Le fond de la pensée de Blaise Pascal est limpide : la misère de l’homme sans Dieu, la félicité de l’homme avec Dieu. Son style est agréable, ses observations sont percutantes. Mais ses amis libertins semblent rester indifférents. Comment les amener à prendre les choses au sérieux ? D’autant plus qu’ils ont acquis le réflexe – largement partagé par nos contemporains – de ne pas regarder les choses en face :
« Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser(1) : c'est tout ce qu'ils ont pu inventer pour se consoler de tant de maux. Mais c'est une consolation bien misérable, puisqu'elle va non pas à guérir le mal, mais à le cacher simplement pour un peu de temps, et qu'en le cachant, elle fait qu'on ne pense pas à le guérir véritablement. »
Pascal est bien conscient que ses amis, comme les humains en général, ne cherchent pas Dieu. La raison seule ne suffit pas pour convaincre quelqu’un, mais l’on ne peut pas s’en passer non plus ! Pascal se donne donc comme ligne directrice pour ses écrits : « Deux excès : exclure la raison, n’admettre que la raison(2). »
Les gens ne sont pas très cohérents. Ils cherchent à se donner raison, à justifier leur incrédulité à moindre frais. J’aime bien l’humour ironique de Pascal :
« Qu’ils apprennent au moins quelle est la religion qu’ils combattent, avant de la combattre
(3). »
« Ils croient avoir fait de grands efforts pour s’instruire, lorsqu’ils ont employé quelques heures à la lecture de quelque livre de l’Écriture, et qu’ils ont interrogé quelque ecclésiastique sur les vérités de la foi. (…) Il ne s’agit pas ici de l’intérêt léger de quelque personne étrangère, pour en user de cette façon ; il s’agit de nous-mêmes et de notre tout
(3). »
Et voilà l’enjeu. Il ne s’agit pas d’un jeu intellectuel, mais de sa propre vie : « Vous êtes embarqué » selon l’expression saisissante que nous allons retrouver dans son « pari ». Il s’agit de nous-mêmes, de notre propre vie. L’indifférence n’est même pas logique ! Comme aujourd’hui, face à la mort, la moindre des choses pour un citoyen cohérent serait d’acheter la Bible pour connaître le christianisme, le Coran pour comprendre l’islam, la Bhagavad Gita ou les vedas pour découvrir l’hindouisme, et ainsi de suite. Il serait tout à fait sensé de s’informer sur leurs propositions face à la question existentielle du sens de la vie. Mais ce n’est pas le cas. On fait comme tout le monde. On suit le mouvement. On dit que l’on n’a pas le temps. On peut penser à l’expression classique : métro, boulot, dodo… Et encore, celle-ci ne mentionne même pas le temps passé à s’occuper des enfants, à faire les courses… ou à planifier son prochain week-end à Prague ou à Barcelone.
Alors Pascal se rend compte qu’il faut provoquer une prise de conscience ...