Décrivez-nous le métier d’aumônier sportif
L’aumônier prend soin de tous les sportifs, croyants ou pas. Son temps se partage entre des visites, des rencontres et des temps de célébration de sa religion : chants, prière, lecture de la Bible. Le sportif est pris par le calendrier des compétitions et ne peut pas se rendre à l’église, c’est donc l’église qui vient à lui. L’aumônier est là pour écouter, manifester de la bienveillance, voir si ça va bien… Un peu comme les aumôniers dans les hôpitaux qui passent dans les chambres… Il est là s’il y a quelque chose. Au service de tous.
Dans quel cadre intervient-il ?
Nous sommes présents et actifs lors d’événements internationaux tels que les Jeux Olympiques et Paralympiques. J’étais moi-même à Rio en 2016.
On ne compte pour l’instant que deux aumôniers dans des clubs en France : l’un dans un club de rugby et l’autre dans un club de football semi-pro (et un à l’essai dans un club de handball pro). La situation est toute autreau Royaume-Uni, en Australie ou aux États-Unis, mais nous sommes encouragés. Nous avons créé la structure Holistic Sports* en 2017 et avons formé à l’aumônerie une trentaine de personnes, pour soutenir les sportifs français et les accompagner.
Pourquoi aller voir un aumônier ?
Nous sommes les seules personnes à être « neutres » dans l’entourage des sportifs. Nous ne sommes pas financés par le club, nous ne sommes pas intéressés par leurs résultats ou leurs performances. Ils ont pour cela des préparateurs physiques, des psychologues, des préparateurs mentaux, des entraîneurs sportifs… L’aumônier les prend dans leur globalité et s’attache à comprendre ce qui se passe au fond d’eux.
Certains recherchent le Jésus faiseur de miracles qui pourrait aider leur carrière à décoller, rendre l’impossible possible. Beaucoup sont attirés par Jésus, par sa compassion, son rapport aux autres, son discours, la portée de ses paroles. Nous sommes là pour cheminer avec eux.
Les questions tournent autour du sens, de leur identité : « Pourquoi je fais ce que je fais ? Est-ce que je continue ou est-ce que j’arrête ? J’ai tout sacrifié pour être là où je suis mais je n’ai pas de relation stable, pas de vie de couple, je voyage mais je ne connais pas les pays où je me déplace… »
Comment répondre à cette question du sens ?
Les sportifs sont jugés au quotidien. La pression est continuelle. Découvrir qu’ils ont un Dieu qui les aime, un Dieu créateur et qu’ils ont été créés à son image est un premier pas. Comprendre que même leurs capacités physiques sont un don de Dieu leur permet d’entrer dans un chemin de libération. Se savoir aimé par Dieu rejaillit ensuite sur le terrain et les rend plus forts.
Quand on parle sport, on pense souvent aux stars, aux excès du monde du sport…
C’est le cœur de l’homme qui introduit des dérèglements dans le sport, de la violence, la volonté de gagner à tout prix sur l’adversaire… L’enjeu a tué le jeu dans certains cas.
On a souvent une fausse vision des choses car on cristallise tous nos regards sur le football et vers les sports fortement médiatisés où il y a de l’argent.
En réalité, si l’on regarde les athlètes olympiques, beaucoup sont sous le seuil de pauvreté. Et s’ils obtiennent une médaille d’or, la prime sert en priorité à payer l’entraîneur. Et tout cela au prix du sacrifice de leur jeunesse !
Et le dopage ?
Le sport, c’est une idole. On est prêt à tout sacrifier pour des moments de gloire éphémères. Selon une enquête américaine, 90 % des sportifs seraient prêts à prendre une pilule dopante – même en connaissant les risques pour leur santé – pour devenir champion olympique.
La bigorexie** touche les sportifs de haut niveau et fonctionne comme l’addiction aux jeux d’argent, à la pornographie, aux sports à sensation. Cela fait partie des dangers que l’on traite en tant qu’aumônier.
Quelles ont été les conséquences de la pandémie ?
Nous avons eu beaucoup de travail pendant toute cette période et mis en place une ligne d’écoute pour soutenir ceux qui étaient fragilisés, notamment suite à la perte de leur emploi. Certains, après deux saisons sans jouer, doivent envisager une reconversion. Il s’agit de les aider à redéfinir leurs projets et leur motivation.
Votre plus grande joie ?
C’est de voir ces hommes et ces femmes que nous accompagnons construire des vies solides, des relations vraies et authentiques, matures. Et pour ceux qui ont connu des périodes difficiles, les voir reprendre leur envol et repartir avec des fondations qui leur permettront de tenir bon, même dans l’adversité.
Les bienfaits du sport
L’activité sportive est bonne pour notre santé mentale, pour notre bien-être avec la production de la dopamine, « l’hormone du bonheur ». Nous avons besoin de nous dépenser, que notre corps soit en activité ; c’est quelque chose de bon, que Dieu a créé. Il nous a donné des genoux, des coudes…, pour jouer, sauter, taper dans un ballon… C’est aussi un moyen de se détendre, une récréation durant nos temps de repos. On en a besoin ! Dieu est un Dieu de la joie ! Le sport donne du plaisir.
Une demi-heure par jour c’est l’idéal : que ce soit la marche à pied, le travail musculaire, le footing ou un jeu de raquettes… C’est particulièrement vrai en temps de crise.