Sur le plan politique, ce sujet ne rentre pas dans le schéma classique gauche/droite. Certains représentants politiques ont participé aux manifs pour tous, mais les opinions dans leurs partis respectifs étaient mitigées. Que s’est-il passé, au juste ?

Plusieurs commentateurs ont souligné que les évènements ont mis à jour une différence profonde qui traverse la population française mais aussi toutes les sociétés occidentales.

On a souvent comparé l’opposition au mariage pour tous aux manifestations de 1984 pour l’école libre, mais selon Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos, c’est une erreur : « À l’époque, il s’agissait de défendre des droits particuliers ; cette fois, le registre est différent puisqu’il a trait à la représentation que l’on a de la société ». Je pense que notre politicologue a raison de dire que le débat et les manifestations ont mis en avant deux visions du comment vivre ensemble. Je le cite :

L’on voit bien que s’affrontent deux conceptions philosophiques hérités de la Révolution française : à gauche, on estime que l’individu doit s’affranchir des ‘carcans’ du passé et produire ses propres normes, tandis qu’à droite, les repères transmis sont considérés comme essentiels, structurant la vie en commun. Or, on ne négocie pas sur les valeurs(2).

Au lendemain de la dernière grande manifestation contre la loi Taubira, le 26 mai 2013, le journaliste Dominique Quinio de La Croix, faisait à peu près la même analyse. Dans son édito, il évoquait deux conceptions globales de la société :

D’une part, une conception de la société où droits et libertés accordés aux individus, accompagnés d’évolutions scientifiques et techniques qui rendent possible l’impossible, semblent reléguer au second plan les notions de devoirs, de responsabilité vis-à-vis des autres, et notamment des plus petits. Le mariage et l’adoption ouverts aux personnes homosexuelles ont mis au jour le décalage.

La procréation médicalement assistée ou la gestation pour autrui, les foyers monoparentaux, ou les questions autour de la fin de vie, le dépistage des handicaps avant la naissance : autant de thèmes qui interrogent les consciences.

Il ne suffit pas, dès lors, de défendre un pré carré bien pensant, mais de contribuer à bâtir un « bien vivre ensemble », dans une société pluraliste et multiculturelle qui ne peut faire l’économie d’un socle de repères communs. La question est éminemment politique, qui concerne tous les partis et toutes les familles de pensée.

Et elle concerne les chrétiens, non pas acculés à un face-à-face défensif avec les autres, mais appelés à un témoignage, vécu et cohérent, de ces valeurs, liées à la morale privée comme à la solidarité sociale avec les plus démunis, qu’ils pensent bonnes pour l’ensemble des citoyens et notamment des plus jeunes .

Une troisième voix que j’aimerais citer est celle de l’ancien grand rabbin de France, Gilles Bernheim. Dans un article souvent cité, il analyse que, dans notre société, nous avons très largement perdu la compréhension de ce qu’est le sens moral :

Nous vivons une société de marché, où nous en sommes arrivés à ne plus penser qu’en termes d’efficacité – comment obtenir ce que nous voulons ? – et de thérapie – comment ne pas nous sentir frustrés par rapport à ce que nous voulons ? Les deux termes qui dominent le discours contemporain sont l’autonomie et les droits… Il nous est ainsi devenu très difficile de réfléchir collectivement à ce que devront être nos orientations concernant l’environnement, la politique, l’économie, l’idée même de la famille ou du mariage, la vie et la mort. Comment parler d’un bien qui excède notre satisfaction particulière et immédiate dès lors que nous avons perdu le sens de ce que sont le devoir, l’obligation, la retenue, et qu’il ne nous reste plus que nos désirs qui réclament leur « dû ». L’enjeu est le risque irréversible d’un brouillage des généalogies par substitution de la parentalité à la paternité et à la maternité. Mais aussi d’un brouillage du statut de l’enfant qui passe de celui de sujet à celui d’objet auquel chacun aurait « droit ». Toute l’ancienne légitimité du mariage en tant qu’institution reconnue par la société comme bonne pour son équilibre et sa pérennité se trouve effacée(3).

