11 août 1628. Jonas Michaelius premier pasteur de New-York

publié le 11 August 2023 à 02h01 par José LONCKE

11 août 1628. Jonas Michaelius (Michel) premier pasteur de New-York

Jonas Michaelius a bravé les tempêtes et la mort pour devenir pasteur aux Nouveaux Pays-Bas.

Jonas Michel, était d'origine française, descendants de réfugiés huguenots aux Pays-Bas.

Il est probablement né sous le nom de Jonas Joannis Michielsz à Hoorn. Il a étudié à l'Université de Leyde de 1600 à 1605. Suivant la coutume du clergé hollandais de l'époque, il latinisa son nom en Jonas Michaelius.

Il a travaillé comme pasteur dans diverses villes du Brabant de 1607 à 1612, de 1612 à 1614 à Nibbixwoud et de 1614 à 1624 à Hem.

Il s'est marié en 1614. En 1624, il se rend, vraisemblablement avec la flottille de Piet Hein, à Salvador, au Brésil, où il sert jusqu'à ce que la ville soit reprise par les Portugais en mai 1625. De là, il traverse l'Atlantique jusqu'en Guinée où il reste jusqu'en 1627.

Après un bref retour aux Pays-Bas, Jonas Michaelius s'embarque le 24 janvier 1628, pour les Nouveaux Pays-Bas (aujourd'hui l'État de New York) accompagné de sa femme et de trois enfants.

Le voyage de dix semaines (du 24 janvier au 7 avril 1628) est un cauchemar. Les tempêtes secouent le navire, la nourriture est pauvre et les quartiers exigus. La plupart du temps, le capitaine Evert Croeger est ivre et les marins mal dirigés.

Il arrive à Niew-Amsterdam (actuelle New-York), un établissement néerlandais  implanté depuis peu sur l’île de Manhattan (Manhatte en français) par la Compagnie néerlandaise des Indes Occidentales. Bon nombre des premiers colons européens en 1624 n'étaient pas des calvinistes hollandais, mais français, connus sous le nom de huguenots. Ils ont également été rejoints par des Wallons ou des protestants francophones de Belgique. Ces deux groupes avaient auparavant fui vers les Pays-Bas pour échapper à la persécution religieuse dans leur pays d'origine. En se joignant aux colons hollandais pour venir dans le Nouveau Monde, ils espéraient trouver de plus grandes opportunités de posséder des terres et de prospérer dans leurs métiers.

La première population de New Amsterdam a été estimée à environ 270 personnes. Au cours de ses quatre premières années d'existence, la colonie n'a pas eu d'ecclésiastique ordonné.

Dans ses lettres, il décrit le pays et le climat comme « bons et plaisants. Le sol donne des fruits de toutes sortes, aussi bien médicinaux que d'autres de toutes sortes.... Au lieu des huttes dans lesquelles les gens étaient auparavant, de nouvelles maisons ont commencé à être construites. Un nouveau fort, un moulin à farine et une scierie sont en construction; les briques et les tuiles sont déjà cuites et un four à chaux fonctionne. Il décrit une vie dure et austère. La Compagnie lui donna 6 ou 7 acres de terre pour son entretien, mais faute d'ouvriers cette terre ne lui profite en rien. Les rations qui ont été distribuées sont composées "de vieux haricots durs, de pois gris, d'orge, de poisson séché, etc." Il demande instamment que de bons ouvriers lui soient envoyés pour défricher le terrain, car la plupart étaient paresseux et indisciplinés.

Michaelius a été le premier pasteur réformé néerlandais à servir dans les Nouveaux Pays-Bas. Le ministère de ce diplômé de l'Université de Leyde était d’une nécessité absolue. Les colons s'étaient contentés jusqu’à là de «consolateurs de malades». C'étaient des hommes autorisés à lire les Écritures et les sermons, diriger les prières et officier lors des mariages et des baptêmes avec une permission spéciale.

Michel a commencé à diriger des services réguliers

À son arrivée à New Amsterdam (aujourd'hui Manhattan), le pasteur dans la quarantaine commence « à organiser une forme de congrégation » dans une pièce au-dessus du moulin à grain du village sur ce qui est maintenant William Street près de Pearl Street. Ce sont les premiers cultes de l’histoire de la ville pour les habitants européens. Pieter Minuit et Jan Huygen ont été nommés anciens.

