I - ORIENTATIONS BIBLIQUES ET PASTORALES
1. La famille dans les Écritures
La Bible, par les généalogies, les récits des patriarches et toute l'histoire du peuple d'Israël, souligne le fait que chacun appartient à un groupe familial ou à une communauté nationale. Si notre identité, acquise à la naissance, peut être modifiée par l'adoption ou l'octroi d'une nouvelle nationalité, il existe une solidarité humaine qui dépasse les frontières ethniques et tribales, au titre des personnes créées à l'image de Dieu. Par le moyen de la nouvelle naissance, le chrétien, quelles que soit sa famille ou ses origines, devient l'enfant adopté de Dieu en Jésus-Christ. Le peuple de Dieu est appelé à vivre une communion de famille plus vaste que les liens biologiques.
Les Écritures utilisent l'image de la famille pour décrire la relation entre l'homme et Dieu : on y parle de Dieu comme d'un père et des croyants comme des enfants (Hé 12.5-11 ; 1 Jn 3.1). L'humanité a été créée sur une base familiale : « Il n'est pas bon que l'homme reste seul » (Gn 2.18) et « ... les bénissant, Il leur dit : "Ayez des enfants, devenez nombreux, peuplez toute la terre... » (Gn 1.28).
Dans l'Ancien Testament, une famille prospère et féconde est souvent signe de bénédiction de Dieu (Ps 113.9 ; 127 et 128), alors qu'une famille dans le besoin et sans enfant est signe d'abandon voire de malédiction par Dieu (Jr 22.29). Ceci explique les affirmations telles que « Tout enfant est un don du Seigneur, un héritage du Seigneur, un cadeau du Seigneur ». Les récits de naissances merveilleuses abondent, telle la naissance de Samson (Jg 13). Une épouse âgée comme Sara ou Élisabeth, ou une femme sans enfants, rendent grâce au Seigneur d'avoir pu mettre au monde un enfant (Ps 113 ; le Cantique d'Anne : 1 S 2.1-10 ; et le Cantique de Zacharie : Lc 1).
L'ordre familial est basé sur le respect mutuel même s'il faut noter une différence entre l'Ancien et le Nouveau Testament : le premier mettant l'accent sur la Loi et ses menaces (Ex 20.12 avec 18-20 ; 21.15 ; et Dt 27.16), le second soulignant davantage l'Amour du Christ et ses exigences (Ép 5.21 ; 6.1-4). Les écrits de sagesse (Proverbes, Ecclésiaste, Daniel et Job) présentent une sagesse qui est à la fois l'intelligence pratique de la vie et la crainte de Dieu, d'où la place considérable accordée aux conseils en vue de l'éducation des enfants. Le père et la mère ont tous deux leur tâche à accomplir (Pr 1.8 et 6.20). L'éducation vise non seulement la vie de tous les jours mais aussi le type de relation que l'on entretient avec Dieu (Ps 78). Les questions des enfants lors de la Pâque juive (Ex 12.26-27) deviennent le lieu où se transmet la mémoire des interventions passées de Dieu et le temps de découvrir la réalité présente de l'alliance avec l'Éternel. De même, les Psaumes 105 et 106 commémorent et actualisent l'histoire du salut.
2. Les rites de passage autour de la naissance.
Pour marquer l'Alliance conclue avec Abraham, Dieu institue le rite de la circoncision, huit jours après la naissance de tout enfant mâle (Gn 17.9-13 ; et Lc 1.59 et 2.21). C'est Calvin qui a justifié le baptême des nourrissons sur la base de la circoncision juive, en tant que signe d'alliance et de salut. Néanmoins, la vraie circoncision selon Jérémie 4.4 est celle du cœur, que l'on reçoit après la repentance par la foi en Jésus-Christ (Romains 2.28 29 et Ga 5.2-6). De même, la purification est reçue en Jésus-Christ qui, à la croix, a consacré la nouvelle humanité à Dieu (1 P 1.22 et Tt 2.14). Ainsi, le baptême ne peut être donné qu’à des croyants et non aux bébés.
Deux autres cérémonies interviennent après une naissance dans l'Ancienne Alliance. La « présentation au Seigneur » est reliée à la sortie d'Égypte (Ex 13) ; tout premier-né mâle de la famille devait être consacré à Dieu en souvenir de la dixième plaie au cours de laquelle les premiers nés hébreux avaient été miraculeusement épargnés de la mort ; ils appartenaient en quelque sorte au Seigneur et la cérémonie comportait un acte symbolique de rachat.