Ce ne sont que trois voix qui mettent en exergue une fissure qui se fait dans toutes les sociétés occidentales, notamment en Europe. Tandis qu’une partie de la population veut s’affranchir des institutions sociales du passé, une partie non moins importante de la population y reste très attachée. Si les uns se contentent de la déchristianisation, d’autres ne sont pas rassurés et se demandent si cela nous fait réellement progresser en tant que société.

En tout cas, les protagonistes du « Mariage pour tous », doivent tenir compte du fait que leur opinion n’est pas partagée par tous!
Ceci étant dit, il est incontestable qu’un changement profond est en train de se produire, en France comme dans nombre d’autres pays en matière de relations entre personnes de même sexe. Plusieurs pays leur permettent de se marier au même titre que les couples homme/femme, ou de conclure un partenariat civil, similaire au pacs en France.

En règle générale, ce sont les catholiques romains et les évangéliques qui s’y opposent en bloc, estimant qu’aucun groupe ou gouvernement ne devrait pouvoir redéfinir le mariage qui reste la base fondamentale de la société humaine. En revanche, les anglicans, les réformés, les luthériens et d’autres Églises protestantes historiques sont très divisés en la matière. Dans ces milieux, il arrive qu’une bénédiction soit prononcée sur des unions de même sexe dans l’Église, et que l’on puisse être pasteur et homosexuel pratiquant.

LA PERSONNE D'ABORD

Le débat autour du mariage homosexuel et des questions d’adoption et de filiation a aussi produit un autre effet, à savoir une plus grande visibilité des personnes homosexuelles dans la société et sur la scène publique.

Les gays et lesbiennes, ainsi que leurs relations, sont maintenant beaucoup mieux acceptés, bien qu’il y ait encore plus d’incertitude ou d’insatisfaction à l’égard des changements sociaux dans ce domaine que les médias ne nous font croire.

Alors passons de l’actu à la personne. Parlons, non de l’homosexualité mais de celles et ceux qui se disent lesbiennes et gays ou, tout simplement, attirées par des personnes du même sexe. Passons du concept abstrait au vécu réel. C’est la personne qui doit nous intéresser avant tout. Et c’est aux personnes concernées par l’homosexualité que nous pensons dans notre ouvrage.
Au lieu de l’intituler Homosexualité et Église ou quelque chose comme cela, nous avons opté pour un titre qui met en avant les hommes et les femmes, y compris des frères et sœurs de l’Église. Comment les accueillir, comment les accompagner dans leur quête d’identité, comment les aider à s’en tenir aux principes bibliques et être heureux en même temps ? Bref, comment les aimer ? Voilà les questions posées dans ce hors-série. Et nous allons y répondre de façon pastorale, sur la base de nos convictions évangéliques. Ainsi sommes-nous arrivés à choisir comme titre : Nos prochains homosexuels, approche pastorale évangélique.

Du fait d’une plus grande acceptation des gays et des lesbiennes dans la société, ils sont aussi beaucoup plus visibles dans nos Églises, y compris de nombreuses Églises évangéliques. Quand on compare la situation à celle des années 90, la différence est claire et nette. La plupart des chrétiens évangéliques sont aujourd’hui conscients d’avoir des amis, membres de leur famille, voisins ou collègues de travail gays ou lesbiennes.

Par conséquent, les réflexions et réponses d’un plus grand nombre de chrétiens sur ce sujet sont formulées sur la base d’une expérience personnelle directe, tout autant que sur la lecture de la Bible ou sur l’enseignement évangélique traditionnel.
Peut-on être chrétien et homosexuel ? Participer à la Sainte Cène ? Assumer une responsabilité dans l’Église ? Dans bien des communautés évangéliques, on n’a pas encore commencé à y réfléchir. Bientôt, il y aura des invitations à venir assister au mariage civil d’un membre de la famille gay. Que faire ? Question délicate !

Nous ne pouvons plus esquiver la discussion dans nos Églises, ni faire la politique de l’autruche comme si « chez nous, il n’y avait pas d’homosexuels », comme je l’ai entendu dire, il y a peu de temps encore, par quelques pasteurs. Peut-être qu’ils ne voyaient rien. Peut-être qu’ils n’avaient rien capté qui pouvait laisser penser le contraire. Mais cela ne veut pas dire que personne dans leurs communautés n’était en lutte avec des sentiments homosexuels. Le problème est qu’il n’y a pas souvent d’occasions de le dire en toute discrétion et de se sentir compris.