La correspondance suggère que Michel parlait assez bien le français et pouvait prêcher en français. Il est certain qu'il a commencé à tenir des services réguliers en français tous les dimanches après-midi après le service du matin en néerlandais.

La Cène du Seigneur était administrée (aux Français et aux Wallons) en langue française, et selon le mode français avec un discours qui la précédait, « que j’avait devant moi par écrit, car je ne pouvais pas me faire confiance pour improviser ».

La célébration de la Cène du Seigneur a eu lieu tous les quatre mois et par la suite on compte environ 50 communiants (Néerlandais et des Wallons).

Peter Stuyvesant, directeur général de New Amsterdam, conduit les fidèles au service du dimanche et impose une amende à quiconque n'allait pas à l'église ! De son côté, Michaëlius souhaite séparer autant que possible les affaires ecclésiastiques et civiles « pour éviter toutes confusions et commérages ».

L'Eglise qu'il a formée est devenue connue sous le nom de « L’église collégiale Marble de New York » (en anglais "Marble Collegiate Church") aujourd'hui c’est le plus ancien lieu de culte protestant de New York, une des plus anciennes églises d’Amérique du Nord.

La femme de Michaelius (nous ne connaissons pas son nom) est décédée en juin 1628, sept semaines seulement après l'arrivée de la famille dans le nouveau monde. Michaelius marque le coup courageusement: «Le Seigneur l'a fait. Je dois le supporter. Et quelles raisons ai-je à objecter ? Car toutes choses concourent au bien de ceux qui l'aiment… Je prie le Seigneur que ni par cette épreuve ni par aucune autre je ne perde le courage dont j'ai tant besoin dans ce ministère ».

Bien qu'il ait nommé le gouverneur comme ancien de l'église, Michaelius ne s'est pas toujours bien entendu avec les dirigeants de la colonie. En fait, il a écrit à ses supérieurs un rapport bien senti à leur sujet.

Une lettre de lui adressée à Adrian Smoutius, datée de la Nouvelle Amsterdam, 11 août 1628, a été retrouvée à la fin du 19e siècle. dans les archives hollandaises de La Haye. Dans cette lettre, il montre qu’il s'est également consacré au travail missionnaire parmi les Indiens. Il écrit sur leur langue, leur religion, leurs mœurs et leurs coutumes, ais aussi leur état de vie dégradé. Il dresse un plan de christianisation de ces peuples. A ses yeux, les adultes doivent être laissés tranquilles et il faut commencer par les enfants. Ceux-ci doivent être retirés de leurs tribus alors qu'ils sont encore jeunes, afin qu'ils puissent être enseignés par un maître d'école capable et pieux. Ils peuvent continuer à parler leur propre langue entre eux, afin de se préparer plus tard à travailler comme missionnaires indigènes.

Malgré les frictions, la rareté de la nourriture et les mauvaises conditions de vie, il resta avec les colons un an au-delà de son engagement, ne revenant aux Pays-Bas qu’en 1632.

Cinq ans plus tard, l'église néerlandaise a recommandé son retour aux Nouveaux Pays-Bas, mais les dirigeants de la colonie, se souvenant de son précédent mauvais rapport à leur sujet, en ont rejeté l'idée. Après cela, il a disparu de l'histoire. Nous ne savons pas où il a servi ni quand il est mort, pas plus d’une dizaine d’année après.

Pendant les cinquante années suivantes, les besoins religieux de la population francophone furent satisfaits au mieux par différents ecclésiastiques hollandais.

Lorsque les Britanniques ont pris le contrôle de la ville en 1664 et l'ont rebaptisée New York, ils ont permis à l'Église réformée néerlandaise de poursuivre ses traditions de culte. Le roi Guillaume III a accordé à l'église une charte royale en 1696, faisant de la « Collegiate Church of New York » la plus ancienne société d'Amérique.

De presque majoritaire à ses débuts, la partie francophone de la Nouvelle-Amsterdam, décline régulièrement, sans jamais totalement disparaître.

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Lettre du pasteur (intégrale) Jonas Michaelius, 11 août 1628

Le Révérend, Savant et Pieux Monsieur Adrien Smoutius, fidèle ministre du Saint Evangile du Christ dans son Église, demeurant sur le Heerengracht, non loin de la Maison des Indes occidentales à Amsterdam. Par un ami, que Dieu préserve. La Paix du Christ à Toi. Révérend Monsieur, bien-aimé frère en Christ, cher ami !