Le rituel de la purification de la mère après la naissance d'un enfant (Lv 12) était obligatoire et donnait lieu à des sacrifices de purification. Ceci a fondé la pratique de certaines Églises chrétiennes : les "Relevailles" où la mère réintègre l'assemblée, environ un mois après la naissance, en rendant grâce d'avoir survécu aux douleurs de l'accouchement. Le Psaume 116 (ou 127) sont ainsi récités dans l'office anglican.
La consécration du petit Samuel sevré par sa mère Anne (1 S 1.20 à 2.11) s'apparenterait plus à la première de ces cérémonies. Anne ne rachète pas son fils mais, en reconnaissance envers le Seigneur, le consacre à son service pour toute sa vie. La « présentation » de l'enfant Jésus telle que nous la rapporte l'Évangile de Luc (Lc 2.21-24) ferait plutôt référence à la deuxième puisqu'il est question de sacrifices pour la purification de la mère.
Ces rites ne peuvent cependant pas justifier une pratique chrétienne de la présentation. Selon Galates 3, la Nouvelle Alliance en Christ nous libère de toute observance rituelle liée à l'Ancienne Alliance.
Les Évangiles nous font part d'occasions où Jésus prit des enfants dans ses bras leur imposa les mains et les bénit (Mc 10.13-16). Si c'est surtout pour Jésus l'occasion d'un enseignement au sujet du Royaume qu'il annonce, le geste qu'il fait n'est pas dépourvu d'un certain sens d'accueil et de reconnaissance des enfants. Jésus dit à une autre occasion aussi que recevoir un petit enfant en son nom, c'est le recevoir lui-même (Mt 18.5). Le verbe recevoir signifie de ce fait ici plus qu'accueillir, il contient tout l'engagement à aimer, protéger, élever, instruire l'enfant qu'on accueille et pour lequel on désire remercier le Seigneur. On peut bien croire que le geste de Jésus a eu autant d'importance pour les enfants que pour les personnes présentes et en particulier les parents. Rien ici ne justifie cependant l'institution d'une cérémonie chrétienne de la présentation ; les autres écrits du Nouveau Testament ne font aucune allusion à une telle pratique.
3. La présentation d'enfants dans l'Église d'aujourd'hui.
Que retenir de tout cela ? Faisons preuve de prudence, la cérémonie de « présentation » peut avoir une valeur pédagogique et théologique, tout en restant facultative.
Le souhait d'une cérémonie après la naissance correspond à un besoin légitime de « marquer l'événement », de manifester sa joie, de remercier le ciel, voire de demander la protection de Dieu. Cette cérémonie est toujours un choix libre pour les parents. La demande des grands parents semble parfois précéder celle des parents. Par conséquent, il faut en particulier résister (avec explication bien entendu) aux parents ou grand parents qui y verraient une obligation. On pourra alors lever quelques malentendus persistants au sujet des commandements de l'Ancien Testament.
Le baptême des bébés, compris comme une garantie de salut, a souvent conduit à l'exigence d'un rite de purification. L'absence d'une cérémonie autour de l'enfant peut aboutir à des pressions sur des parents désireux de tout faire pour le mieux.
La superstition ambiante dans laquelle le terme de bénédiction peut être mal compris nous oblige à utiliser nos mots avec soin. Ce moment de religion populaire sera l'occasion de communiquer l'amour du Père et la grâce du Christ. La superstition et le malentendu existent, mais peuvent céder la place à l'Évangile libérateur. Dans un pays qui reste marqué par tout un passé d'influence pédobaptiste et qui est de plus en plus gagné par le néo-paganisme, nous préférerons parler de présentation d'enfant et de consécration des parents plutôt que de bénédiction ; certains diront tout simplement un service de remerciement après la naissance ou l'adoption d'un enfant.
Une cérémonie de présentation de jeunes enfants joue un rôle clé sur plusieurs tableaux : elle atteste l'engagement des parents face à la cohabitation qui minimise le sens du mariage. Elle reconnaît que le désir d'enfant est profond. Le contrôle des naissances, ainsi que les techniques de procréation assistée, peuvent donner le sentiment que l'homme maîtrise la fécondité, en valorisant l'intervention humaine plus que celle du Créateur. Pourtant, l'arrivée d'un enfant est aussi une grâce de Dieu, pour laquelle il convient de lui rendre grâces. Cette cérémonie affirme la grande responsabilité des parents dans l'éducation des enfants, pour laquelle ils ont, certes, besoin d'être aidés mais non remplacés. Elle met en avant le besoin d'une éducation religieuse, de l’éveil à une relation de prière et de confiance avec le Dieu de la Bible. Enfin, elle souligne la portée de l'exemple parental et les atouts d'une vie de famille fondée sur le respect du Père céleste et l'expérience du pardon en Jésus-Christ.
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