Témoignage et réflexion sur la vie communautaire

Extrait Vie et gestion de l'Église
Deuxième article reprenant les conférences données lors du Congrès de la Fédération Baptiste (FEEBF) à Lyon, les 10-12 mai 2018, autour de la thématique annuelle de la Fédération Baptiste : Construire l’Église ensemble. Dans celui-ci, Sœur Mireille propose quelques réflexions autour de l’importance de la vie communautaire, construites en trois temps : une présentation des diaconesses de Reuilly, leur histoire et leur fameuse règle ; l’appel à la vie communautaire ; et l’importance de la vie communautaire pour l’Église et le monde. Bien évidemment, nos Églises locales ne sont pas des communautés de diaconesses – il y a de grandes différences entre elles. Cependant, à travers le témoignage de Sœur Mireille, des ponts, des encouragements et des apprentissages sont possibles. La vie communautaire est belle, elle construit l’Église !

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Témoignage et réflexion sur la vie communautaire

A. Présentation de la Communauté des Diaconesses de Reuilly

La Communauté des Diaconesses de Reuilly est une communauté religieuse féminine, dont les membres s’engagent sous les trois vœux traditionnels de la vie monastique, que sont l’obéissance à Dieu et à nos sœurs, la sobriété de vie dans le partage intégral des biens et le célibat consacré pour Dieu, dans une relation chaste aux autres et à la vie. Et cela de manière définitive, jusqu’au terme de notre vie.
La Communauté a vu le jour en 1841, il y a maintenant plus de 175 ans.

1. Une préhistoire

Mais d’où vient que naissent de tels mouvements dans l’Église ? Je soulignerais deux causes possibles et une réponse spirituelle, qui sont comme le terreau de telles germinations dans des temps particuliers :

  • une cause ecclésiale (ou religieuse)
  • une cause sociétale
  • une réponse spirituelle

Et je voudrais relire à très grands traits ces trois points, d’une part à la naissance de l’Église, d’autre part au 4ème siècle, et enfin au 19ème siècle.

a. La période qui précède la naissance de l’Église

On peut reconnaître ces trois éléments :

  • La cause religieuse : le judaïsme est dominé par un mouvement très « installé » : le mouvement pharisien, qui domine largement la synagogue. Mais d’autres mouvements, multiples, comme les saducéens, les zélotes, les esséniens, d’où semble être issu Jean-Baptiste. Donc l’établissement d’une identité (les pharisiens) et un émiettement de la réalité religieuse.

  • La cause sociétale : la société juive de l’époque est confrontée à la domination romaine, avec toutes les questions d’assimilation, ou de contestation, que cela provoque dans la société…

  • La dimension spirituelle : la figure de Jean-Baptiste, dans sa prédication au désert, semble être une réponse à l’institutionnalisation d’un judaïsme dominé par le mouvement pharisien, confronté à une occupation étrangère. Sa naissance qui en fait le dernier prophète, le nouvel Élie… sa fuite au désert, qui est une contestation. Il s’agit bien d’une réponse spirituelle à une situation délétère. Sa prédication est le terreau de l’Évangile.

b. Au 4ème siècle

L’Église, après plusieurs siècles de persécutions, entre dans une période de légitimité, avec sa reconnaissance par l’empereur Constantin, qui fait du christianisme une religion d’État. Cela conduit à une « installation » du christianisme dans la société, avec le risque d’un affadissement du message.

La réponse spirituelle qui se donne alors est l’émergence en plusieurs régions de l’Empire d’un mouvement monastique. Des pères (et mères) du désert, de grands visages de la tradition spirituelle monastique se font jour, tradition qui n’a plus jamais cessé depuis lors.

c. Au 19ème siècle

On peut lire trois éléments semblables au 19ème siècle :

  • La cause ecclésiale : depuis les articles organiques de 1803, le protestantisme français est autorisé à « exister » dans la société. Il sortait de trois siècles de semi-clandestinité. Il s’installe et s’habitue… et dans un même temps, il s’émiette en « petites ecclesioles ».

  • La cause sociétale : en plein milieu du 19ème siècle, la révolution industrielle modifie profondément la société.

  • Une réponse spirituelle multiple : on voit surgir dans l’Église (catholique aussi) un foisonnement d’initiatives, d’engagements spirituels, dont l’un est la résurgence de la vie religieuse, de type monastique.

C’est dans ce contexte que surgit la Communauté des Diaconesses de Reuilly (un ovni dans le protestantisme de l’époque !).

Si j’ai fait ce retour en arrière, c’est pour montrer la similitude de situations : à une situation de crise sociétale, et à l’installation ecclésiale, une réponse originale de l’Esprit est donnée, qui fait inventer ou réinventer des formes de vie de type prophétique. C’est, je le crois, le signe que l’Esprit Saint ne déserte pas l’Église de Jésus-Christ. C’est, pour moi, un postulat de base.

2. À l’origine de la Communauté des Diaconesses de Reuilly

La Communauté naît d’une double intuition portée par deux personnes, le pasteur Antoine Vermeil et Caroline Malvesin.