L'occasion favorable qui se présente maintenant d’écrire à Votre Révérence, je ne puis la laisser passer, sans l'a saisir, selon ma promesse. Et, d'abord j’ai à me décharger dans cette communication d'un douloureux évènement, il a plu au Seigneur, sept semaines après que nous soyons arrivés dans ce pays, de me reprendre ma chère partenaire, qui avait été pour moi, pendant plus de seize ans, une vertueuse, compagne, fidèle et tout à fait aimable ; et je me retrouve maintenant seul avec trois enfants (deux filles et un fils, Jan, placé dans la maison du skipper Jan Jansen Brouwer), tétant très déboussolé, sans sa société et sans son aide. Mais qu'ai-je à dire ? C'est le Seigneur lui-même qui a permis cela, lui, celui contre qui personne ne peut s'opposer. Et pourquoi devrais-je même le souhaiter, sachant que toutes choses doivent concourir au bien de ceux qui aiment Dieu ? J'espère donc porter patiemment ma croix, et par la grâce et l'aide du Seigneur, ne pas perdre courage, ce dont moi, dans mes fonctions ici j'ai si particulièrement besoin.

Le voyage fut long, à savoir du 24 janvier au le 7 avril, lorsque nous avons mis le pied ici pour la première fois. Orage et tempête s'abattirent sur ma chère épouse et mes enfants, bien qu'ils supportent mieux le mal de mer et la peur que je ne l'avais prévu, nous n'avons pas manqué de difficultés, en particulier dans le voisinage des Bermudes et des côtes accidentées de ce pays. Notre pitance sur le navire était très pauvre et peu abondante, d’autant plus que ma femme bénie et mes enfants, ne mangeant pas avec nous dans la cabine, à cause de l’exiguïté de la pièce, ils eurent un sort pire que les marins eux-mêmes ; et surtout à cause d'un méchant cuisinier qui les embêtait de toutes les manières; mais surtout en raison du capitaine lui-même (Evert Croeger) qui, bien que je m’en sois fréquemment plaint après de lui de la manière la plus courtoise, ne s’est pas préoccupé de son côté le moins du monde de corriger le coquin ; lui non plus, même quand ils étaient tous malades, ne leur a pas donné tout ce qui pouvait leur faire du bien, bien qu'il y en ait de quoi dans le navire: car lui-même savait très bien trouver ce qu’il lui fallait, en dehors des heures de repas, pour remplir son propre estomac. Tout le soulagement qu'il nous a donné, consistait simplement en des belles promesses, faites dans un état d’ivresse; sur quoi rien ne s’en suivait quand il était sobre sinon un visage aigre ; et il était enragé contre les officiers et s'est livré constamment au vin, à la fois en mer et surtout ici tout en restant allongé près de la rivière; de sorte qu'il marchait quotidiennement sur le pont ivre et la tête vide, venant rarement au Conseil et jamais au service divin. Nous avons tout supporté en silence ; mais ça me chagrine, quand je pense, surtout à ma femme et à sa situation (elle était enceinte) et au temps si court qu'elle a vécu. Lors de mon premier voyage, j’avais beaucoup vagabondé avec lui,et même logé sous le même toit, mais je n'ai jamais pensé qu'il était à ce point violent et ivrogne.

Notre venue ici a été agréable à tous, et j'espère, par la grâce du Seigneur, que mon service ne sera pas stérile. Les gens, pour la plupart, sont plutôt rudes et sans retenue, mais je trouve chez presque tous à la fois de l'amour et du respect envers moi ; ce sont deux choses avec lesquelles le Seigneur a jusqu'à présent gracieusement béni mes travaux, et qui, dans notre service, comme Votre Révérence le sait bien, se trouvent, son particulièrement désirables, afin de rendre notre ministère fructueux. Dès le début, nous avons organisé une église. Etant donné que le Frère Bastiaen Krol (venu en 1626 en tant que "consolateur des malades"), descend très rarement du Fort Orange, à cause de la direction de ce fort et du commerce dont il est désormais chargé là-bas, on a pensé qu'il valait mieux choisir deux autres anciens pour m’aider, ceci en prenant en en considération toutes les affaires ecclésiastiques qui ne manqueront pas de survenir, durant l'année à venir, si le Seigneur le permet. On laissera l'un d'entre eux se retirer, et on en choisira un autre à sa place parmi un choix double préalablement et légalement proposé à la congrégation. Un de ceux que nous avons maintenant choisis est l'Honorable Directeur (Pierre Minuit, né de filiation huguenote en 1550 à Wesel, Allemagne de l'Ouest, a été nommé directeur général de la Npouvelle-Hollande en décembre 1625, arrivé en mai 1626, il acheta l'île de Manhattan des Indiens durant l’été), et l'autre est le gérant de la Compagnie, Jan Huygen (consolateur des malades).son beau-frère, personnes de très bonne moralité, d'après ce que j'ai pu apprendre, ayant tous deux été autrefois en fonction, l'un comme diacre, et l'autre comme ancien dans les églises néerlandaise et française.

