Pour repérer dans l’interprétation de l’Ancien Testament la pensée eschatologique d’un auteur, le livre de Daniel paraît un point d’observation privilégié
(1) . Il l’est d’autant plus que la citation dans le discours eschatologique de Jésus (Mt 24,15) et les reprises dans l’Apocalypse (notamment chap. 13) invitent à lire dans sa prophétie, non seulement l’annonce d’événements révolus lors la première venue du Christ, mais aussi des développements ultérieurs. L’observation portera principalement sur les textes traditionnellement associés à la figure de l’Antichrist : la corne adventice de la 4
e bête du chapitre 7 (vv. 8, 20-27), la dernière corne du bouc au chapitre 8 (vv. 9-4, 23-25), la fin des chapitres 9 (vv. 26-27) et 11 (vv. 36-45).
On a choisi de limiter l’enquête à la Réforme dite magistérielle, et de l’aborder à partir de trois ouvrages parus à Genève dans les années 1550-1564, période présentée par Paul Chaix comme « l’âge héroïque de l’imprimerie réformée militante à Genève. » (2) Après la censure infligée dans le royaume de France aux ouvrages protestants, Genève est devenu un lieu stratégique de diffusion de la pensée de la Réforme. L’édit royal de Châteaubriant du 27 juin 1551 ne s’y trompe pas, qui cite à maintes reprises le nom de Genève, interdisant d’importer les livres qui y sont publiés, quels qu’ils soient (3) , retirant aux « porte-paniers » (colporteurs) la vente des livres parce qu’ils en diffusaient sous le manteau « venant de Genève et autres lieux mal famés» (4) , allant jusqu’à faire arrêter et punir tout porteur de lettre venant de Genève (5) et ordonnant la saisie des biens meubles et immeubles de toute personne s’y étant expatriée (6) . La sévérité de la loi trahit une certaine impuissance à en faire respecter les dispositions. Les livres continuent à se vendre faisant la fortune de l’édition genevoise. Trois des principaux éditeurs de la place, Conrad Bade (1525-1562), Jean Crespin (1520-1572) et Robert Estienne (1503-1559) sont des transfuges récents de Paris.
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