Il nous incombe de réfléchir aux chemins d’un accompagnement pastoral et spirituel demandés par les personnes homosexuelles chrétiennes, en faisant le point sur leur situation réelle. Antoine Guggenheim, directeur du pôle recherche du Collège des Bernardins à Paris, fait partie d’un groupe qui se réunit régulièrement pour parler des questions par rapport à l’homosexualité d’un point de vue chrétien. Son constat mérite d’être cité :

La situation spirituelle des chrétiens homosexuels ressemble, à certains égards, à une double peine : homosexuels, ils sont encore jugés dans leurs Églises comme s’il s’agissait d’un crime ; chrétiens, ils sont moqués dans les milieux homosexuels.

À partir de ce constat, il parle de la double mission de l’Église, dont les deux dimensions sont inséparables. L’Église annonce l’Évangile, mais sa mission est aussi de reconnaître et de combattre les injustices qui blessent l’humanité, ou une partie d’entre elles. L’heure est à la lutte contre les discriminations. Une théologie de l’estime des personnes homosexuelles doit succéder à un enseignement du mépris(4).

Ce qu’il dit dans le contexte catholique romain, est aisément applicable au contexte évangélique.

PRUDENCE

Nous avons bien conscience qu’une grande prudence est de mise, dès lors que nous abordons l’homosexualité d’un point de vue évangélique. Et ce, à plusieurs égards. Tout d’abord parce que la question est controversée dans les Églises, toutes tendances confondues. Ceci n’est pas nouveau. Les différentes positions sont connues depuis des décennies déjà. Impossible de trouver un consensus qui satisfait tous les milieux. Pour un certain nombre de dénominations, Joel Edwards, l’ancien directeur général de l’Alliance Évangélique Britannique, a raison d’affirmer que « l’homosexualité pourrait bien être la question la plus controversée de l’Église occidentale actuelle »(5). Chaque union d’Églises qui permet la bénédiction d’unions de même sexe et l’exercice du ministère pastoral par des homosexuels pratiquants, est confrontée au départ d’une partie de ses membres à cause de cela. C’est systématique. Aujourd’hui, ces questions divisent profondément la communauté anglicane dans le monde.

Les évangéliques, quant à eux, continuent à défendre la vision traditionnelle chrétienne et biblique de la sexualité humaine. Dans une enquête récente de l’Alliance Évangélique Britannique, seulement 10% des personnes interrogées ont exprimé leur désaccord avec la déclaration que « les actes homosexuels sont toujours mauvais », alors que 68% approuvaient « tout à fait » cette déclaration(6). Nous ne disposons pas des chiffres concernant les évangéliques en France, mais la situation est vraisemblablement similaire.

Deuxième prudence : la position contre les relations sexuelles par des personnes du même sexe, peut facilement alimenter une attitude de jugement et de condamnation, comme si l’homosexualité était un péché beaucoup plus grave que tous les autres, et que l’on doive se méfier de ceux qui se disent homosexuels. Il va de soi qu’une telle attitude fait fuir les personnes concernées. Lisons attentivement le chapitre 9, qui nous lance le défi d’aimer nos prochains homosexuels.

Malheureusement, les « Manifs pour tous » contre le projet de loi « Mariage pour tous », a fait surgir chez quelques groupes des propos violents et des gestes menaçants à l’endroit des personnes homosexuelles. En tant que chrétiens, nous ne pouvons que déplorer ces actes.
En 2002, l’Alliance Évangélique Française s’est clairement exprimée contre de tels propos et de tels actes. Mais dans la même déclaration, elle a mis en garde contre un amalgame, très en vogue aujourd’hui, selon laquelle toute prise de position contre la pratique homosexuelle serait une forme d’homophobie :

Nous désavouons l’homophobie, car elle dénote une peur ou une haine irrationnelle envers les personnes homosexuelles.
Toutefois, nous n’acceptons pas l’idée selon laquelle le fait de rejeter les pratiques homosexuelles sur des bases bibliques serait en soi une attitude homophobe(7).
L’Alliance Évangélique n’existe plus, ayant cédé la place au Conseil National des Évangéliques de France, mais sa déclaration n’a rien perdu de sa pertinence et de son actualité.