Lors de la première administration du Repas du Seigneur qui a été observé, non sans grande joie et réconfort pour beaucoup, nous avons eu cinquante communicants, Wallons et Néerlandais; dont, une partie a fait sa première confession de foi devant nous, alors que d'autres ont montré leurs certificats d'Eglise. D'autres avaient oublié d'apporter leurs certificats avec eux, ne pensant pas qu'une Eglise serait formée et établie ici; et certaines qui les avait amenés, les avait malheureusement perdus, mais ils ont été admis sur le témoignage d'autres de qui ils étaient connus, et aussi sur leur bon comportement quotidien, car on ne peut observer strictement toutes les formalités d'usage pour commencer quelque chose dans de telles circonstances. Nous administrons la Sainte Cène du Seigneur une fois tous les quatre mois, provisoirement, jusqu'à ce qu'un plus grand nombre de personnes exige plus. Les Wallons et les Français n'ont pas de service le dimanche, autrement qu'en néerlandais, car ceux qui ne comprennent pas de Néerlandais sont très peu nombreux. Une partie des Wallons va retourner au Pays, soit parce que leur contrat a expiré, ou bien parce que certains ne sont pas très utiles ici à la Société. Certains d'entre eux vivent loin et ne peuvent pas venir en temps de fortes pluies et de de tempêtes, de sorte qu'eux-mêmes ne pensent pas qu'il soit opportun de fixer un service spécial en Français pour un si petit nombre, et dans l’incertitude. Néanmoins, la Cène du Seigneur leur a été célébrée en langue française, et selon le mode français, avec un sermon précédent la Cène, sermon dont j'ai gardé le texte écrit sous les yeux, car je ne peux pas me faire confiance pour prêcher de façon improvisée en français. Si dans ce cas et en d'autres matières, Votre Révérence et les Révérends Frères du Consistoire, qui ont ici une autorité spéciale sur nous, jugent nécessaire de nous administrer, correction, instruction ou bons conseils, ils nous seront agréables et nous en remercierons Votre Révérence; puisque nous ne devons tous n’avoir d’autre but que la gloire de Dieu dans l'édification de son royaume et le salut de beaucoup d'âmes.

Je me tiens autant que possible dans le cadre de ma vocation, où je me trouve suffisamment occupé. Et bien que notre petit consistoire embrasse la plupart du temps- quand le frère Krol est ici - pas plus de quatre personnes, et que tous, excepté moi, ont aussi des affaires publiques dont ils doivent s'occuper, j'espère toujours séparer soigneusement les affaires ecclésiastiques des affaires civiles, afin que chacun soit occupé par ce qui le concerne. Et bien que beaucoup de choses soient mélangées, politiques et ecclésiastiques peuvent grandement s'entraider, néanmoins l’Église et l’État tout en procédant ensemble ne doivent pas être mélangés mais séparés, afin d'éviter toute confusion et désordre. Comme le Conseil de ce lieu est composé de braves gens, qui sont pourtant pour la plupart simples et ont peu expérience dans les affaires publiques, je n'aurais pas d'objection de les servir dans toute affaire difficile ou douteuse avec de bon conseils, à condition que je m'estime capable de donner de tels conseil et que ces conseils soient demandés; auquel cas je suppose que je ne ferais rien de mal et que je e serai soupçonné par qui que ce soit d'être quelqu’un qui s’occupe des affaires d’autrui (Que nul ne souffre comme un homme se mêlant des affaires d’autrui « surveillant d’autrui », 1 Pierre 4. 15). A mon avis, il serait bon que les Honorables Directeurs fournissent aux gouvernants des informations plus claires et plus précises et des instructions, afin qu'ils sachent distinctement comment se conduire pour faire face à toutes les difficultés publiques possibles et aux événements ; et il serait bon aussi que je puisse avoir du temps ici pour étudier les Actes du Synode de Hollande tels qu'ils ont été adoptés dans les synodes de Hollande (les conventions synodales fondamentales de 1568-1586 et du Synode de Dort).; à la fois les spéciaux qui concernent notre région, et ceux qui des provinces et de la nation, qui se rapportent à nos difficultés; ou au moins ceux d'entre eux dont les jugements seraient très susceptibles de nous rendre service ici. En attendant, j'espère qu’on tiendra compte que de notre côté nous faisons de notre mieux en tout sincérité et zèle honnête; ce à quoi je me suis dès le premier moment entièrement consacré, et jusqu'ici, par la grâce de Dieu, je n'ai à me plaindre de personne. Et si des questions douteuses d'importance viennent devant moi, et surtout s'ils admettent un quelconque retard, je me référerai à vous, en m'en remettant aux bons et prudents conseils des Honorables Frères, à qui je me suis déjà entièrement recommandé.

