23 janvier 1893. Jean-Baptiste Crétin

publié le 23 January 2023 à 01h01 par José LONCKE

23 janvier 1893. Jean-Baptiste Crétin

Arrivé de Lyon en 1877, le pasteur Jean-Baptiste Crétin (1813-1893) est décédé le 23 janvier 1893 à La Fère, où il est enterré.


Peut-être les quelques pages suivantes écrites par le pasteur Aimé Cadot, qui a fait œuvre d’historien avec la publication de ses "Notes et Récits", donneront-elles une idée de la personalité et des convictions, d'abord de Catherine Beaucamps-Crétin et ensuite de son fils, Jean-Baptiste Crétin. Et peut-être l'envie d’en lire davantage...

1. Sur Catherine Beaucamps-Crétin (1785-1865)

"MADAME CRETIN Mère. Avant même que les soldats anglais fussent venus à Nomain, une jeune fille des environs de la frontière belge – et qui devint l’une des ouvrières bénévoles de notre Mission – avait été, en partie, éclairée par la lecture du Saint Livre de Dieu. – Orpheline de mère, elle demeurait chez l’une de ses tantes, lorsqu’elle entendit pour la première fois parler de la Bible, par une famille dont les ancêtres avaient été protestants. Mais hélas ! ils s’étaient faits catholiques, plutôt que de perdre leurs biens, au temps de nos rois persécuteurs.


De leur sainte religion, ces gens n’avaient gardé que leur Bible, et comme leur jeune voisine, à peine âgée de dix-huit ans, était fort pieuse catholique et intelligente, ils lui prêtèrent le Saint Volume. Elle le lut avec grand intérêt. Mais bientôt, elle s’aperçut que ce n’était pas le même enseignement que celui des prêtres.


Dès qu’elle eut compris qu’une foule de doctrines romaines n’avaient jamais été enseignés par le Sauveur ni par ses apôtres, elle les rejeta carrément et même les combattit, comme des additions apportées par les prêtres à l’Evangile du Christ, - ce qui fit que les gens qui lui avaient prêté leur Livre le lui reprirent aussitôt.


Mais notre jeune fille n’était pas d’une nature veule, molle, pas plus qu’elle n’était indifférente à la vérité ou à l’erreur. Ayant compris que la Bible est le Livre de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance, et la révélation de Dieu aux hommes, elle entrevit que pour avoir part au Testament de Jésus-Christ, elle devait connaître les lois, les clauses, les conditions.


Privée du précieux Livre, elle languissait. C’est pourquoi elle voulait à tout prix s’en procurer un autre, et fit, un dimanche, douze lieues à pied, pour aller, dans son ardeur, demander au pasteur de Lille de lui vendre une Bible. Cet homme timoré, prévoyant pour ce cœur ardent de grandes difficultés, refusait de céder aux prières de notre sœur. Mais elle insista tant, qu’à la fin, il ne résista plus, et lui vendit le précieux Volume.
Ce qui attendait notre sœur au retour, - lorsqu’elle revint pleine de joie avec le cher objet de ses désirs, - c’était l’hostilité. Voici la raillerie, les quolibets et les sarcasmes de tous, - et surtout la mauvaise humeur de la tante, - qui était loin d’avoir la piété, les convictions et l’indépendance de caractère de sa nièce. Sur l’heure elle accabla celle-ci de reproches, de dures paroles, et l’enferma dans sa chambre.


Le jour suivant, le curé vint. Mais la jeune fille confondit vite celui-ci par la Parole de Dieu. Jamais, sans doute, il n’avait été ni plus confus, ni plus irrité. La conclusion du prêtre confondu fut qu’il fallait employer la force contre elle.
Cependant, avant de chasser comme renégate la vaillante jeune fille, on lui fit des offres brillantes. On lui proposa de la marier à un jeune homme riche et de bonne famille qui, avant cela, l’avait recherchée. Pour la persuader si possible, on promit aussi à la récalcitrante, du bien au soleil : il s’agissait d’un bon fonds de terre, si elle voulait retourner à la messe. Mais elle répondit : « que servirait-il à un homme de gagner tout le monde s’il perdait son âme ? » - Voyant cela, la tante lui fit un petit paquet, lui enleva le peu d’argent qu’elle avait, prétextant qu’elle devait payer sa nourriture, - ce dont il n’avait jamais été question, - lui remit pour tout bien un écu de six francs et sa Bible, puis la chassa de chez elle avec ignominie.

Seule au monde, elle se dirigea vers la demeure d’une famille protestante, à quatre lieues de là. Mais bien que ces gens eussent chez eux l’Evangile, ils ne connaissaient pas Dieu par le cœur, et ils craignirent de soulever contre eux l’opinion publique, en recevant dans leur maison la pauvre et chère jeune fille, qui fut « sans un lieu pour reposer sa tête ».


