La prédication participative

Extrait La prédication

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Billy Graham preaching b L’exercice de la prédication est au cœur de la pratique pastorale protestante. Il est un attendu fort des membres de nos communautés. Souvent considéré comme lieu privilégié pour se «nourrir » spirituellement, c’est là que, dans une saine pratique, le texte biblique est mis en perspective et qu’une parole prophétique est attendue émergeant de la mise en lumière du texte. On peut dire que, pour beaucoup, c’est là que Dieu parle. C’est là que le Sola Scriptura de la Réforme prend toute sa dimension. Poussée à son paroxysme, elle peut même devenir le moment privilégié de la « cure d’âme(1) ».

Pourtant, la pratique du ministère pastoral dans sa dimension d’écoute, conduit invariablement à accepter deux réalités : une bonne part de ceux qui ont écouté le message du dimanche matin n’ont pas vraiment entendu ce que l’orateur avait essayé de partager, et puis surtout, peu de vies semblent réellement transformées par la Parole de Dieu. N’allez pas imaginer qu’il s’agit là d’un propos désabusé. Simplement, il est dans l’ordre des choses. Déjà du temps de Jésus, bien peu de personnes comprenaient réellement ce qu’il essayait de partager alors que beaucoup étaient convaincus d’avoir compris. Il semble y avoir là une réalité spécifique à la communication humaine.

S’ajoutant à ce constat, lorsque l’on est soucieux de rejoindre des personnes « hors » Églises n’ayant pas la culture biblique nécessaire à une bonne compréhension, mais aussi, qui n’ont plus l’habitude d’écouter une « conférence » durant trente minutes, il faut accueillir qu’ils peuvent affirmer que « c’était vraiment intéressant », mais ne reviennent plus tout en maintenant un lien avec nous. Cela laisse songeur.

Cette triple constatation, conduit à questionner le « pourquoi » de la prédication afin de, peut-être, pouvoir se risquer dans un « comment » différent.

I. Le « pourquoi » de la prédication interactive

Dans les lignes qui vont suivre, un rapide survol est proposé. Il s’agit de l’envisager comme un tableau à regarder à une distance raisonnable. Il ne s’agit en aucun cas de faire un procès et d’affirmer avoir mieux à proposer, mais simplement, d’ouvrir un espace de liberté permettant le renouvellement d’une pratique.

Aussi, comme mentionné plus haut, l’inconscient collectif protestant a un attendu fort lié à la prédication. Cet attendu s’est construit essentiellement sur une base « culturelle ». Le terme « culturel » s’entend comme l’enracinement dans une histoire, une pratique, une culture, qui nous précède et dont nous ne sommes pas toujours conscients. Par conséquent, le propos est sans connotation positive ou négative.

Bien que des textes tel que Romains 10.14-17 encouragent vivement la prédication, ils ne proposent pas un enseignement normatif sur la question du déroulé du culte, ou de la forme de la prédication. À vrai dire, nous n’avons pas de texte dans le Nouveau Testament qui nous donne un cadre pour élaborer un « culte » adéquat. De nouveau, Romains 12.1 peut donner l’impression de nous offrir ce possible, mais dès que nous nous penchons sur la proposition du texte, il ne s’agit « que » de s’offrir soi-même.

Par conséquent, ce que nous avons, de fait, dans le texte biblique du Nouveau Testament, ce sont des histoires qui nous « racontent » la venue du Messie, puis l’émergence de la communauté chrétienne avec des vécus communautaires dans des temps et des lieux donnés. Ce sont des textes qui parlent de l’importance de proclamer la Bonne Nouvelle et d’enseigner afin de faire « connaître » Dieu, son royaume, son règne, son salut, et puis aussi, des textes qui invitent à entrer, persévérer et grandir dans la vie nouvelle offerte en Jésus-Christ. Enfin, il y a ces textes qui nous enjoignent de vivre dans l’attente de son retour. En présentant le sujet sous cet angle, il ne s’agit en aucun cas de nier à l’Écriture son inspiration divine et de la réduire à ces propos. Simplement, de délimiter un cadre de travail : le monde, la vie du chrétien, de la communauté chrétienne et son devenir sont au cœur de la préoccupation des auteurs bibliques. Non pas le culte, ni la prédication. D’ailleurs, les rares informations que nous pouvons trouver des pratiques du christianisme primitif laissent entendre que la préoccupation était bien de cette nature(2).

Cela permet de poser la question de la provenance de notre insistance sur la prédication ou le culte. Ce moment durant lequel au moins 90 % du peuple chrétien est assis et spectateur. Pourquoi n’avoir pas davantage travaillé sur le vécu communautaire alors que le texte biblique en parle fréquemment ? Pourquoi cette insistance sur la prédication plutôt que sur la réalité de vies transformées « objectivement » ? Cela est d’autant plus surprenant que, bien des fois, on découvre avec stupeur que l’auditoire se dit nourri lorsqu’il a entendu une parole « moralisante » qui l’invite ou l’oblige à un changement de comportement, pourtant bien souvent suivie d’aucune pratique, ou alors si brièvement…

Certains trouveront le propos exagéré et peu bienveillant. Pourtant, si l’on se penche sur la réalité de l’impact des chrétiens d’aujourd’hui sur le monde dans lequel ils vivent, on a le devoir « moral » de ...

Auteurs
Flavien NEGRINI

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1.
E. THURNEYSEN, Doctrine de la Cure d’âme, Paris, Delachaux & Niestlé, 1958.
2.
Ainsi, Pline le Jeune (91-113 apr. J.-C), dans l’une de ses lettres, dira « (les chrétiens interrogés) affirmaient que tout leur crime ou toute leur erreur s’étaient réduits à se réunir, en un jour fixé, avant le lever du soleil pour chanter par antiphonie un chant (carmen) en l’honneur du Christ comme en l’honneur d’un Dieu, et à s’engager sous serment non pas à tel ou tel crime, mais à ne commettre ni vol, ni meurtre, ni adultère, à tenir parole et à ne pas désavouer un bien prêté. Après quoi ils se seraient de nouveau réunis plus tard pour prendre ensemble un repas, mais (un repas) normal et innocent. » in Lettres X, 96,7.

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