Quant aux indigènes de ce pays, je les trouve entièrement sauvages, étrangers à toute décence, incivils et stupides comme des poteaux de jardin, compétents seulement en toute méchanceté et impiété; hommes diaboliques, qui ne servent que le Diable, c'est-à-dire l’esprit que dans leur langue ils appellent Menetto ; sous ce titre, ils comprennent tout ce qui est subtil et astucieux et au-delà de la compétence et du pouvoir humains. Ils ont tellement de sorcellerie,

de divination, et d’arts mauvais, qu'ils peuvent difficilement être retenus par des liens ou des serrures. Ils sont aussi voleurs et traîtres qu’ils sont grands; et dans la cruauté ils sont tout à fait inhumains, plus que barbares, dépassant de loin les Africains (Michaelius avait servi sur la côte ouest de l'Afrique). J'ai écrit à ce sujet à plusieurs personnes ailleurs, ne doutant pas que frère Krol ait écrit suffisamment à Votre Révérence, ou aux Honorables Directeurs ; comme aussi de la basse trahison et des meurtres que les Mohicans, sur la partie supérieure de ce fleuve, avaient prévu contre le Fort Orange, mais qui ont échoué par l'interposition gracieuse de notre Seigneur, pour notre bien - qui, quand il lui plaît, sait comment déverser, de manière inattendue, des impulsions naturelles dans ces hommes, afin de les prévenir.

Comment ces personnes peuvent-elles être au mieux conduit à la vraie connaissance de Dieu et du Christ Médiateur ? Dur à dire. Je ne peux que me demander qu’est-ce qui a prédisposé Votre Révérence et bien d'autres dans la Patrie, à croire à la docilité de ces gens et à leur bonne nature, les principes de la religion et les vestiges des lois sont dit être parmi eux; en quoi je n'ai encore pu découvrir qu’avec peine un seul bon point : ils ne parlent pas autant que les Africains osent le faire. En ricanant et en se moquant de la divine et glorieuse majesté de leur Créateur. Mais c'est peut-être parce qu'ils n'ont aucune connaissance certaine de Lui, ou presque. Si nous leur parlons de Dieu, il apparaît à eux comme un rêve; et nous sommes obligés de parler de lui, non pas sous le nom de Menetto, qu'ils connaissent et servent –parce que ce serait un blasphème - mais sous le nom de la plus haute autorité, Sackiema, C’est par ce nom qu’ils appellent (vivant sans roi) celui qui commande plusieurs centaines d'entre eux ; et tandis que les gens écoutent, certains commencent à marmonner et à secouer la tête comme si c'était une fable idiote; et d'autres, afin d'exprimer de la considération et de l’amitié pour une telle proposition, disent « Orith » (C'est bien).

