Ce que l’on peut observer chez les pèlerins du chemin de Saint-Jacques
Que cherchent toutes ces personnes, chaque année plus nombreuses qui parcourent le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle ? Les reliques déposées dans la cathédrale n’en attirent que peu d’entre elles. Un nombre non négligeable se contente, d’ailleurs, de faire une partie du chemin ou même de fractionner leur marche, de sorte qu’il leur faut plusieurs années pour arriver à destination. Une minorité d’entre elles se déclare catholique pratiquante. Alors que cherchent-elles ?
En 2001, 13.000 pèlerins ont été enregistrés au point de passage entre la France et l’Espagne, à Saint-Jean-Pied-de-Port. Dix ans plus tard, en 2011, leur nombre a triplé : 39 000 (et plus de 45 000 en 2012). Le nombre de pèlerins, en Espagne, est dépendant des années dites « jacquaires » (lorsque la Saint-Jacques tombe un dimanche), mais rien de tel n’apparaît sur les statistiques françaises, ce qui montre bien le peu d’engagement des pèlerins cheminant en France, par rapport à la dimension rituelle du pèlerinage. À l’arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle, on comptait, la même année, en 2011, 180 000 pèlerins et, l’année suivante, en 2012, plus de 190 000 (la dernière année jacquaire remonte à 2010).
Il faut sans doute distinguer la motivation de ceux qui font une petite partie du chemin et de ceux qui s’engagent dans une marche au long cours. 50% des personnes arrivant à Saint-Jacques sont espagnoles. Un certain nombre d’entre elles viennent plutôt chercher un certificat d’honorabilité : si l’on peut prouver que l’on a marché au moins 100 Km à pied, on peut obtenir la « Compostella » qui permet, en Espagne, d’appuyer un CV si l’on postule à un emploi, pour témoigner que l’on est quelqu’un de fiable. Le bureau des pèlerins estime que 20% des arrivants se sont contentés du minimum requis de 100 km. Mais les autres ?
Par rapport aux chiffres habituels de la pratique religieuse, les statistiques frappent l’imagination : il y a une majorité d’hommes (57%) et beaucoup de jeunes (28% de moins de 30 ans)(1) : ces chiffres s’expliquent par le parcours assez physique de ce pèlerinage, mais ils sont intéressants quand on sait que la tranche d’âge des 20-30 ans mais aussi les hommes sont assez difficiles à mobiliser dans les Églises. À titre de comparaison, les pèlerinages de confiance de Taizé attirent entre 30 000 et 100 000 jeunes (suivant les lieux et les années) en Europe(2). On se situe dans des ordres de grandeur comparables.
Quelle est leur position par rapport à la religion instituée ?
Voilà ce que disent les chiffres. Qu’en est-il de ce que déclarent les pèlerins sur le but de leur marche ? Les éléments qualitatifs, rapportés ci-dessous, ne résultent pas d’une enquête respectant les normes universitaires. Il se trouve que j’ai parcouru, à plusieurs reprises, divers tronçons du chemin de Saint-Jacques et que j’ai accompli, l’an dernier, l’ensemble du trajet pendant trois mois d’affilée, de sorte que j’ai eu l’occasion de......