LE MOT QUI FÂCHE LE PLUS

Cela nous amène à la troisième réserve. Dans les Églises, nous assistons à un besoin grandissant de conseils pratiques et pastoraux dans les milieux évangéliques, émanant aussi bien des membres des Églises que de leurs responsables. Pasteurs et accompagnateurs veulent savoir quelle est la réponse chrétienne fidèle et pleine de grâce aux personnes qui font l’expérience d’une attraction pour le même sexe. Il existe des parcours de relation d’aide, tels Torrents de Vie (cf. chapitre 9).

Mais dès lors que l’on évoque la possibilité d’une transformation, voire d’une libération, et que l’on propose un parcours pastoral dans cette direction, on doit marcher sur des œufs, car on est vite taxé d’homophobe par ceux qui nous observent de l’extérieur. On risque fort de s’attirer les foudres des associations militant pour les droits des gays et des lesbiennes.
Surtout le mot guérir c’est le mot qui fâche le plus dans notre société. Dire « guérison », à tort ou à raison, peut avoir l’effet d’un chiffon rouge dans les arènes.

Pour preuve, un petit retour à l’actualité. Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, s’est indignée de ce qu’elle appelle les « séminaires de guérison » de l’identité sexuelle. C’est pourquoi elle a saisi la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), le 31 octobre 2012. Un porte-parole de la Miviludes a précisé que cette saisine ne cible pas une organisation ou une association en particulier, mais des programmes « à prétention thérapeutique » visant à proposer aux homosexuels un parcours vers l’hétérosexualité, « qui sont susceptibles de mettre en danger la santé des participants ».

En novembre 2012, Najat Vallaud-Belkacem s’engageait « pour qu’il soit mis fin aux dérives que sont les "thérapies de transition", ces thérapies sont proposées par des groupes protestants pour "guérir" les homosexuels »(8).

La question de la « guérison de l’homosexualité » pratiquée a été relancée en France par le documentaire de Serge Moati et Alice Cohen sur les nouvelles Églises charismatiques, diffusé le 30 avril 2013 sur France 5, dans l’émission Le monde en face. Le reportage montrait comment une femme pasteur chassait un « esprit d’homosexualité » d’un jeune.
Interrogé par des journalistes, le pasteur Thierry Le Gall, directeur de la communication du Conseil National des Évangéliques de France (CNEF) a expliqué que ce type de prière de délivrance touche un large éventail de dépendances comme l’alcool, le tabac ou la drogue. « Le CNEF reconnaît ces pratiques », a-t-il précisé. « Elles existent au sein de quelques Églises membres du CNEF mais sont marginales ».(9)

Le 12 juillet 2012, à Toulouse, les associations de défense des droits des gays, lesbiennes, bi et trans (LGBT) ont lancé une pétition dénonçant ce qu’elles appellent « des séminaires destinés à ‘guérir’ l’homosexualité » et qui, selon elles, « poussent des milliers de gays et de lesbiennes à l’autodestruction et au suicide ».

En ligne de mire, le parcours de relation d’aide organisé par l’association Torrents de Vie. (voir plus loin, chapitre 9, pour une description de ces programmes.) Contacté par un journaliste du site fait-religieux.com, le pasteur Daniel Liechti, vice-président du CNEF, a confirmé que « les principes de Torrents de Vie sont partagés par la plupart des évangéliques français ».(9)

Selon Thierry Le Gall, que nous venons de citer plus haut, « le CNEF revendique le principe de réciprocité dans l’esprit républicain. Tout comme les associations LGBT accueillent des personnes en souffrance, les Églises membres du CNEF accueillent des personnes en recherche et qui s’interrogent sur leur sexualité ». Pour lui, « chaque chrétien a le droit d’accompagner une personne qui s’interroge sur sa sexualité et qui décide librement d’entrer dans le projet de Dieu et de conformer sa vie à la Bible. Le CNEF dénonce les actes homophobes. La laïcité est un cadre qui permet la liberté d’expression et de conscience. Pour le CNEF, l’homosexualité n’est pas une maladie. L’orientation sexuelle est un choix qu’il faut respecter. Le CNEF n’encourage pas les pratiques homosexuelles parce que la Bible les désapprouve. Certaines Églises membres du CNEF accueillent régulièrement des personnes homosexuelles dans le respect et la discrétion ».(9)