Notre jeune sœur avait une seconde tante, chez qui elle avait demeuré, et où elle serait restée si la première n’eut pas désiré l’avoir. Elle y alla, et pria cette seconde sœur de sa mère de lui donner asile. Mais celle-ci répondit : «Si tu avais été détournée de la bonne voie et délaissée par un perfide ; même si tu avais volé… je te recevrais. Mais tu as abandonné ta religion, va-t’en ; je ne veux pas de toi, sors d’ici tout de suite.


Où ira-t-elle ? Seigneur, veille sur ceux qui sont comme elle et les garde ! Elle revint à son village et chercha un lieu pour y loger. Là, elle apprit qu’il y avait à quelque distance une famille demi protestante : la femme seule était née dans la religion réformée ; mais malheureusement elle ne connaissait rien non plus de la vraie repentance, ni de la foi au Christ, qui changent le cœur et donnent la paix. Néanmoins, elle reçut la persécutée, qui, après avoir été honnie et insultée par les siens – même par son père qui fit de son mieux pour la déshériter – dut se mettre au lit et fit une longue maladie.

Malgré tout ce qu’elle avait souffert pour l’Évangile, pour la vraie foi, pour Dieu, durant ces cruels jours d’épreuves, notre courageuse sœur n’avait pas alors le sentiment de son salut. Elle était devenue une protestante zélée ; mais elle ne se reposait pas avec joie sur Jésus, pour le salut de son âme. – Quelque temps après sa maladie, un protestant lui offrit de l’épouser. Elle le prit. Mais il n’était pas non plus né de Dieu. Il semblait bien à cette sœur vaillante, avide de vérité, que les vrais croyants devaient avoir une vie plus sainte et plus heureuse ; mais ne voyant cette vie réalisée chez aucun de ceux qui l’entouraient, elle pensa que son imagination la trompait et s’endormit dans cet état périlleux.


Cependant, Dieu qui avait commencé cette bonne œuvre devait l’achever. Plus tard, un saint écossais nommé Haldane, vint prêcher la conversion aux protestants eux-mêmes, et c’est alors qu’elle obtint la vraie foi avec la sainte paix du Ciel. – Son mari, protestant, la persécuta, lui fit subir les mille tracasseries. Mais elle resta ferme et triompha de lui par la douceur ; de sorte que lui aussi fut conduit, par la repentance, aux pieds du Sauveur, et mourut en bénissant Dieu du don de son Fils, mort pour nous.


Cette chère sœur travailla non seulement à conduire sa famille dans la sainte voie du salut ; mais elle prêcha l’Evangile autour d’elle. Elle fut en bénédiction à notre frère Capon, et à d’autres. La chère et nombreuse famille Descarpentries, dont plusieurs membres sont répandus dans nos églises de Roubaix, de Croix, de La Fère, de Saint-Sauveur, fut amenée à Dieu par son moyen.
En outre, la noble sœur dont il  s’agit, eut pour fils notre vénéré et bien-aimé frère Jean-Baptiste Crétin, dont nous avons maintenant à parler. Elle fut aussi la grand-mère du cher pasteur Dubus, et, par alliance, celle de notre frère Saillens qui a épousé l’une de ses petites filles, comme l’a fait aussi l’un de nos bons amis, actuellement gouverneur de colonies, et le pasteur Blocher, ex-rédacteur de L’Echo. Dieu garde et honore ceux qui le craignent, jusqu’à la millième génération, et leur postérité est en bénédiction sur la terre".

 

2. Sur  Jean Baptiste Crétin

"JEAN-BAPTISTE CRETIN (1813-1893). Dans la discussion, notre cher frère Crétin était formidable, étant vite armé d’incisifs et redoutables arguments. « Malheur à qui tombait en ses mains redoutables ». Ses adversaires étaient bientôt aux abois, ployés, abasourdis, broyés. Parfois, des prêtres audacieux, téméraires osèrent venir l’attaquer, soit dans une maison privée, soit dans un réunion du soir au village. Mais jamais, que je sache, ils ne s’y sont risqués une seconde fois. En un instant, il réduisait en poudre leurs arguments, la Bible à la main, et leur postait des questions auxquelles ses contradicteurs ne pouvaient répondre. Ou bien, par son ironie impitoyable, il les exposait à la risée des auditeurs. Il en aurait mis sous ses pieds dix ensembles, s’ils lui avaient laissé le temps de leur répondre – et ses réponses étaient si promptes et si bien ajustées !


Un jour, dans mon village, ce vaillant serviteur de Dieu parlait dans une assemblée du soir. C’était chez une veuve appelée Danne, dont trois des arrières petits-fils, du nom de Gavrel, - petits-neveux de l’auteur de ces notes, font ave leurs nombreux enfants à Paris, partie de l’Eglise baptiste de l’Avenue du Maine. Le curé du lieu, appelé Hubaine, vint couper la parole à notre frère Cretin, en niant, à l’aventure, ce qu’il disait et en lui posant la stupide question de ceux qui ne connaissent pas notre précieuse foi :


- Où était votre religion avant Luther ?