Maintenant, par quels moyens devons-nous conduire ces gens au salut, ou faire une brèche salutaire en eux ? Je me permets sur ce point d'éclairer quelque peu Votre Révérence. Leur langue, est le premier moyen. Une langue, je pense tout à fait particulière. Communément les gens l'appellent une langue facile, qui s'apprend vite, mais je suis d'un avis contraire. Car ceux qui peuvent dans une certaine mesure comprendre leurs paroles et les répéter, échouent grandement dans la prononciation, et ne parlent qu’une langue brisée, comme la langue d'Ashdod. (Néhémie 13. 24). Car ces gens ont des sons aspirants difficiles et de nombreuses lettres gutturales, qui sont formées plus dans la gorge que par la bouche, les dents et les lèvres, choses auxquelles notre peuple n'est pas habitué. Certains s’imaginent qu'ils ont accompli quelque chose de formidable parce qu’ils ont fait du bruit avec hardiesse. C'est vrai qu'on peut facilement en apprendre assez pour commercer, mais cela se fait presque autant par les signes du pouce et des doigts que par les paroles ; et cela ne peut se faire en matière religieuse. Il nous semble aussi qu'ils pensent plutôt à nous dissimuler leur langue qu’à bien la communiquer, sauf dans les choses qui concernent le commerce quotidien ; ils se contentent d’en dire juste assez pour être compris dans ce domaine ; et puis ils ne prononcent que des demi-phrases, des mots abrégés, et nomment fréquemment de la même façon une douzaine de choses et même plus ; et toutes ces choses qui n'ont entre elles qu'une ressemblance grossière, ils les appellent fréquemment par le même nom. En vérité c'est un langage inventé et enfantin; afin que même ceux qui peuvent le mieux parler avec les sauvages, et s'entendre bien avec eux en commercant, sont néanmoins complètement dans le noir et désorientés quand ils entendent les sauvages parler entre eux.

Il serait bon alors de laisser les parents tels qu'ils sont, et de commencer par les enfants qui sont encore jeunes. Ainsi soit-il. Mais ils doivent dans leur jeunesse être séparés de leurs parents ; oui, de toute leur nation. Car, sans cela, ils auraient vite faits d’être aussi ancrés que leurs parents dans le paganisme et les diableries, dont leurs coeurs sont pétris naturellement par eux-mêmes et par un juste jugement de Dieu ; de sorte qu'ayant une fois, par habitude, obtenu des racines profondes, ils ne peuvent ensuite que difficilement s'en émanciper. Mais cette séparation est difficile à réaliser. Car les parents ont une forte affection pour leurs enfants, et sont très peu enclins à s’en séparer ; et quand ils sont séparés d'eux, comme nous en avons déjà la preuve, les parents ne sont jamais satisfaits, mais cherchent furtivement à les éloigner ou à les inciter à s'enfuir Bien qu'il y ait quelques dépenses à faire, nous devrions, au moyen de cadeaux et de promesses, obtenir les enfants, avec la gratitude et le consentement des parents, afin de les faire instruire par un maître d'école expérimenté et pieux, qui leur apprendra non seulement à parler, lire et écrire dans notre langue, mais aussi surtout les fondamentaux de notre religion chrétienne; et une école où, d'ailleurs, ils ne verront que de bons exemples de vie vertueuse ; mais ils doivent parfois parler leur langue maternelle entre eux pour ne pas l'oublier, car évidemment la langue est le principal moyen de répandre la connaissance de la religion dans toute la nation. En attendant, nous ne devons pas oublier d’implorer le Seigneur, avec des prières ardentes et continuelles, pour ses bénédictions; qui peut faire apparaître des choses qui sont invisibles, de façon soudaine et opportune, qui donne la vie aux morts; qui appelle ce qui n'est pas comme si c'était; et qui est riche en miséricorde et a aie pitié de qui Il veut; comme Il a pitié de nous pour être Son peuple ; et qui nous a lavés, sanctifiés et justifiés nous, qui étions couverts de toutes sortes de corruption, en nous appelant à la connaissance bénie de son Fils, et en nous faisant passer de la puissance des ténèbres à sa merveilleuse lumière. Et tout cela je le considère d'autant plus nécessaire que grandes sont la colère et la malédiction de Dieu, reposant sur ce peuple misérable. Peut-être Dieu aura-t-il enfin pitié d'eux, afin qu’à la plénitude des païens puisse être graduellement apportée le salut de notre Dieu, qu’il puisse être ici aussi vu parmi ces hommes sauvages. J'espère garder un œil vigilant sur ces gens, et d'apprendre autant que possible leur langue, et chercher de meilleures opportunités pour leur instruction qu’il n’a été possible de trouver jusqu’à présent.