VÉRITÉ ET GRÂCE

Comme Thierry Le Gall, nous devons peser nos mots sans pour autant cacher notre conviction et notre volonté de respecter les principes de la Parole de Dieu. Il est quasiment inévitable que les autres nous comprennent mal, mais cela ne doit en aucun cas être un prétexte pour nous renfermer dans un langage que seuls les évangéliques comprendront, et encore… Soyons toujours prêts à rendre compte de l’espérance de notre foi, d’une manière lucide et honnête, devant celles et ceux qui nous posent des questions, aussi critiques soient-elles (1 Pierre 3.18). Mais toujours avec prudence. Polémiquer sur un sujet aussi sensible que l’homosexualité est quelque chose d’hasardeux. Notre mission est double : dire la vérité de l’Évangile pour tous mais aussi aimer nos prochains homosexuels dans la société comme dans nos Églises.
L’Évangile est un message, non seulement de vérité, mais aussi de grâce. Le pardon et la nouvelle vie sont offerts gratuitement à tous, et tous ont besoin de cette grâce.

Le danger est de penser que grâce et vérité sont incompatibles. Et quand on les affirme sur un plan biblique, on a souvent du mal à les associer en pratique. Surtout par rapport aux personnes homosexuelles.

D’un point de vue évangélique, nous insistons sur le fait que les deux vont forcément ensemble. Que rien ne les sépare l’un de l’autre. C’est avec grâce que nous devons articuler la vérité telle qu’elle est révélée dans la Bible et reçue par l’Église. C’est dans un amour capable de voir plus loin que n’importe quel péché, que nous sommes appelés à dire la vérité. Les articles que vous allez lire dans ce hors-série, cherchent à discerner ce que veut dire obéir à la vérité de Dieu, et vivre cette vérité, tant en paroles qu’en actes.

La communauté de l’Église joue un rôle important, voire essentiel dans la vie de chaque croyant qui se met à la suite de celui qui est le chemin, la vérité et la vie. Nos communautés ont vocation à être des communautés de grâce et de vérité. Alors, que « la grâce, la miséricorde et la paix de Dieu le Père et de Jésus-Christ, le Fils du Père, soient avec nous dans la vérité et l’amour » (2 Jean 3).

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1.
Cf. Manifeste pour la famille, numéro spécial du magazine Famille chrétienne, février 2013, p.4.
2.
Propos de Brice Teinturier, sur le plateau de C’est dans l’air, émission de France 5, le 25 mai 2013.
3.
Gilles Bernheim, interviewé dans La Croix du 6 janvier 2013, p. 11-12.
4.
Antoine Guggengeim, La double mission de l’Église, dans La Croix, 20 février 2013, p. 14.
5.
Très récemment, l’Église d’Écosse qui est presbytérienne reconnaissait être divisée sur le sujet. Voir : http://www.churchofscotland.org.uk/ data/assets/pdf file/0006/5757/ gal 1_specssrm.pdf. Elle avait déjà vu un certain nombre de pasteurs et d’Églises évangéliques annoncer qu’ils partiraient suite aux décisions de son assemblée générale de mai 2011.
6.
Cf. Andrew Goddard et Don Horrocks, Biblical and pastoral responses to homosexuality, Evangelical Alliance UK, 2011, p. 9 et p. 24, tableau 6.8. Il s’agit des réponses données par les membres des Églises évangéliques.Cf. Andrew Goddard et Don Horrocks, Biblical and pastoral responses to homosexuality, Evangelical Alliance UK, 2011, p. 9 et p. 24, tableau 6.8. Il s’agit des réponses données par les membres des Églises évangéliques.
7.
Alliance Évangélique Française, Foi, Espérance et Homosexualité, 2002, affirmation 4.
8.
Linda Caille, Les évangéliques veulent-ils ‘guérir’ les homosexuels ?, article placé sur le site fait-religieux.com, le 8 juin 2013.
9.
Idem

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