- Monsieur le curé, elle était dans l’Evangile, c’est là que Luther l’a trouvée ; c’est là qu’elle est encore ; car nous ne prêchons que ce qu’enseigne le Nouveau Testament, auquel nous n’ajoutons ni ne retranchons rien.

– Mais votre religion à vous M. Le curé, où était-elle du temps de Jésus et des Apôtres ? Car ils n’ont jamais connu ni le culte de Marie, ni la prière aux Saints, ni le célibat des prêtres, ni les indulgences, ni l’infaillibilité du pape… S’ils avaient prêché ces doctrines là, elles seraient dans l’Ecriture. Or, elles n’y sont pas. Les apôtres n’y ont pas cru ; ils ne les ont ni enseignées, ni pratiquées.


Surpris, le prêtre balbutiait, bégayait, il aurait voulu sauter sur un autre sujet. Mais le pasteur lui répondait d’un mot qui faisait saillie et le forçait de revenir à la question, il lui répétait toujours : allons M. le Curé. Où était votre religion quand Jésus prêchait l’Evangile ?


Le téméraire agresseur ne savait plus où il en était. Ne pouvant justifier sa foi par la parole de Dieu, il s’en alla furieux, la haine au cœur, comme il le montra plus tard. Il dit en se retirant qu’il n’avait pas suffisamment étudié la théologie ; mais qu’il reviendrait avec l’un de ses amis plus instruit que lui, et confondrait le prédicant. – C’est encore à faire. Jamais il ne revint montrer d’où les papes et les évêques ont tiré les fausses doctrines de Rome, mises par eux à la place de l’Evangile du Christ.


De Genlis et de Manicamp, le jeune pasteur encore célibataire, allait tenir des réunions du soir à Ognes, à Salency ; ou bien il faisait des courses missionnaires dans les environs de Compiègne, au Meux, à Lacroix-Saint-Ouen, à Verberie, etc. L’évangélisation était alors fort entravée d’obstacles, à cause de l’opposition des bigots, et parce que nos frères n’étaient l’objet d’aucune tolérance de la part de l’autorité. Les gardes champêtres, les maires, les gendarmes s’acharnaient contre eux.


Il y avait bien la loi d’alors, qui leur permettait de s’assembler à vingt, et ils en profitaient. Mais le zèle persécuteur de ceux qui pourchassaient nos frères ne permettait pas à ceux-ci de s’autoriser de la loi relative au nombre vingt, et ils en profitaient. Connaissant l’hostilité des autorités, notre frère Crétin comptait avec soin les auditeurs. Mais cela n’empêchait pas les inimitiés, ni les procès.


Un jour, à Salency, près de Noyon, le pasteur n’avait laissé entrer que dix-neuf personnes. Mais quand le maire vint, accompagné du garde champêtre voulant prendre ou mettre nos frères en défaut, il avait pris avec lui un complice, et l’avait poussé dans le lieu de réunion en y entrant ; puis au nom de la loi, il fit cesser le service, compta les personnes présentes, y compris son acolyte, et n’en trouva que dix-neuf plus une. Il les recompta : il n’y en avait que vingt. Il était bien désappointé ; mais il fit tout de même son procès. La chose alla à Compiègne. Notre frère Crétin fut appelé devant le juge.
Pas de justice à espérer de la part de cet homme. Il déclara à notre frère que quand il n’y aurait que cinq personnes dans la salle, il le condamnerait tout de même ; car il aurait compté comme faisant partie de la réunion ceux qui, sans y être, se rattachaient au groupe évangélique dont M. Crétin était le pasteur.
Quand des juges cléricaux ou iniques foulent aux pieds la loi et prononcent des sentences de condamnation avec un tel cynisme, ils triomphent pour un temps. Que peut le petit pot de terre contre le pot de fer ? Mais ce que l’homme sème, il le moissonne un jour ou l’autre. Car l’injustice et la violence reviennent sur ceux qui les commettent, et notre péché ne saurait manquer de nous retrouver un jour. – On le voit aujourd’hui.

Juste à l’époque où les réunions d’Ognes avaient lieu, sans que les gendarmes pussent capturer personne, le feu éclata un soir dans le village.
Qui l’avait mis ? D’où venait le coup ? L’incendie avait éclaté chez un ennemi des protestants. Alors, ce devait être, s’imagina-t-on, une vengeance des hérétiques. Tout de suite, les ennemis de notre pasteur déclarèrent que c’était lui qui avait mis le feu.
Naturellement, l’abominable accusation trouva promptement crédit chez les adversaires des disciples du Sauveur ; et, aussitôt, la police fut sur pied pour aller prendre notre frère Crétin dans sa maison, à Genlis.

On fit toutes les recherches voulues pour mettre la main sur lui. Mais, ô bonheur, bientôt et facilement, on découvrit que lorsque le feu avait éclaté, le cher accusé était depuis quatre ou cinq jours parti pour une tournée d’évangélisation dans le département de l’Oise. Sans cela, il eût été arrêté et jeté en prison, et l’on aurait peut-être trouvé des témoins pour le faire condamner".

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