En ce qui concerne moi-même et mes affaires domestiques : je me retrouve moi-même entravé et affligé par la perte de ma chère et utile partenaire, car mes deux petites filles sont encore petites ; il n’y a pas de servantes, du moins aucune qu’on puisse me conseiller de prendre; et les esclaves angolais sont voleurs, paresseux et inutiles. Le jeune homme que je pris avec moi, je m’en suis déchargé après la Pentecôte, pour la raison que je ne pouvais pas l'employer à l'extérieur à aucun travail de la terre, et à l’intérieur, il était un fardeau pour moi au lieu d’apporter une assistance. Il est maintenant d'ailleurs au service des fermiers. La promesse que les Honorables Directeurs de la Compagnie m'avaient faite de quelques acres de terre pour que je puisse subvenir moi-même à mes besoins, est vaine et inutile. Car Leurs Honneurs savent bien qu’il n'y a pas de chevaux, de vaches ou d'ouvriers à obtenir ici pour de l'argent. Tout le monde est à court dans ces choses et chacun en veut plus cher. Je ne devrais pas me soucier de la dépense si l'occasion seulement m’était offerte, pour notre propre confort, bien qu’on n’en tirerait aucun profit (les Honorables Directeurs me restant redevable d'autant ), le beurre, le lait, etc., ne peut pas être ici obtenu; bien que certains soient en effet vendus à un prix très élevé, parce que ceux qui l'apportent ou en discutent le prix sont jaloux les uns des autres. Je serai donc obligé de passer par un hiver sans beurre et autres produits de première nécessité, que les navires n'apportent pas avec eux pour être revendus ici. La Tout est facturé assez haut, et la nourriture est dure, comme celle à laquelle les hommes sont habitués à bord des navires, et souvent pas très bonne, et même ainsi on ne peut pas obtenir autant qu'on le désire. J'ai commencé à reprendre des forces, par la grâce du Seigneur, mais à cause de cette nourriture composée de farine de haricots et de pois gris, qui sont assez durs, d'orge, de poisson séché, etc., sans grand changement, je ne peux pas récupérer complètement comme je le ferais autrement. L'été donne quelque chose, mais qu’est-ce pour quelqu'un qui ne se sent pas bien? Les sauvages aussi apportent des choses, mais celui qui n'a pas de marchandises à échanger, comme des couteaux, perles, etc., ne peut s'entendre avec eux. Bien que les gens échangent de telles choses contre des marchandises appropriées, Je ne sais pas si cela est autorisé par les lois de la Société. J'ai maintenant commandé de Hollande presque tout le nécessaire ; et j’espère passer l'hiver, avec la nourriture dure et peu abondante. Le pays produit beaucoup de bonnes choses pour le soutien de la vie, mais ils sont tous trop impropres et sauvages pour être recueillis. De meilleurs règlements devraient être établis, et on devrait amener des gens ici qui ont les connaissances et les outils pour rechercher tous sortes de choses suivant les saisons et pour sécuriser la situation et rassembler tout le monde. Nul doute que cela se fera progressivement. Pendant ce temps, je souhaite que les Honorables Directeurs soient courtoisement interrogés, pour me dire comment je puis au mieux avoir la possibilité de posséder une part de terre (même à mes propres frais) pour m'en nourrir. Tant qu'il n'y a plus de logement à obtenir ici des gens de la campagne, je serai obligé de commander tout à grands frais à la Patrie et avec beaucoup de risques et de peines, ou bien continuer à vivre ici seulement de ces pauvres et dures denrées, cela me conviendrait mal, à moi et à mes enfants. Nous voulons dix ou douze fermiers de plus, avec des chevaux, des vaches et des ouvriers en proportion, pour nous fournir du pain, des produits laitiers, et des fruits adaptés. Car il y a des endroits commodes qui peuvent être facilement protégés et sont très appropriés, ce qui peut être achetés aux sauvages en échange de jouets insignifiants, ou pourraient être occupés sans risque, car nous avons plus qu'assez d'actions qui n'ont jamais été abandonnés mais ont toujours été réservés à ce but.

