L’Église dans la cité

Extrait Relation avec le monde

Interview avec Luc Maroni

Propos recueillis par José Dias

Nous avons interrogé Luc Maroni – pasteur, maire-adjoint, ingénieur en Économie Sociale et Solidaire et vacataire d’enseignement à l’Université – sur le thème de l’engagement social et politique de l’Église ou celui des chrétiens en particulier.

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L’Église dans la cité

Le social, notre visibilité et notre crédibilité

L’Église, en s’intéressant au social, n’est-elle pas en contradiction avec sa mission première ?

Il n’y a pas de mission première à proprement parler. Si l’on peut distinguer le mandat créationnel (Gn 2.15) du mandat missionnaire (Mt 28), ils ne s’opposent pas l’un l’autre car ils sont, en réalité, indissociables et complémentaires. Le premier, donné avant la chute, octroie à l’homme la charge de cultiver le jardin (subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille) et le second de garder le jardin (sens de surveillant et de gestionnaire économique) pour le transmettre en bon état aux générations futures. La terre nous a été donnée en usufruit : nous avons des comptes à rendre à Dieu pour son utilisation. L’homme est donc en lien social et économique dès le départ. Le Dieu créateur n’est pas remplacé par le Dieu rédempteur : ce sont deux facettes du même et unique Dieu. Les deux mandats sont donc indissociables. Dès lors, nous ne devrions pas nous poser la question de savoir si notre engagement dans la société est légitime, mais plutôt quelle forme il doit prendre en fonction de notre contexte et de notre assemblée. Il est de notre responsabilité de prendre soin de notre environnement tout comme de notre prochain, dont nous souhaitons qu’il accède à la vie éternelle.

William Carey (1761-1834), le père des missions, a investi les deux mandats avec le même zèle. En Inde, il a été à l’origine de plusieurs centaines d’emplois : il a créé une imprimerie, un journal d’informations, 130 écoles pour garçons et 27 écoles pour filles ; il a rédigé 6 grammaires, 3 dictionnaires, 2 ouvrages de botanique, etc. ; il a provoqué l’abolition de l’infanticide et de l’immolation des veuves ! Et tout cela, il l’a accompli en parallèle avec la traduction de la Bible en 42 langues et dialectes et de l’évangélisation qui a permis la création de plusieurs Églises. Il n’y a pas de dichotomie : sel et lumière sont un seul tenant… On pourrait également citer John Wesley (1703-1791) dont on retient généralement qu’il fût à l’origine des Églises méthodistes mais dont on oublie qu’il est considéré comme un des premiers entrepreneurs sociaux. Il a fait un travail social conséquent en veillant à ce que chaque communauté ait une préoccupation sociale tout en ayant une préoccupation spirituelle.

Votre engagement social est-il à l’origine de votre visibilité en tant qu’Église évangélique ?

Oui, l’engagement social donne de la visibilité et même de la crédibilité. D’ailleurs, nous devons « faire du bien à ceux qui vous haïssent » (Lc 6.27) : notre champ d’action n’a aucune restriction ! La notion d’amour dans la Bible est toujours liée à une action, ce n’est pas uniquement un sentiment du cœur. Dieu ne fait-il pas briller son soleil sur les bons comme sur les méchants ? Ainsi, dans cette même logique, nous exerçons notre action sociale envers tous.
Cette action donne donc une visibilité, une lisibilité même, de qui nous sommes. Les gens ont du mal à entendre ce que nous disons, ils ont du mal avec le discours de la croix. Nous les aidons à l’entendre lorsque notre amour se traduit par des actions. L’amour nous amène à agir pour les gens. Les actions précèdent nos paroles ou les accompagnent.

Votre engagement social au sein de la société est-il perçu comme un moyen de prosélytisme ?

Non. Les francs-maçons, les libres penseurs, les athées font des actions sociales sans qu’on les accuse de faire du prosélytisme ; les partis politiques font également du lien social avec des intentions, voire des postures partisanes. En réalité, tout le monde fait du social avec des intentions. Pourquoi les chrétiens n’auraient-ils pas le droit d’en avoir ? Bien entendu, nous ne faisons pas du social pour « récupérer » les gens, mais pour démontrer notre amour envers eux et nos valeurs sans honte ni gêne. Nous sommes considérés comme...

Auteurs
Luc MARONI

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