Devant la crise traversée par un protestantisme divisé, et installé… et devant la situation sociale du 19ème siècle, Antoine Vermeil a l’intuition d’une réponse possible à cette division : « restaurer dans le protestantisme un ordre religieux qui témoigne de la radicalité de l’engagement envers le Seigneur, dans une soumission mutuelle, dans l’obéissance, et dans un service du pauvre ». Cette intuition vient résonner de manière très forte en Caroline Malvesin qui pressent en elle un appel, une vocation radicale à donner sa vie au Christ. Je souligne cette rencontre de l’intuition d’une organisation communautaire, portée par Antoine Vermeil et d’une vocation personnelle, portée par Caroline Malvesin.

Pour Antoine Vermeil, cette vie communautaire dans l’obéissance à une prieure et dans l’obéissance mutuelle serait « un germe fécond » pour l’unité de l’Église. Un germe fécond pour l’unité de l’Église ! Antoine Vermeil relie la vie communautaire à l’unité de l’Église, en employant le terme de « germe ». Le germe, comme le ferment dans la pâte, transforme le milieu dans lequel il grandit. Si l’on prend l’image du ferment : le ferment agit et transforme le milieu dans lequel il est immergé, par des principes actifs. Il ne s’agit pas d’un modèle qui serait à copier. Non, il s’agit de laisser le ferment distiller ce qu’il est dans le milieu où il est placé. On est loin d’un faire, d’une action efficace à programmer. Le fait communautaire est de l’ordre d’un « art de vivre » qui fait signe – ou pas ; qui parle – ou pas ! La Communauté n’est pas un modèle, elle est un laboratoire !

Ainsi la Communauté des Diaconesses a vu le jour. Par l’appel à une vie consacrée à Dieu, en communauté, elle a pu être une parole reconnue ou contestée – qu’importe – dans l’Église. Et elle agissait, de surcroît, en réponse aux besoins de son temps, par toutes sortes d’actions diaconales.
Au long des années, les charismes qui se transforment s’épanouissent dans des contextes historiques divers, selon les périodes. Ainsi, la Communauté a profondément évolué. Par exemple, les besoins extérieurs de diaconie sont aujourd’hui portés par des laïcs. Mais la dimension communautaire, ce germe fécond, continue de travailler la Communauté. Et je pense que ce travail spécifique, plus que tout autre service, est la vocation de la Communauté dans l’Église, aujourd’hui encore.

3. La Règle de Reuilly

Dans cette évolution, un temps particulier est à souligner : l’écriture d’une Règle de vie. Elle a été écrite en 1983, 140 ans après la naissance de la Communauté ! Elle est le fruit d’une longue expérience et d’une nouveauté.

Ce texte devient – et j’emploie le présent – règle. Non pas règlement, mais mesure et expression d’une spiritualité propre. Ce petit livre est pétri de la Parole de Dieu. À tel point que lorsqu’il s’est agi de publier ce texte, la pensée d’une concordance des références bibliques citées a surgi. Et nous avons dû renoncer, car tout fait appel à des références bibliques. C’est dire combien Sœur Myriam, qui avait reçu le devoir d’écrire ce texte, était elle-même pétrie de cette Bible qu’elle aimait, de cette Parole qui la faisait vivre.

Je m’appuierai donc sur des textes de la Règle pour poursuivre mon propos ! D’ailleurs la portion de texte que nous lisons aujourd’hui dans la Règle est tout à fait en consonance avec notre thème :

« Règle de Reuilly pour ce jour : "Communauté"

La source à laquelle s’abreuve une communauté coule dans le cœur qui aime et pardonne. La fraîcheur des relations repose dans l’esprit humble qui ne juge pas. Que votre amour fraternel soit sincère.
Les faux silences, les amertumes, les politesses factices sont porteurs de mort. Tout n’est pas gagné d’avance dès l’instant où nous mêlons nos vies fût-ce pour l’amour du Christ, car notre adversaire le diable rôde. Il en est du champ de cette vie comme de celui de l’Évangile que l’ennemi ensemença d’ivraie.

Ne pense pas que la tâche d’aimer soit accomplie parce que tu n’aurais de dispute avec personne et ferais le travail qui t’est demandé. Ce n’est que l’apparence des choses. Leur réalité demande beaucoup de sérieux et d’offrande cachée.

Faire d’une étrangère sa propre sœur est une sorte de conversion, toujours un miracle, un bonheur sans fin. Prie nommément pour chacune et accueille les heures de partage communautaire comme des moyens de grâce. Elles nous forment à la transparence et à la compréhension plus authentique les unes des autres. Donne et reçois. Aide à construire l’amour.

Rends mille services à tes sœurs. Puisqu’elles t’ont un jour ouvert leur demeure, ne réserve pas ta générosité pour ceux du dehors.

L’élan et le bondissement de ce jour seront mis à l’épreuve de la durée, mais si tu es fidèle, tu triompheras de l’épreuve et ton consentement conservera sa virginité et sa radieuse clarté. »

Ce texte introduit ma deuxième partie sur la vie en communauté.

B. Appelées à vivre en Communauté

1. La vocation, une vie de conversion

a. L’appel

D’où vient une vocation ? Comment peut naître une vocation ? Pour nous, ...

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