À l’occasion de la semaine sainte, plusieurs célébrations sont possibles. Après le dimanche des Rameaux, il y a les immanquables rencontres des jeudi et vendredi saints. À ces occasions, le jour impose sa propre thématique. Le jeudi sera l’occasion de célébrer la Cène, voire pour les plus audacieux (et organisateurs) de se laver les pieds. Le vendredi sera pour sa part plus axé sur la croix, la mort du Christ. Ceux qui n’organisent qu’un seul rendez-vous en semaine sainte font souvent l’amalgame de ces deux journées en célébrant de façon anachronique la Cène le vendredi soir. L’étape suivante, elle aussi inéluctable, sera le dimanche de Pâques avec la Bonne Nouvelle de la résurrection. Dans ce « Triduum pascal » (du jeudi soir au dimanche matin), le samedi saint a, de tout temps, été le parent pauvre. La liturgie des temps de fête de l’Église réformée de Suisse romande précise : « La célébration pascale se poursuit dans le silence du samedi saint, où, dès les origines, l’absence de toute célébration évoque la descente du Christ au séjour des morts, nœud du mystère pascal(1) ».
Les différentes communautés protestantes du « Béarn des gaves » avaient décidé de se donner rendez-vous chaque soir de la semaine sainte pour une brève célébration commune. Il était assez facile aux prédicateurs de trouver des thématiques pour les lundi, mardi et mercredi saints. Il leur suffisait de faire un choix parmi les nombreuses paraboles et récits qu’ils pouvaient trouver entre l’entrée de Jésus à Jérusalem et la célébration du dernier repas dans la chambre haute. Mais quid du samedi saint ? Pas un seul texte à trouver dans les Évangiles ! Peut-être une méditation sur la prière de Jonas dans le ventre du poisson aurait pu correspondre à la thématique. La première année, il fut proposé d’organiser ce jour-là une rencontre marquée par le silence, le recueillement. Ceci n’étant pas spécialement la tasse de thé des protestants, l’année suivante, il fut proposé un mime, afin de maintenir la thématique du silence de ce samedi. La troisième année, une parole se fit entendre, elle ne venait pas de la Parole, mais d’un politicien.
Le choix de Pilate découlait d’une réflexion assez simple. Si le prédicateur de la Parole se tait le samedi saint, celui qui pourrait prendre sa place serait son alter ego de la société : l’orateur politique. Les évangiles nous rapportent la confrontation de ces deux royaumes : celui de Dieu avec Jésus et celui de la politique avec le gouverneur Pilate. Ainsi naquit l’idée saugrenue de faire parler le gouverneur dans le silence du samedi saint sous la forme d’une prédication narrative, à la façon d’Éric-Emmanuel Schmitt, auteur de l’Évangile selon Pilate. Ce discours se devait d’être en complet décalage avec le message d’espérance délivré le dimanche de Pâques. En lieu et place des traditionnelles citations bibliques d’une prédication évangélique vous trouverez des citations d’hommes politiques qui ont marqué notre propre histoire.
« Mon royaume n’appartient pas à ce monde. Si mon royaume appartenait à ce monde, j’aurais des gens sous mes ordres. Ils auraient lutté pour qu’on ne me livre pas aux chefs juifs. Mais non, mon royaume n’est pas d’ici ». (Jn 18.36)