Le commerce des fourrures est difficile à cause de la nouvelle guerre des Mohawks contre les Mohicans à l'extrémité supérieure de ce fleuve. Il y a eu des meurtres cruels des deux côtés. Les Mohicans ont fui et leurs terres sont inoccupées, elles qui étaient très fertiles et agréables. Cela nous chagrine qu'il n'y ait personne, et qu'il n'y ait pas d'ordre des Honorables Directeurs de les occuper. Beaucoup de bois est coupé ici pour envoyer à la Patrie, mais les navires sont trop peu nombreux pour en prendre beaucoup. Ils fabriquent un moulin à vent pour scier du bois et nous avons aussi un moulin à farine. Ils cuisent la brique ici, mais c'est très pauvre. Les coquilles d'huîtres sont un bon matériau pour brûler et faire de la chaux, en grande quantité. La combustion de la potasse n'a pas réussi ; le maître et ses ouvriers sont tous très déçus. Nous sommes occupés maintenant à construire un fort en bonne pierres de taille, qui se trouvent non loin d'ici en abondance. Que le Seigneur seulement construise et surveille nos murs. Il y a une bonne opportunité pour faire du sel, car il y a des endroits convenables, l'eau est assez salée, et il ne manque pas de chaleur en été. De plus, ce serait trop long à raconter tout ce que rapportent les eaux, tant de la mer que des fleuves, par toutes sortes de poisson; et ce que la terre possède en toutes sortes d'oiseaux, de gibier et de bois, avec des légumes, des fruits, des racines, des herbes et des plantes, tant alimentaires que médicinales, et avec lesquelles de merveilleuses guérisons peuvent s'opérer, et je ne pourrais pas encore le dire avec précision. Votre Révérence a déjà pris connaissance de cela et pourra obtenir d'autres informations complémentaires. Le pays est bon et agréable, le climat est sain, malgré les brusques changements de froid et chaud. Le soleil est très chaud, l'hiver est rude et difficile et se poursuit pleinement aussi longtemps que dans notre pays. Le meilleur remède est de ne pas épargner le bois, dont il y a assez, et de se couvrir de peaux rugueuses, qui peuvent aussi être facilement être obtenues. La moisson, Dieu soit loué, est dans les granges, et elle est plus grande que jamais auparavant. Il y a eu plus de travail dessus qu’avant. Le sol est assez fertile pour récompenser le travail, mais il faut bien le défricher et le labourer, comme nos terres l'exigent. Jusqu'à présent, il y avait de la détresse parce que beaucoup de gens n'ont pas été très industrieux, et n'ont pas non plus obtenu une subsistance adéquate faute de pain et d’autres nécessités. Mais les affaires ont commencé à aller mieux et à prendre une autre apparence, si seulement les directeurs envoyaient de bons ouvriers et s’assuraient qu'ils soient entretenus au mieux avec ce que le pays produit.

J'avais eu l'intention et promis d'écrire à l'Honorable Frère, Rudolphus Petri, à Joannes Sylvius et à Cloppenburg, qui, à Amsterdam, avec Votre Révérence, ont été chargés de la surintendance de ces régions (synode de Hollande) mais comme cela prendrait du temps et le temps étant court, et mes occupations du moment nombreuses, Votre Révérence se fera un plaisir de donner mon aimable et bien cordiale salut à Leurs Révérences, et de m'excuser, à condition que je reste leur débiteur pour tenir ma promesse - si Dieu le veut - la prochaine fois.

Je suis également heureux de présenter mes sincères respects au Révérend Triglandius, et à tous les Frères du Consistoire d’Amsterdam, d'ailleurs, car je n’ai pas pensé que c’était nécessaire de leur écrire de façon particulière en ce moment, car ils sont mis au courant de ces nouvelles, par votre Révérence. S'il doit être pratique pour votre révérence ou l'un des révérends frères de m'écrire une lettre concernant des questions qui pourraient être importantes à tous égards pour moi, ce serait très intéressant pour moi, qui vit ici dans un pays sauvage sans aucune société, et ce serait une incitation à écrire plus assidûment à ces Révérends Frères concernant ce qui peut arriver ici. Et surtout n'oubliez pas mes cordiales salutations à la bien-aimée femme et au beau-frère de Votre Révérence, qui m'ont montré rien de l'amitié et de la gentillesse au-dessus de mes mérites. S’il y avait quelque chose par lequel je pouvais en retour servir ou remercier Votre Révérence, je serais heureux de le faire, et n’y manquerait en aucune façon.

Concluant donc par la présente, et me recommandant à votre faveur à vos saintes prières au Seigneur, Révérend et savant monsieur, bien-aimé frère en Christ, et Ami: Recommandant chaleureusement votre Révérence et vous tous au Dieu Tout-Puissant, pour leur santé et prospérité, et pour leur Salut éternel, par Sa Grâce.

Depuis l'île de Manhatas en Nouvelle-Hollande, ce 11 Août, An 1628, par moi, votre Révérend est très fidèle serviteur en Christ,

Jonas Michel

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